Entre Montluçon et Berry
Montluçon doit son essor industriel à l'ouverture du canal de Berry. Ouvert à la navigation dès 1823, il permettait de relier Montluçon à Saint-Aignan et à la Loire. Il entraînera la création d'un port, l'implantation des grandes usines dévoreuses de fer et de charbon, la naissance d'une ville nouvelle ( la Ville Gozet ) et l'extension de la Vieille ville hors de ses anciennes murailles. Durant près d'un siècle, le canal de Berry jouera un rôle de premier plan pour la cité montluçonnaise.
C'est par un décret Impérial de Napoléon Ier en date du 16 novembre 1807 ordonnant la construction d'un canal sur la rive gauche du Cher que le développement industriel de la cité bourbonnaise va connaître un essor fulgurant.
Destiné à relier Montluçon à la Loire, c'est l'ingénieur Dutens qui est chargé de sa réalisation qui débute en 1808 par le creusement du port de Montluçon. Les travaux se poursuivront jusqu'en 1815 dans l'Allier. Ils conduiront à l'édification de dix écluses et huit ponts, à la rectification des méandres du Cher sans parler, bien entendu, du creusement du canal qui nécessitera l'emploi d'un millier de prisonniers espagnols dans des travaux épuisants aux conditions sanitaires déplorables. En 1815, ces derniers sont libérés et remplacés par des prisonniers politiques ou militaires qui viennent grossir le nombre de terrassiers déjà recrutés sur place.
Dès 1823, des gabares, bateaux à fond plats, circulent sur le canal pour acheminer de Montluçon à Urcay, la houille de Commentry destinée aux forges de la forêt de Tronçais.
Il ne fut réellement achevé qu'en 1834, sous la Monarchie de Juillet, au moment même où s'ouvraient les premières voies ferrées.
Dénommé Canal du Cher au début du XIXè siècle, il fut d'abord conçu comme canal latéral au Cher, de Montluçon à Vallon. Rebaptisé Canal de Berry sous le règne de Louis XVIII, il fut réalisé comme canal de jonction entre le Cher et la Loire. En lui donnant le nom de Canal de Montseigneur le Duc de Berry, la Restauration voulait ainsi honorer la mémoire du Prince Héritier assassiné en 1820, ce dernier n'ayant pourtant jamais pris part à sa réalisation.
Mais la dénomination de Canal de Berry restera et se retrouvera conservée dans les archives, toujours employée par l'administration des Ponts et Chaussées et de mariniers qui la voyaient inscrite sur les murs des maisons éclusières. Mais, à Montluçon, il fut populairement appelé Canal du Berry certainement parce que dans la logique de la population, il permettait de relier la ville au Berry.
Ce canal est le résultat d'une longue politique de développement et d'aménagement des voies navigables, amorcée dès le XVIIè siècle sous l'ancienne monarchie. Le chemin de fer n'existait pas encore. Les routes empierrées, souvent mal entretenues et les véhicules de charges tirés par des chevaux ne pouvaient répondrent efficacement et de façon économique, au transport de marchandises de toutes sortes. Le rôle du canal sera donc capital pour le développement local jusqu'à la fin du XIXè siècle.
Dès lors, le canal connut une baisse de son activité. Initialement prévu pour importer le minerai de fer du Berry et exporter la houille de Commentry, son trafic déclina en raison de l'épuisement des réserves de houille et d'un minerai Berrichon délaissé au profit du minerai Lorrain. Jouant pleinement son rôle dans le cadre d'échanges locaux et régionaux, il apparu rapidement désuet lorsque la nécessité s'imposa d'échanger avec les régions industrielles et minières de l'Est et du Nord de la France.
Ce canal avait un handicap qui s'est accusé au fil du temps : réalisé à petit gabarit pour des raisons de coût de revient, ses écluses et ses ouvrages n'autorisaient le passage qu'à des embarcations de faible tonnage. Les Berrichonnes ou Motluçon ne permettaient guère que des charges de 60 à 70 tonnes. Elles pouvaient certes accéder à l'ensemble des canaux plus larges et plus profonds mais les bateaux chargés de 200 à 300 tonnes, qui provenaient de l'Est et du Nord de l'hexagone ne pouvaient emprunter le canal. Les chargements transportés en vrac devaient être transbordés à la main ce qui entraînait un coût de transport beaucoup plus élevé. Le canal de Berry n'était plus rentable. Le port de Montluçon avait certes capacité à exporter au loin mais il ne pouvait plus importer à prix compétitif, hormis les produits ou marchandises de la région.
On pansa bien à son élargissement pour l'adapter à une navigation permettant le transport sur des embarcations de plus forts tonnages mais ce projet se heurta vite à la question de la rentabilité des travaux qui n'apparaissait pas évidente.
Une importante crue du Cher l'endommagea en 1940 et le trafic cessa durant le Seconde Guerre Mondiale. Réparé après la Libération, il connu un regain d'activité avec le transport de matériaux de construction. Certaines péniches automotrices pétrolières de faible tonnage chargées de carburant débarquèrent même à Montluçon mais cette dernière tentative pour recycler le canal ne suffit pas à justifier son maintient en voie navigable et toute activité cessa définitivement.
Fermé en 1955, comblé jusqu'au niveau de la première écluse dans Montluçon, son emplacement est maintenant occupé par un ensemble HLM, des bureaux, un supermarché, une zone d'activité commerciale, des parkings et une importante artère pour la circulation automobile.
Il demeure en aval de Montluçon mais ses écluses, pour la plupart détruites, ne lui permettent plus de recevoir d'embarcations. Il est néanmoins entretenu par les communes riveraines car il est devenu aujourd'hui, un lieu d'agrément fort apprécié des promeneurs, des vététistes et des pêcheurs.