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Anthologie permanente : Roger Lahu

Par Florence Trocmé

Matinée d’armes

à NolweNN

cerné d’une jacasserie
d’oiseaux
matutinalement lancés
en plein ciel
et en grande conversation
je me tiens coi
au centre d’un monde
âcre café en pogne
et prime roulée au bec
matant béat complet
la passation des pleins
pouvoirs
de la nuit au petit jour

à mes entours les bois les champs
et la vieille soue à cochons
au toit cavé
et le four aux mille pains d’antan
toute une chevalerie
troublée à en frémir
par l’éternelle jeune lumière des étés
les adoubant une fois encore

Roger Lahu, « It doesn’t stop », Wigwam, 2007 (sans pagination)

 

 

À Jean-Pascal D

il y a de la poésie partout & immédiatement

une cagette d’oranges espagnoles
m’est poème somptueux
qu’y puis-je ?

et ces lignes dans un roman de margaret atwood
"il fredonne dans sa tête :
stormy weather
don't know why, got buttons on my fly
got a zipper
.."
me "font poèmes"
et encore plus quand je découvre que la vraie version
de la chanson "stormy weather"
(chantée par billy holliday ella fitzgerald et même frank sinatra)
est
"don't know why
there's no sun up in the sky
stormy weather"
le personnage qui "fredonne dans sa tête"
et dans le roman de margaret atwood
(et c’est lui aussi qui invente le roman
du "tueur aveugle")
improvise donc
et en notes en bas de page il y a la traduction
de son improvisation
"temps d'hiver/sais pas pourquoi j'ai pas de boutons à ma braguette/j'ai une fermeture éclair" 
ce qui m'a permis d'apprendre que "fly" pouvait signifier "braguette"
et cela me réjouit
et me "fait poème"

boutons au lieu de soleil
braguette au lieu de ciel
la vraie poésie doit ainsi détraquer
le langage
et alors ça donne
"got sun on my fly"
ce que je trahis par "j’ai le feu à la braguette"
"no buttons in the sky "
"le ciel est sans boutons"

est-ce que ce sont des poèmes ?
oui je dis
oui oui oui je veux bien oui
comme hurle molly bloom en fin d’ulysse

la poésie est une odyssée aléatoire
le poète doit se transformer en pourceau
entendre le chant – même faux –
de toutes les sirènes
-même folles-

et se retrouver nu
sur des plages sans nausicaa
(mais autour de lui rejetées comme lui par la mer moqueuse
les débris de cagettes d’oranges)

05/11/2007 18:58

 

Garlic and herbs

 

au « Patron »

 

soir d’octobre la lumière se fane
très doucement
l’oranger du mexique

encore quelques fleurs
dans la rue
la stridence aigre

d’une meuleuse
terez montcalm chante
"sweet dreams" pourquoi

ne pas se contenter
de "tout ça"
et des petits apéricubes vert vif

"garlic and herbs" ? pourquoi
chercher
plus loin ?

qu’est-ce qui te manque encore ?
un apéricube rouge
"mozarella

 

and tomato" ? terez montcalm chante
"shattered "
ça signifie
"brisé"  des petits cubes
de fromage
ça ne répare pas

ce qui a été brisé même
dans la lumière
qui doucement
se fane d’un soir d’octobre
avec ou sans
"garlic and herbs"

Deux poèmes inédits de Roger Lahu

Bio-bibliographie de Roger Lahu

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