L'inquiétude semble générale. Des ministres des finances de la zone euro ne sont pas parvenus à jouer, une
fois de plus, les pompiers-mercenaires à l'égard de la Grèce.
A Paris, Nicolas Sarkozy demande notes et idées pour contrer l'éparpillement de son camp. Son ministre de
l'agriculture et, accessoirement, grand ordonnateur de son programme présidentiel pour 2012, s'inquiète des désaccords au sein du G20 en matière de régulation des prix agricoles. Jean-François
Copé, son collègue exécutant de l'UMP, s'inquiète d'un éventuel succès des primaires socialistes cet automne.
Quand on stresse, il faut faire peur à l'adversaire. C'est la prochaine étape.
La zone euro, inquiète
La Grèce sera-t-elle en faillite cet été ? Et après... qui suivra ? François Hollande, qui
s'imagine un destin national très prochainement, a prédit que l'euro pourrait disparaître dans quelques mois.
Les ministres de la zone euro sont inquiets mais sont restés fermes, ... ou aveugles. Dimanche, à la Grèce
qui remaniait son gouvernement pour sortir d'une impasse politique et populaire, ils expliquèrent qu'ils ne feraient d'effort supplémentaire pour lui permettre d'honorer sa dette jusqu'en 2014 à
condition d'un plan de rigueur adopté. Lundi, une
nouvelle mission européenne a été dépêchée à Athènes pour obtenir des garanties d'ici la prochaine réunion de l'eurogroup de le 3 juillet. Et le 28 juin prochain, on attend du parlement grec
qu'il vote un plan budgétaire pluriannuel 2012-2015 avec 28,4 milliards d'euros d'économies et une vague de privatisations pour 50 milliards.
La Grèce traîne 350 milliards d'euros d'endettement public, pour 230 milliards de PIB, des prélèvements
obligatoires plus bas qu'ailleurs et un recouvrement de l'impôt largement insuffisant pour cause de fraude en tous genres. On comprend aussi que les Etats-membres de la zone euro aimeraient voir
la Grèce réduire son secteur public ou le poids de ses dépenses militaires; que l'Eglise orthodoxe soit (enfin) un peu taxée sur son immense fortune.
Mais les donneurs de leçons sont aussi ceux qui ont couvert, en connaissance de cause, cette immense
tromperie. Les fraudeurs ne sont pas uniquement ceux que l'on croit : les
banques occidentales, en en premier lieu les françaises avec 64 milliards de créances, sont largement exposées, après des années de
prêts aux intérêts juteux largement couverts par les Etats-membres trop heureux d'afficher une zone euro en pleine expansion...
Le Maire, inquiet
Bruno Le Maire est inquiet. Le ministre de l'agriculture est persuadé qu'il sera très difficile de faire un
quelconque progrès en matière de régulation lors des rencontres du G20 agricole cette semaine. Il y a 8 jours, Nicolas Sarkozy donnait quelques leçons à ses collègues lors d'un déplacement
expresse à Bruxelles (« Nous n'avons pas le choix. Nous devons agir, et agir tout de suite ! ») puis, à nouveau jeudi, devant des agriculteurs européens : ils n'auraient pas le choix que
d'opter pour la régulation, et, notamment, d'imposer une meilleure transparence des marchés dérivés de matières premières via une évaluation des stocks.
Quelques jours plus tard, son propre ministre a quelques difficultés à masquer publiquement ses doutes :« Ce sera difficile d'arracher un accord. » Les
désaccords sont décisifs : la régulation des marchés dérivés d'abord, qui ni le Royaume Uni ni l'Australie n'apprécient; le partage d'informations sur le stock et la production des produits
agricoles de base ensuite : « Ce que les Etats européens n'arrivent pas à faire eux-mêmes il est difficile de le demander à d'autres Etats comme la Chine, comme l'Inde, parce que les outils
statistiques ne sont pas forcément disponibles, parce que ca met en jeu des questions de souveraineté nationale très importante ». On a même quelque peine à connaître qui sont les donneurs
d'ordre de la spéculation sur les matières premières.
Autre idée française, même la limitation des possibilités de restrictions d'exportation pour l'aide
humanitaire fait grincer des dents.
L'Elysée, inquiet
Nicolas Sarkozy inaugurait le salon aéronautique du Bourget, ce lundi. Il donna quelques leçons, sans
conséquence, aux participants industriels : « Les guéguerres franco-françaises doivent cesser dans la bonne humeur et sur la base du volontariat, et si ce n'était pas le cas, cela se ferait
toujours dans la bonne humeur mais sur la base d'instructions. La concurrence est trop rude, les enjeux sont trop urgents. Il faut décider, décider maintenant et faire des
choix ».
Plus tard, l'après -midi, il reçut celle qui avait appris sa non-reconduction par la presse. Anne Lauvergeon,
pdgère d'Areva, pendant une petite heure. Lui a-t-il proposé la succession de Christine Lagarde ?
Sarkozy pensait à elle pour le poste, en 2007.
Mais à l'Elysée, on avait la tête ailleurs. Le stress est finalement manifeste. « L'après-DSK n'a pas
miraculeusement changé la donne à droite » confiait le Figaro, lundi matin. Et on s'affole par note
interne interposée, à l'Elysée.
Ainsi dans l'une d'entre elles, communiquée au journal, Jean-Louis Borloo était jugé si insaisissable («
fuyant ») qu'il faut le « laisser tranquille », mais profiter du prochain remaniement gouvernemental après le départ de Christine Lagarde pour le FMI pour nommer un nouveau centriste,
idéalement « radical » comme Borloo (le nom du député maire d'Antibes Jean Leonetti est évoqué), et continuer de dissuader celles et ceux tentés de le rejoindre.
Sans rapport avec ce qui précède, la polémique sur le projet de décret gouvernemental de filtrage
administratif du Net a pris un peu d'ampleur lundi dans la
journée. Même le Conseil National du Numérique, instance patronale créée et
nommée par Sarkozy, s'en est inquiète... L'idée, simplissime, était de permettre à une autorité administrative de contraindre l'éditeur d'un site, l'hébergeur voire le fournisseur d'accès
internet de faire cesser toute activité comportant à leurs yeux un « risque sérieux et grave d’atteinte à l’ordre public ».. Il s'agirait d'une application de l'article 18 de la loi sur
la Confiance dans l'économie numérique (LCEN), votée en 2004.
Copé inquiet
Cela fait plusieurs fois que Jean-François Copé s'attaque aux primaires socialistes. A l'UMP, on n'aime pas
l'idée qu'un « grand » parti puisse organiser des primaires. Le sieur Copé se place sur un terrain
faussement légal : les socialistes auraient besoin des listes électorales pour organiser leurs primaires. Copé dénonce ainsi un « gigantesque fichage politique », il insiste sur le «
vrai problème » qu'elles constitueraient. D'ailleurs, Claude Guéant avait les mêmes éléments de langage en bouche, un « vrai problème », devant quelques journalistes du Monde et
de i-Télé le même dimanche.
Le fichage, l'UMP s'y connaît. On se souvient de mai 2009, quand Xavier Bertrand, alors prédécesseur de Copé à la tête de l'UMP, avait envoyé un
courrier aux restaurateurs, adhérents ou non de l'UMP, juste après la réduction du taux de TVA. On se souvient aussi comment la fiche policière d'un candidat socialiste dénommé Ali Soumaré avait
été largement consultée puis utilisée par ses concurrents UMPistes lors du scrutin régional de mars 2010.
Copé, donc, sait parfaitement tout le mal que l'on peut faire avec un fichier pour un usage
politique.
La primaire socialiste ne devrait pas inquiéter le secrétaire général de l'UMP, désigné - rappelons-le - par
Nicolas Sarkozy dans son bureau élyséen en novembre dernier. Pour y participer, il faut s'inscrire, payer 1
euro, et signer une « adhésion aux valeurs de gauche ». Honnêtement, c'est pas bien méchant. D'autant plus que le PS, qui avait obtenu les assurances préalables de la CNIL, de la
Commission de financement des comptes de campagnes, et ... du ministère de l'intérieur que l'organisation de telles primaires étaient légalement possible...
Sarkofrance