347-CHINE : BARBIE ASSASSINE
Les proches de la victime ont été tabassés par les vigiles de l’entreprise lorsqu’ils ont souhaité revenir sur le lieu de son décès pour allumer de l’encens en commémoration
En Chine, les conditions de travail que subissent les ouvrières du jouet poussent certaines d’entre elles au suicide. C’est le cas de Nianzhen Hu qui a choisi de mettre fin à ses jours, le 16 mai 2011, suite à un conflit qui l’opposait à la direction de l’usine dans laquelle elle fabriquait des jouets pour Mattel, leader mondial du secteur. Ce tragique évènement rappelle la récente vague de suicides dans l’entreprise Foxconn, principal fournisseur du géant de l’électronique Apple, interpellé lors du lancement de notre dernier Appel Urgent (http://www.peuples-solidaires.org/appel-urgent-346_chine-apple/). De l’industrie du jouet à celle de l’électronique, les droits des travailleurs-euses chinois-e-s continuent donc d’être bafoués. Peuples Solidaires et le China Labour Watch, qui depuis plusieurs années mènent campagne pour l’amélioration des conditions de travail des ouvrières du jouet dans les pays producteurs, interpellent Mattel et lui demandent de prendre ses responsabilités.
Les faits
« Ici, les ouvrières subissent beaucoup de stress lié à l’augmentation continue de la production pour satisfaire les commandes. Quand elles ne parviennent pas à remplir leurs obligations de quotas, elles sont violemment réprimandées. Si par accident vous vous trompez dans l’assemblage d’un produit, non seulement il faut recommencer mais en plus vous devez payer une amende » explique Monsieur Hu, quelques jours après que sa femme se soit suicidée en raison des trop fortes pressions exercées sur elle dans le cadre de son travail.
Le 16 mai 2011, Nianzhen Hu, ouvrière de l’usine de Taiqiang, fournisseur de Mattel à Shenzhen en Chine, décide de sauter du 6ème étage de son usine après que la direction lui ait refusé un congé.
Un manque de main d’œuvre avait conduit la direction de l’usine à placer Nianzhen Hu, qui travaillait depuis plus de deux ans au sein de cette usine, sur un poste où elle était chargée de peindre au pistolet les dents des jouets. En raison de son âge, 45 ans, Nianzhen Hu éprouvait des difficultés à accorder toute la minutie nécessaire à cette tâche. Victime de harcèlement de la part de la direction de l’usine qui lui reprochait la mauvaise qualité de son travail, un jour Nianzhen Hu ne s’est pas présentée à son poste, craignant de devoir affronter une nouvelle fois les menaces et les réprimandes de ses responsables. Le 16 mai, Nianzhen Hu a demandé un congé à la direction de l’usine, qui lui a été refusé. Pour sa famille et ses collègues, la vive altercation à laquelle a conduit ce refus à poussé Nianzhen Hu à se jeter dans le vide, laissant derrière elle un mari et trois enfants.
Plus de quatre heures après ce tragique évènement, la famille a été informée du décès de Nianzhen Hu et s’est rendue sur place. L’autorisation de voir le corps leur a alors été refusée pour des raisons de sécurité. Quelques jours plus tard, le 20 mai 2011, la famille tente une nouvelle fois de se rendre sur les lieux afin d’y allumer de l’encens et honorer la mémoire de la victime. Cette fois ci, la famille est tabassée par les agents de sécurité de l’usine et doit être conduite d’urgence à l’hôpital le plus proche.
Des conditions de travail indécentes
Aujourd’hui, entre 70 et 80 % des jouets vendus dans le monde sont produits en Chine où la main d’œuvre est bon marché et abondante, la liberté syndicale inexistante et où de nombreuses ouvrières sont contraintes d’accepter des conditions de travail indécentes. Ces jouets sont produits dans le Sud de la Chine dans l’une des 8 000 usines de jouets de la province de Guangdong. La plupart des trois à cinq millions d’ouvriers-ères chinois-e-s qui y sont employé-e-s sont des femmes âgées de 15 à 30 ans, qui viennent des régions pauvres et rurales de l’intérieur des terres. Nianzhen Hu faisait partie de ses travailleuses migrantes. Du fait des salaires extrêmement faibles, elles n’ont pas d’autre choix que d’accepter les dortoirs et la nourriture proposés par les usines, moyennant une bonne partie de leur maigre salaire.
Interrogée par notre partenaire le China Labour Watch, une ouvrière de l’usine de Taiqiang explique : « Le travail est très intense à Taiqiang. Les quotas de production ne cessent d’augmenter. Le responsable de la ligne de production décide des quotas en multipliant le nombre de produits fabriqués par minute par le nombre d’heures de travail. Ces quotas ne prennent donc pas en compte les temps de pause des ouvrières quand elles vont aux toilettes. Un chronomètre est placé à côté des ouvrières pour calculer leur productivité. Une ouvrière qui ne respecte pas ses quotas reçoit un avertissement. Au bout de trois, c’est le renvoi».
Mattel est responsable
En 2009, des enquêtes menées par nos deux partenaires chinois, la SACOM[1] et le China Labor Watch, auprès d’usines sous-traitantes de Mattel en Chine ont révélé de nombreuses violations des droits des ouvrières. Salaires de misère, heures supplémentaires excessives, forcées et non rémunérées au taux légal, absence de contrat de travail, absence d’équipement de sécurité adéquat, conditions de vie inhumaines et insalubres, cadences effrénées… les contraventions aux lois locales du travail et au propre code de conduite de Mattel sont nombreuses.
Les pratiques d’achats de la multinationale sont les premières responsables de la politique de minimisation des coûts que les fournisseurs de Mattel mettent en place afin de rester compétitifs et sécuriser ainsi les contrats passés avec l’entreprise. Le niveau des prix et la réduction des délais de livraison des commandes sont autant de contraintes supportées en premier lieu par les ouvrières en bout de chaîne.
Négocier le prix d’une vie humaine
Après six rencontres entre la direction de l’usine et la famille de Nianzhen Hu, cette dernière a finalement du accepter un montant de compensation qu’elle juge insuffisant (90 000 yuans soit 9 600 euros). Soutenue par le China Labour Watch, la famille de la victime demande à Mattel d’intervenir auprès de son fournisseur afin que ce montant soit justement réévalué (à hauteur minimale de 250 000 yuans soit 26 660 euros). Mattel doit également assumer sa responsabilité d’entreprise donneuse d’ordre en veillant à la mise en place immédiate des mesures effectives qui permettront de prévenir de nouveaux suicides, notamment en réduisant la pression morale et physique subie par des travailleurs-euses dont les droits sont systématiquement bafoués.
[1] La SACOM (Association d’étudiant-e-s et d’universitaires contre la mauvaise conduite des entreprises) mène des enquêtes et dénonce les comportements d’entreprises qui violent les droits des travailleurs-euses : http://sacom.hk/
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