ICPE : une petite révolution pour l'obligation de remise en état ?

Publié le 22 juin 2011 par Arnaudgossement

Le Gouvernement vient de soumettre à une consultation publique en ligne, plusieurs projets de textes relatifs au dispositif des garanties financières qui doivent être constituées par les installations classées pour la protection de l'environnement. Le projet de décret comporte notamment un nouvel article R.516-5-3 du code de l'environnement qui est susceptible de modifier considérablement les conditions de réalisation de l'obligation de remise en état.


La page du site du Ministère de l'écologie consacrée à cette consultation est accessible ici.

L'article d'Actu environnement faisant état de cette consultation peut être lu ici.

Cette consultation est ouverte du 21 juin au 30 juillet 2011. Elle porte sur les projets de textes suivants :

1° Un projet de décret d'application de l'article L.516-1 du code de l'environnement

2° Un projet d'arrêté relatif à la constitution de garanties financières

3° Un projet d'arrêté fixant la liste des installations classées soumises à l'obligation de constitution de garanties financières en application du 4° de l'article R.5161 du code de l'environnement

Une note du DGPR datée du 20 juin 2011 est également disponible.

Le présent billet n'a pas vocation à commenter toutes les nouveautés introduites par ces textes et notamment celle relative à l'extension de la liste des ICPE soumise à l'obligation de constitution de garanties financières. 

Toutefois, il est utile de s'arrêter sur la rédaction du nouvel article R.516-5-3 du code de l'environnement qui concerne l'obligation de remise en état. Le projet d'article est rédigé ainsi :

Article R. 516-5-3

"Le préfet peut prescrire à un tiers, qui en fait la demande, la réalisation des mesures requises lors de la cessation d'activité prévue aux articles L. 512-6-1, L. 516-7-6 et L. 512-12-1 à condition que la demande porte sur un projet de réhabilitation et que le demandeur dispose de garanties financières et capacités techniques suffisantes pour réaliser ce projet.
Les garanties fmancières exigées dans ce cas résultent:
• soit de l'engagement écrit d'un établissement de crédit ou d'une entreprise d'assurance,
• soit d'une consignation volontaire déposée sur un compte ouvert dans les livres de la caisse des Dépôts et Consignations.
Le tiers transmet au préfet un document attestant de la constitution des garanties fmancières ou un document attestant de l'ouverture d'un compte dans les livres de la Caisse des Dépôts et Consignations.
Cette disposition n'exonère pas l'exploitant de ses obligations de remise en état en cas de défaillance de ce tiers".

Au préalable, rappelons que l'obligation de remise en état ne peut, en principe, ni être transférée par une convention de droit privé ni être négociée.

Le nouvel article R.516-5-3 s'il devait être adopté introduit les modifications suivantes au régime de l'obligation de remise en état.

  • En premier lieu, il prévoit que le Préfet peut prescrire à un tiers l'obligation de remise en état.

Relevons ici que le Préfet n'est pas contraint de prescrire à un tiers ladite obligation, ce qui peut poser une difficulté si ledit tiers s'est engagé à l'avance envers le débiteur premier de l'obligation; comme par exemple le dernier exploitant de l'ICPE. Par ailleurs, il conviendra également de savoir à quel moment précis doit être formalisée cette demande du tiers et comment elle doit être formalisée. En effet, il convient de prévenir le risque pour un tiers de se voir engagé sans l'avoir réellement souhaité. Il conviendra également, entre autres et nombreuses questions, de savoir si le tiers peut se rétracter et comment.

Last but not least : quelle sera la conséquence, pour le débiteur de premier rang, de la prescription de cette obligation de remise en état ? Est-il définitivement dégagé de sa propre obligation ? Certes, le texte précise "Cette disposition n'exonère pas l'exploitant de ses obligations de remise en état en cas de défaillance de ce tiers" . Touteofois l'hypothèse de la responsabilité de l'exploitant en l'absence de défaillance dudit tiers ne doit pas être écartée sur le fondement de cette seule disposition.

  • En second lieu, le texte précise que la demande doit porter sur un "projet de réhabilitation".

L'expression "projet de réhabilitation" est pour l'heure assez floue. En toute hypothèse, il conviendra de savoir à quelle date doit être présenté au Préfet ce projet de réhabilitation par le tiers le souhaitant. En effet, comment s'articule la procédure de présentation du projet de remise en état par l'exploitant et la procédure de présentation par le tiers ? Un montage juridique assez complexe, relatif au transfert du passif environnemental devra être monté entre l'exploitant et le tiers de manière à envisager toutes les hypothèses possibles dont celle d'un refus par le Préfet d'un projet de remise en état correspondant au projet de réhabilitation porté par le tiers.

  • En troisème lieu, la demande du tiers ne pourra être accueillie que s'il "dispose de garanties financières et capacités techniques suffisantes pour réaliser ce projet".

Lesdites garanties financières et capacités techniques semblent ne devoir correspondre qu'au projet de réhabilitation. La question se pose alors de savoir si le projet de réhabilitation comporte nécessairement toute dépense liée à la remise en état dans son intégralité à l'exécution de toutes mesure ultérieure de police administrative lié à la qualité du site.

En conclusion, cet article inscrit en droit une pratique qui tendait à se développer sans réel fondement juridique. Il est intéressant de relever ce mouvement de contractualisation de l'obligation de police administrative.

Il est surtout fondamental que les exploitants et les acquéreurs potentiels de sites (promoteurs, développeurs etc...) anticipent dés maintenant cette réforme et identifient correctement toutes les garanties contractuelles qu'il leur faudra conclure entre eux pour permettre, s'ils le souhaitent, la mise en oeuvre de cette mesure de prescription à un tiers.