LIBRARY WARS - 1. CONFLITS
traduit du japonais par Virgile Macré
Quelle sensation étrange que de lire un roman en ayant l'impression de lire en réalité un manga dont on aurait enlevé les dessins mais gardé tous les écrits, en y rajoutant juste ce qu'il faut pour les descriptions des actions, des personnages et des lieux.
Cet effet a du coup amoindri mon enthousiasme à la lecture de ce récit que j'avais choisi exprès dans sa version roman (la version manga existant également suite au succès du roman) en pensant que ce serait plus étoffé, plus riche, plus sérieux (oui, le mot est lâché) surtout que le sujet, qui me parlait énormément, se prêtait vraiment bien à l'élaboration d'une intrigue dense, dramatique et formidable.
En effet, qui, parmi les bibliophiles (oui, limitons tout de même les cibles), ne palpiterait pas à l'idée d'un récit d'anticipation tournant autour des droits des bibliothèques dans un contexte où la censure s'évertue à réprimer leur liberté et celle des lecteurs?
L'histoire se déroule au Japon en 2019 et les bibliothèques se sont organisées pour faire face aux attaques du comité d'amélioration des médias qui mène une chasse aux livres considérés litigieux, en intégrant une force de défense au fonctionnement quasi militaire, une sorte d'armée des bibliothécaires.
Ce qu'ils souhaitent protéger est simple.La déclaration relative à la liberté des bibliothèques tourne autour de quatre principes:
1. Les bibliothèques ont le droit de collecter librement des documents.
2. Les bibliothèques ont le droit de proposer librement des documents.
3. Les bibliothèques protègent la confidentialité de leurs lecteurs.
4. Les bibliothèques s'opposent à toute forme de censure injustifiée.
Iku, nouvelle recrue dans le corps des bibliothécaires, doit y faire ses preuves, et ce n'est pas chose aisée quand on a un tempérament naïf, impulsif et rebelle comme elle. Elle agit souvent sans réfléchir, une vraie gaffeuse en somme. Sans compter que le lieutenant Dojo, son instructeur et supérieur, et elle, s'entendent comme chien et chat. Malgré ses brimades qui semblent parfois injustes, elle s'accroche à sa formation, motivée par le souvenir de l'intervention d'un membre du corps des bibliothécaires venu à son secours alors qu'elle était lycéenne. L'image de ce justicier ne cesse de la hanter et s'impose à elle comme modèle.
J'attendais énormément de ce roman pour lequel, en plus, l'auteure, Hiro Arikawa, a reçu le Seiun Award 2008, rien moins que l'équivalent japonais du prix Hugo.
Quelle ne fut donc ma surprise, comme je l'évoquais plus haut, d'avoir l'impression d'avoir affaire à un roman de qualité discutable, du moins pour un lauréat à l'équivalent du prix Hugo. Discutable car ce roman m'a évoqué le manga ou la littérature jeunesse sur plusieurs plans:
- les personnages, avec ce côté puéril typique manga, qui braillent, qui s'exclament, qui grimacent, avec un niveau de langage très familier, voire même grossier puisqu'on y trouve du "putain", "grave", façon langage de tous les jours.
- le style, peu recherché, parfois même un peu lourd, cette façon par exemple d'expliciter à chaque action ou paroles ce que pensent les personnages, comme si l'on ne pouvait pas le comprendre soi-même
- les rapports entre les personnages, le côté cliché et prévisible de leurs rapports, avec Iku la tête brûlée, sa meilleure copine Asako qui est tout son opposé, le méchant Dojo, qui peut-être l'aime bien en réalité...
Bon là j'ai listé presque tous les points qui m'ont fait tiquer, mais en réalité, on y trouve beaucoup de bonnes choses dans ce récit, entre autres, d'autres personnages plus intéressants psychologiquement, une intrigue originale, bien trouvée, le rythme du récit est soutenu, on n'a pas le temps de s'ennuyer, et une fois qu'on s'est fait au style, on peut apprécier l'histoire malgré tout, et même rentrer dans le jeu des personnages.
Certains événements sont même intéressants, propice à la réflexion autour de nos libertés, de nos devoirs de citoyens. J'ai beaucoup aimé l'idée des questionnaires des enfants et de tout ce que cela peut susciter comme réflexion autour de la lecture.
L'intrigue dans son ensemble ne m'a pas vraiment déçue donc, mais j'aurais aimé qu'elle soit plus étoffée, plus creusée, j'avais l'impression que certains points relatifs à l'histoire des bibliothèques et qui méritaient développement ont été traités avec légèreté, limite expédiés, au profit de la romance qui s'annonce en cours de récit (pas de spoiler vu qu'on sans doute tellement c'est gros comme le nez au milieu de la figure).
En lisant la postface de l'auteure, j'ai découvert qu'en réalité, son éditeur lui avait demandé d'écrire un roman en lui imposant comme concept: "comme une série télé mais en roman. [...] Comme
il se doit, il y aurait une histoire d'amour". Toutes mes impressions s'expliquent!
Bien sûr, je vais poursuivre ma lecture de cette série, j'ai le deuxième tome dans ma PAL, et l'intrigue m'intéresse tout de même
Et je ne vais pas résister à la tentation de comparer avec la version manga car je suis assez curieuse de sa version.
Repéré chez Mélopée qui en pense le plus grand bien.
L'auteure:
Hiro Arikawa est née en 1972. Elle a connu un immense succès avec cette saga romanesque non dénuée d'humour sur fond de politique-fiction. Cette ode à la liberté, originale pour ne pas dire unique en son genre, a reçu le Seiun Award 2008, l'équivalent japonais du prix Hugo.