Après cinquante ans d’une guerre bactériologique et chimique, la Terre n’est plus qu’un vaste tas de ruines stériles. Dans la mégalopole de Sangpok, chaos de métal et de bitume, des bandes de pillards ont pris le pouvoir et se livrent une guerre sanglante pour la domination de territoires et le monopole du Yajé, une drogue extrêmement puissante qui décuple la force physique et les capacités cérébrales.
Rage retrace l’odyssée violente et meurtrière de Kama, mutant au faciès de loup, guidé par la soif de justice. Il va traverser les zones les plus sombres, dangereuses et dévastées de la ville, mais également de son âme… Son objectif ? Retrouver sa sœur, enlevée par un puissant chef de gang qui se fait appeler le Singe. Un raid sauvage et sanglant. Une vengeance impitoyable.
Rage se présente comme une création d’une sincérité
exemplaire, dès la première impression qu’en retire le lecteur à la vue de la couverture : ce récit se compose avant tout de deux personnalités principales qui n’y vont de toute évidence pas par quatre chemins pour résoudre leurs problèmes dans un univers dont l’ordre et la civilisation semblent absents. Pourtant, comme dans la plupart des récits se réclamant du post-apocalyptique, ces derniers s’avèrent en fait bien présents puisqu’ils ont juste changé de forme : sous bien des aspects, à vrai dire, ils se montrent simplement plus francs, plus directs, et ne s’encombrent plus de la pseudo-politesse d’apparence de notre société de consommation. Voilà pourquoi, en dépit d’un pitch plutôt accrocheur, Rage s’avère en fin de compte assez classique…La principale raison derrière aussi peu d’originalité tient dans ce que ce récit ne parvient pas à dépasser le stade de l’action pour l’action, et sans pour autant que toute cette violence – au demeurant assez sage – le place à part des autres productions du genre, bien au contraire : dans la lignée de Mad Max 2 : le défi (George Miller ; 1981), Rage s’articule tout entier autour d’un feu d’artifice presque permanent et au final doté de très peu de substance, tant sur le plan narratif que sur les aspects psychologiques ; sur ce dernier point, d’ailleurs, mérite d’être précisé qu’il y avait pourtant de la matière mais celle-ci reste hélas sous-exploitée tout le long du récit qui préfère laisser la part belle à un spectaculaire certes de bonne facture mais néanmoins assez répétitif et surtout inutile.Pour cette raison, vous ne vous intéresserez à ce one shot – le cas échéant – que pour ses graphismes. Ceux-ci présentent d’ailleurs comme particularité de mêler un style très brouillon à un autre très travaillé, en particulier à travers une technique d’aquarelle et de lavis bien aboutie, et parfois même sur une seule et même planche – ce qui n’est pas banal… Force est de constater que les vignettes les moins achevées restent celles qui confèrent le plus de dynamisme à l’action la plupart du temps, et notamment en rendant de manière tout à fait adéquate la confusion des combats : j’ignore si c’était l’intention de l’artiste mais la technique s’avère habile et le résultat final d’une efficacité inattendue. Quant aux divers designs et décors, on apprécie leur diversité qui témoigne d’une solide créativité.Si Rage ne manquait pas de potentiel, celui-ci s’avère au final bien trop sous-exploité pour en faire une œuvre vraiment recommandable à ceux d’entre vous friands de récits aboutis et de personnages développés. Les autres, par contre, qui aiment les visuels inhabituels et les techniques aussi maîtrisées que sensibles, se pencheront dessus avec un certain bonheur.
Rage, Nicolas Tackian & Lim kwang Mook
Soleil Productions, collection Fusions, mai 2007
64 pages, env. 9 €, ISBN : 978-284-9-46209-6