J'aime le froid. Et ce film est à la fois froid et très chaud.
Chaud de par sa sensualité. Froid par sa majestueuse photographie en noir et blanc garcieuseté de Sacha Vierney.
La première fois que j'ai vu le second film d'Alain Resnais (le premier avait été le tout aussi excellent Hiroshima Mon Amour) scénarisé par Alain Robbe-Grillet, j'avais été soufflé. C'était dans le cadre d'un cours de cinéma autour de 1992, tôt le matin.
Et ben non. C'était bien réèl, je voyais un bijou de film qui me bouleversait.
J'ai refais la même chose autour de 2003. Maintenant doublement papa, étais-ce toujours le type de film qui me ferait tant d'effet?
Tout
à
Fait.
Je me suis retapé ce film cette semaine.
Les plans offrent des chorégraphies qui sont presque de la danse de mannequins en vitrine. Les longs travellings langoureux évoquent un voyage en train dans les longs corridors du château. Les longs corridors de la mémoire.
Ce film c'est la poésie de l'être. La poésie de l'architecture. La poésie de l'architecture de l'être.
Une musique d'orgue hantée meuble les mouvements de caméra qui semblent circuler au travers de fantômes, au travers de gens, au-dessus de ceux-ci comme des âmes survolant des corps bien là mais aussi totalement absents. Des mannequins, figurants de la mémoire de cet homme à l'accent italien convaincu d'avoir déjà rencontré cette délicieuse femme.
L'homme et la femme semblent avoir quitté le pays de leur être et plus le film avance, plus ils semblent s'enfoncer loin d'eux-même. On a l'impression d'être une mouche dans ce château ou restent en suspension les lourds silences qui se trament dans les têtes des invités éparpillés.
La mise en scène est froide et les mirroirs, réels ou fictifs, sont omniprésents. Et somptueux, d'une grande classe.
Ce film est presque une peinture. Une fresque de la bourgoeisie. Un portrait de la mémoire (ce qu'était aussi Hiroshima Mon Amour).
Visionner ce film c'est comme voir des ombres qui attendent que l'un et l'autre se rapprochent. Ce film est presque une expérience spirituelle pour moi. Une ivresse lancinante qui n'a même pas besoin du joint de pot ni de la bouteille pour que je plane.
Je ne sais trop pourquoi ce film me transporte autant. Récemment je remarquais que je m'intéressais aux oiseaux de plus en plus. À ce cardinal qui vient chanter certains matins près de la verrière sur les fils au-dessus de la piscine. Seyrig dans un costume blanc à plume rapelle un oiseau bléssé à un certain moment du film. Cet italien est peut-être tout simplement à la chasse. Elle est alors étouffée par ses inquisitions.
Tout le film est en évocations, en caresses, en préliminaires.En surfaces mystérieuses.
"Vous étiez là à vous perdre, pour toujours dans la nuit tranquille, seule avec moi."
C'est la dernière ligne du film.
Un film que je suis à voir, à revoir, à acheter, et à revoir encore.
Car je l'adore.