Lorsque j’ai contacté Laurence pour lui proposer de témoigner auprès des femmes sur elleveutoo ? Sa réponse fut immédiate « Oh oui ! Cela me ferait très plaisir, en plus je sors mon 3è livre pour la Saint Valentin « Recettes d’Amour et de Chocolat » !!! Je suis encore au Mexique, t’appelle lundi dès que je rentre …! »
Laurence c’est une voyageuse… Une de ces femmes qui voyagent pour chercher. Chercheuse, elle l’a été, chercheuse elle l’est encore… Elle rapporte de ses voyages des trésors qui font du sens, qui touchent nos sens en venant illuminer nos papilles et apaiser nos humeurs. Elle a même ouvert une boutique à Paris pour nous faire connaitre ces richesses venant d’une terre cultivée dans la simplicité, le respect des cycles et recelant de pépites aux sauveurs … chocolat.
Dans le portrait précédent, à la question “Qu’aimes-tu voir mis en valeur chez les femmes ?” Martine répondait “leur vouloir faire mieux pour améliorer le monde!” L’introduction était toute trouvée pour vous présenter Laurence Alemanno…
Chercheur(e) au CIRAD de Montpellier durant 15 ans, Laurence a travaillé principalement sur le clonage du cacaoyer.
Il y a 4 ans, elle quitte le monde de la Recherche pour ouvrir sa boutique de chocolats Bio Ethiques à Paris. C’est à ce moment-là que nos chemins se rencontrent au Club des Créatrices à Montpellier. Laurence est porteuse de son nouveau projet, je réduis mon activité de psychothérapeute avec toujours cette même envie… croiser des femmes qui entreprennent.
Laurence et elleveutoo (ou Lv2) …
Lv2 : Laurence, pourquoi avoir choisi de quitter l’univers de la Recherche ?
LA : Je ne me sentais plus en accord avec ce que je faisais. Alors que je travaillais sur des sujets sensibles puisqu’il s’agissait des biotechnologies dont les OGM font partie, je m’intéressais en parallèle aux mouvements alternatifs et altermondialistes. Plus j’avançais dans cette nouvelle voie, plus mon travail devenait difficile et pénible. J’avais l’impression de faire le grand écart. Le matin, je n’avais plus envie d’aller travailler tant j’avais le sentiment de perdre mon temps dans un domaine auquel je ne croyais plus … alors que d’autres choses me parlaient plus.
Lv2 : Comment ton entourage l’a-t-il perçu ?
LA : Dans mon environnement personnel, tout le monde était content, j’ai senti de la confiance. Plus tard, une fois que j’ai eu ouvert ma boutique mon père m’a quand même dit “Au début, quand tu me l’as annoncé, j’ai eu peur. Je savais que c’était beaucoup de travail et risqué, mais tu as réussi et c’est vraiment bien!”
Dans mon travail, je ne l’ai dit à personne. Il y avait juste mes supérieurs hiérarchiques qui étaient au courant parce que je leur avais demandé de changer de fonction au sein du CIRAD*même s’ils ne m’ont pas pris au sérieux. En France, c’est plutôt mal perçu quand on souhaite changer de vie et de direction par sa propre volonté. Mais avec du recul, je leur dis merci car cela m’a fait basculer plus vite vers mon projet parisien.
Lv2 : As-tu rencontré des aides ou des résistances ?
LA : Très peu de résistances mais plutôt des aides. Il y a eu le passage aux 35 heures qui m’a libéré du temps, de plus mes supérieurs au CIRAD ont accepté que je passe d’abord à trois quart temps puis à mi-temps la seconde année. Pour monter mon projet, j’ai pu suivre la formation « 5 jours pour entreprendre » organisée par la CCI de Montpellier. Et un jour où j’étais au CIDFF* pour me renseigner, j’ai vu l’annonce du Club des Créatrices. Se retrouver une fois par mois avec des femmes qui démarrent une création ou sont porteuses d’un projet, fait qu’on se sent soutenue. Ces rendez-vous permettent de ne pas batailler seule dans son coin. On peut trouver de l’aide et des formations continues sur des sujets qui nous intéressent. Le Club des Créatrices de l’Hérault c’est de l’accompagnement, du soutien et en plus on se fait des copines !
LA : Il est très difficile de choisir car il y en a plusieurs. Mais je parlerais bien de cette dame venue acheter du chocolat pour un Monsieur très âgé en train de mourir. Elle m’a demandé de lui conseiller celui qui lui conviendrait le mieux… Je lui ai alors proposé des chocolats moelleux à la pulpe de framboise. Le fait marquant et qui me touche c’est que des gens me fassent autant confiance.
Lv2 : Un des éléments positifs de cette reconversion?
LA : Elle me permet avant tout de rencontrer beaucoup de monde … et le fait d’être à Paris c’est hallucinant ! Je rencontre seulement des gens sympas, incroyables et très intéressants, c’est certainement dû au chocolat… !
Lv2 : Parle-nous du cacao…
LA : Au départ il y a une plante originaire d’Amazonie : le cacaoyer. Des gens la cultivent depuis bien longtemps puisqu’on peut remonter aux civilisations précolombiennes avec les Mayas, qui sont pour moi la grande civilisation du cacao. Le produit brut est la fève de cacao (que j’aime beaucoup et que j’aborde dans mes trois livres de recettes). A partir des fèves, on peut fabriquer six produits dérivés qui font l’objet du livre « Au cœur du cacao ». En fonction des fèves de cacao que l’on choisit et de la manière de les travailler, on obtient des chocolats différents, tout comme il existe une multitude de vins de… Cahors, Bordeaux, Alsace, etc. Les autres aspects du cacao, qui mériteraient qu’on s’y étende, sont ses vertus, ses bienfaits, voire sa dimension thérapeutique.
Lv2 : Tu reviens du Mexique, comment consomme-t-on le cacao là-bas ?
LA : Il y a clairement deux façons de le consommer :
La 1ère sous forme de chocolat en tablettes ou barres chocolatées. Il est directement importé d’Europe, surtout des Etats-Unis et issus des multinationales, bref ce n’est pas du chocolat mais de la junk food en perpétuelle augmentation.
La 2è façon, c’est la manière ancestrale, celle des civilisations précolombiennes et surtout des Mayas, qui peuplaient les actuels Guatemala, Mexique, Honduras, Salvador et Belize (petit pays paradisiaque, ancien Honduras britannique, j’y suis allée il y a deux ans). On le consomme uniquement sous forme de boissons chaudes ou froides. A des boules de pâtes à base de fèves de cacao, d’amandes broyées, de cannelle et de sucre broyés ils rajoutent de l’eau chaude. Quand c’est du lait chaud, ils l’appellent « chocolate a la francesa ». Les boissons froides sont à base de maïs et de cacao. Actuellement, beaucoup de cafés ouvrent au Mexique pour augmenter la consommation de ce type de chocolat localement.
LA : l’âme humaine, la vraie…
Lv2 : Qu’est-ce que ces gens-là t’ont enseigné ?
LA : Ils me montrent ce qu’est la vie. Au Mexique c’est plus que tout ! Il y a trois mois, j’étais chez un planteur de cacao qui dirige un groupe d’agriculteurs bio, version Maya. Il habite dans une grande maison en bois, très ouverte, avec sa femme et ses 6 enfants âgés de 4 à 12 ans, tous aussi adorables les uns que les autres. Un jour sa femme à qui je répondais que je n’avais pas d’enfant, m’a dit « Je vois, tu as beaucoup travaillé et tu t’es oubliée.» Me connaissant peu, elle avait vu juste ! J’ai encore davantage pris conscience que ces gens-là ne sont pas dans le mental, ils sont dans le moment présent, ils vivent au lieu de s’inquiéter pour l’avenir : c’est cela qu’ils m’enseignent.
Lv2 : Ces enseignements peuvent-ils s’appliquer chez nous ?
LA : Bien sûr ! Dans notre société nous sommes rarement dans le moment présent. Par contre, très projetés dans le futur … comme si nous fuyions la réalité ?
Lv2 : Sommes-nous prêts à les recevoir…?
LA : Oui, je crois que c’est le bon moment …vu l’état du monde c’est manifestement le bon moment.
Lv2 : Ton mantra (citation).
LA : Celle du Dalai Lama « Dès lors que vous avez une motivation pure et sincère, tout le reste suit. »
Mon exercice du moment … Essayer à tout prix d’être dans le moment présent et dans mon corps. Pas facile !
Lv2 : Croyances ?
LA : Ce n’est pas forcement religieux ? Au fond de moi je pense que « tout est possible » mais, dans la pratique, je doute encore. Une chose dont je suis sûre c’est que « tout est pour le mieux », je l’ai lu dans un conte indien et je me le dis très souvent. De cela je ne doute pas ! Cette croyance, qui est devenue une expérience, permet de regarder chaque coup dur, non pas comme une fatalité, mais comme une opportunité d’évolution. Et réellement, ça change la vie !
Lv2 : Comment vois-tu l’évolution des femmes ces 10 prochaines années ?
LA : Il est temps que les femmes reprennent leur rôle qu’elles ont perdu il y a longtemps et il est temps que les hommes acceptent leur part féminine. Pour cela les relations mère/ fils ont sacrément besoin d’être dépoussiérées !
Lv2 : Quelle(s) femme(s)de la région aimerais-tu honorer ou remercier ?
LA : Madame Sylvie Crossman, Indigène Edition, pour avoir édité le livre de Stephan Hessel « indignez-vous ! ». Ce livre est tiré de la série Ceux qui marchent contre le vent ; Pour le clin d’œil Stephan Hessel habite dans le XIVème et adooore la rue Daguerre où se trouve ma boutique. Mais je ne l’ai malheureusement pas encore rencontré !
Lv2 : Si tu avais la possibilité y a t’il une femme que tu aimerais rencontrer?
LA : D’emblée, ce sont plutôt des noms d’hommes qui me viennent à l’esprit… Mais si je me concentre, alors me viennent Eva Joly, Juliette Binoche, Mireille Darc, Laura Pausini, Vandana Shiva, Madonna, Catherine Ceylac, …
Lv2 : Message que tu souhaites faire passer aux créatrices.
LA : A partir du moment où on a envie de créer, il faut aller jusqu’au bout de son projet car même si cela se termine par ce que la Société nomme « échec » ce n’est jamais un échec.
Lv2 : En dehors de ton métier quelles sont tes autres occupations ?
LA : Toujours liés au cacao ce sont les voyages encore et encore ! Mais à Paris, je vais m’organiser pour aller danser et prendre des cours de forro (danse brésilienne) par exemple. Et dans l’idée de se faire du bien et en tant que gourmande… j’aime aller tester des boutiques de chocolat, des restos ou des salons de thé.
Lv2 : A choisir…brunch, déjeuner ou dîner ?
LA: Brunch car je suis une matinale, mais j’en souffre à Paris car mon rythme est décalé. Je me couche tard comme beaucoup de parisiens et les cernes s’installent…
Lv2 : Ton plat préféré avec du cacao et ta recette culte au chocolat.
LA : Difficile de choisir ! Mais ce qui est évident, c’est que j’adore les pâtes à tartiner bio, riches en noisettes. J’essaie de toutes les gouter, et je préfère toujours celles qui contiennent autour de 40 % de noisettes. J’ai d’ailleurs créé 3 recettes de pâtes à tartiner dans « Au cœur du cacao ». Sinon, le dessert chocolaté que j’aime faire, c’est la mousse au chocolat. Simple et rapide, c’est toujours un succès. Là encore, j’ai créé quelques recettes réparties dans « Au cœur du cacao » et « Recettes d’amour et de chocolat » ; par exemple Mousse au chocolat au Lait, framboises et grains de sel…
Lv2 : Que fais-tu quand tu as un coup de blues ?
LA : Je mange surtout du praliné et de la pâte à tartiner à la noisette bio, bien meilleure que le fameux N…… ! Et tout ça à la petite cuillère ! Je me réconforte en me disant que c’est moins gras et moins sucré et qu’il y a encore plus de noisettes !!!
Lv2 : Tes bons plans resto, bar, fringues, … sur Paris et sur Montpellier.
LA : Plutôt que bons plans, je dirais des endroits que j’apprécie…
A Montpellier, le Sushi Bar dans le quartier des Beaux Arts ; le marché bio des Arceaux que je regrette tant ; Ivan Authentique Traiteur bio.
A Paris, la pâtisserie de Carl Marlettidans le Vè arr. qui fait des gâteaux sublimes et peu sucrés ; la Sainte Chapelle qui est l’endroit le plus époustouflant et inspirant de Paris ; le restaurant japonais Kimura dans le XIVè où l’on peut manger de vrais et frais sushis comme à Kyoto.
Lv2 : Quels blogs ou sites de notre région aimerais-tu citer?
LA : Les blogs de copines …
http://c10vin.over-blog.com/ d’Anne Sophie Théron – Pour célébrer les saveurs du sud.
http://madamecrock.blogspot.com/ d’Helene Lombardo – Oenologie et dégustation.
http://collectif-du-gout.over-blog.com/ de Norolanto – Consommer et s’approvisionner bio en vente directe.
Lv2 : Si tu avais une baguette magique ?
LA : Ce qui me fait beaucoup souffrir, d’ailleurs j’essaye de ne pas trop m’y attarder, c’est le système économique dans lequel nous vivons. L’environnement, la nature et ses ressources, de même que le temps et l’énergie des gens sont utilisés à des choses à mon sens totalement inutiles.
Lv2 : Un film?
LA : « Même la pluie », film espagnol de Iciar Bollain nommé aux Oscars. C’est l’histoire d’une équipe espagnole qui vient tourner un film historique sur l’arrivée de Christophe Colomb en Amérique. D’une part, on découvre à quel point ils ont été horribles à l’époque. En parallèle, il y a tout ce qui se passe pendant le tournage, en Bolivie. Sur l’affiche le sous-titre dit « changer le monde commence par changer soi-même ». C’est cela que je changerais si je pouvais… Cela dit il n’y a pas besoin de baguette magique car ce changement est en cours, ce film en est l’exemple !
Cliquer ici pour voir la vidéo.
Lv2 : Tes lectures… ou le dernier livre que tu as dévoré?
LA : Louis Ansa (j’aimerais lui aussi beaucoup le rencontrer). Depuis mon retour du Mexique, je relis « la nuit des chamanes » et la suite « le mystère du Nagual » qui parlent de chamanisme et qui se passent …au Mexique.
Lv2 : Un projet ?
LA : L’ouverture d’un blog et d’une boutique en ligne.
Lv2 : Une actualité ?
LA : Mon 3è livre « Recettes d’Amour et de chocolat » vient tout juste de sortir aux Editions Romain Pages. Il décrit la relation amoureuse en 7 étapes, chaque étape est sous l’influence d’un dieu ou déesse de l’amour. Le chocolat est présenté en tant que philtre d’amour, cosmétique ou aliment réputé aphrodisiaque. Le chocolat est un allié pendant toutes les étapes de la relation amoureuse. Je saute sur l’occasion pour vous donner rendez- vous le samedi 28 mai à la Comédie du Livre de Montpellier, je serai sur le stand de la Région Languedoc Roussillon où j’aurais plaisir à vous le présenter!
Pour en connaitre davantage …
Boutique : 57 rue Daguerre 75014 Paris
contact@ChocoLatitudes.com
Téléphone : +33 (0)1.42.18.49.02
A lire …
- LA FÈVE DE CACAO (Laurence Alemanno et Patricia Michel – Ed. de L‘Épure)
- AU COEUR DU CACAO (Laurence Alemanno – Ed. Romain Pages)
- RECETTES d’Amour & de chocolat (Laurence Alemanno – Ed. Romain Pages)
*CIRAD : Centre de coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement