Magazine Cinéma
Le FIEALD (Festival International d’Expression Artistique Libre et Désordonnée) a été créé il y a vingt ans pour offrir un espace permettant à de jeunes humoristes et comiques de s’exprimer et de montrer leur travail naissant à un vrai public. Cette « scène ouverte » se tient imperturbablement tous les dimanches soirs à 20 heures au théâtre Trévise (*)… N’importe qui peut venir y exercer ses talents dans n’importe quelle discipline artistique, même si c’est l’humour qui y prend la part la plus prépondérante. Chacun dispose de « cinq minutes pour convaincre » devant une salle de connaisseurs aussi prompts à s’enthousiasmer qu’à dézinguer.
Au fil de ces vingt années d’existence, ce plateau a servi de tremplin à de nombreux néophytes qui sont aujourd’hui d’authentiques têtes d’affiche : Christophe Alévêque, Dany Boon, Jamel Debbouze, Elie & Dieudonné, Gad Elmaleh, Eric & Ramzy, Stéphane Guillon, Tex… et bien d’autres.
A chaque fin de saison, le FIEALD présente son « Best of », un florilège de ses meilleurs éléments, ce qui donne lieu à un spectacle complet de plus de deux heures.
J’ai ainsi assisté le dimanche 19 juin au spectacle de fin d’année 2010/2011 et, en toute franchise, j’ai passé une excellente soirée au milieu d’un public de fidèles chaud bouillant. Ce fameux Best of est bien plus qu’une succession d’artistes qui viennent présenter un de leurs meilleurs sketchs ou numéros, c’est un véritable show monté, scénarisé et interprété par toute la promotion. Ce qui fait qu’en plus des prestations des huit artistes mis en exergue, on nous a offert, en Fieald rouge, une quinzaine de sketchs de transition, spécialement créés pour cette soirée dont certains se sont révélés être d’un très, très bon niveau, tant sur le plan de l’originalité et de l’audace que de l’interprétation.
Introduite par un orchestre live, l’entrée en matière collégiale a été vraiment pittoresque et joyeuse. Dans une ambiance de fête, les artistes se sont permis de prendre le mot « découvertes » au pied de la lettre. Symboliquement, quand on enlève le haut, on est plus libre et il n’y a plus de limites. Ce que l’on pourra constater tout au long de ces intermèdes absolument réjouissants.
Le premier des huit sélectionnés, Stéphane Bak (notre photo) est un authentique bourgeon. Agé de 14 ans, il étonne par son aisance, sa précocité et, surtout, par son écriture. Ce collégien du Blanc-Mesnil possède déjà un art consommé de la vanne qui fait mouche. Il parle bien sûr de ce qu’il connaît et des problèmes de son âge : la vie à l’école, les blagues communautaires et son exploitation par son père. Incroyablement à l’aise, ce cousin black de Jamel Debbouze a un gros potentiel. C’est un grand espoir de la scène comique française. Il promet beaucoup. Maintenant, reste à voir comment il va se comporter et évoluer face à une médiatisation qui va devenir de plus en plus grande et pressante. S’il ne se laisse pas étourdir et si les petits cochons ne le mangent pas, il va aller très loin. Bak a réussi son examen. Retenez son nom.
Avant d’évoquer les sept autres artistes, je tiens à revenir sur la qualité des sketchs d’enchaînements. Quels dommage qu’ils ne soient qu’éphémères. La plupart mériteraient une plus grande exposition (je pense à cette parodie très gonflée de formation militaire à l’américaine où une instructrice apprend à trois jeunes recrues le maniement des armes de la séduction ; aux vacances « fidèles » ; à « juste un bisou » avec une hystérique ; à ce remake de polar made in Miami… tous vraiment excellents)
En deux, on a eu droit à une séquence drolatique effectué par des poules musicales presque savantes dirigées par Diane, une « hurluberlute » timide et lunaire qui trouve le moyen de réaliser en même temps quelques figures de gymnastique. C’était frais, inattendu, joli à voir. C’est ce qu’on pourrait appeler un numérovni…
En trois, j’ai bien aimé l’univers de Will Yag. Très expressif, véritable pile électrique, il manie avec talent les histoires courtes et les passages inopinés du coq à l’âne. Son jeu avec le masque, son apologie du mensonge ; sont d’excellentes trouvailles. Un garçon à suivre.
Désopilante également la prestation d’Astier, Tsamère et Joyet formant le joyeux trio Pirouette et Boule de gomme, un groupe musical dont le répertoire se voudrait destiné aux 4/7 ans. Le problème, c’est que les comptines proposées tournent vite à la chanson de corps de garde. D’abord critiques, les deux partenaires de l’auteur-compositeur un tantinet obsédé tombent à leur tour dans la surenchère et se lancent dans une triviale poursuite complètement déjantée. Un très bon moment.
Puis vint Tano… Tano dont j’avais vu l’intégralité du spectacle au Petit Palais des Glaces (où il se produit jusqu’à la fin du mois de juillet), et dont j’avais dit le plus grand bien sur mon Blog à l’époque). Il nous a délivré son « tube », la conférence donnée par un nationaliste corse particulièrement haut en couleurs. On est « maure » de rire. On ne s’en lasse pas.
Avec son physique avenant de play boy, il suffit à Laurent Beretta d’apparaître pour se mettre toute la gent féminine, voire plus, dans la poche. Magicien, il joue avec les apparences, les paradoxes et les illusions. On aimerait le voir dans l’intégralité de son show pour se forger une plus juste opinion de son travail car le tour qu’il nous a présenté, même s’il a été bien amené, était quelque peu frustrant.
Nouvelle femme dans la cour des humoristes, Christine Berrou a laissé entrevoir un indéniable potentiel. Ses textes sont bien écrits, elle a l’art de balancer quelques vannes bien senties et n’a pas peur d’aborder frontalement des sujets aussi délicats à traiter que la religion, la mort et la sodomie. Il faut déjà lui reconnaître ce courage et l’absence de toute mièvrerie. Il lui reste maintenant à muscler tout cela pour franchir un palier.
Le bouquet final a été incarné par un Mathieu Madénian qu’on ne présente plus. Il s’est laissé aller à la facilité en nous présentant un sketch sur les élections qu’il avait déjà donné à la télévision. Mais il n’a plus grand-chose à prouver. Son one man show au Point Virgule est tout-à-fait remarquable. Lui, le fameux palier, il l’a déjà franchi et il le mérite amplement. Maintenant, il ne faut pas qu’il se laisse étourdir par cette belle exposition médiatique. Il est, je pense, suffisamment intelligent pour savoir se protéger.
Je ne saurais donc trop vous encourager à suivre cette magnifique institution qu’est le Fieald et d’aller rôder au Trévise le dimanche soir. Tous ces bénévoles joyeux et enthousiastes vous y donneront du FIEALD à (se) retordre… de rire.
Théâtre Trévise. 14, rue de Trévise 75009 Paris. Contact : 06 64 95 97 25. Tarif : 10 € / 8 € pour les abonnés)