Le duopole Airbus-Boeing vole en éclat, sous nos yeux, au salon du Bourget. Et, en attendant que Comac clarifie les intentions chinoises, ce sont les Russes qui tirent les premiers. Irkut, le plus puissant des membres du groupe United Aircraft Corporation (Irkurt, Sukhoi, Yak, Beriev) a choisi le rendez-vous du Bourget pour amorcer une riposte graduée contre les avionneurs occidentaux, pour l’instant maîtres du jeu.
Le MS 21 (les Russes écrivent MC 21) n’est plus un concept, un projet, une maquette ou une intention mais un programme ŕ part entičre qui aborde de plain-pied le territoire des familles A320 et 737. Une gamme de trois court/moyen-courriers de 150 ŕ 212 places, soigneusement occidentalisés, la version initiale étant livrable ŕ partir de 2016.
Le lancement du programme est effectif depuis un moment mais il apparaît désormais tout ŕ fait réel, qui plus est basé sur des idées qui ont tout l’air d’ętre réalistes. Au Bourgert, le trčs influent Mikhail Pogosyan, président de UAC, a placé le biréacteur sur sa rampe de lancement, accompagné d’Alexey Fedorov, paron d’Irkut.
Surprise : il affichent de grandes ambitions, certes, mais avec pragmatisme. Aussi le dossier vient-il de gagner en crédibilité. Le MS 21 vise en effet 10% du marché de sa catégorie aprčs une dizaine d’années de commercialisation et, ŕ terme, Irkut espčre en produire 1.200 exemplaires.
S’agirait-il de rassurer le monde extérieur, de ne pas susciter d’encombrantes craintes ŕ Toulouse et ŕ Seattle ? Bien malin celui qui se sentirait capable de répondre ŕ ces interrogations tout ŕ fait fondamentales. D’autant que le tandem Pogosyan-Fedorov et leur élégante interprčte disent clairement que le programme est Ťinternational market-orientedť. Au cas oů l’on pourrait encore en douter, le MS 21 n’est en aucun cas un produit réservé aux compagnies aériennes de l’ex-URSS.
Sa motorisation, le PW1000G de Pratt & Whiney, ne permet de toute maničre pas le moindre doute. Plus tard, des moteurs russes de type non précisé seront néanmoins offerts en option, une éventualité logique qui a peut-ętre une raison d’ętre ŕ usage politique local. D’autres fournisseurs américains et français ont été retenus, d’Hamilton Standard ŕ Zodiac.
Les caractéristiques économiques de l’avion russe, pour l’instant invérifiables, sont séduisantes, les coűts directs d’exploitation étant annoncés de 12 ŕ 15% inférieurs ŕ ce qui se fait de mieux actuellement. Comment ? en concevant une cellule plus légčre de neuf tonnes et demie par rapport aux rivaux européen et américain, dotée d’une aérodynamique trčs travaillée et volant en croisičre ŕ une altitude trčs élevée (41.000 pieds).Le diamčtre de fuselage est généreux (4,06 mčtres), gage de confort accru.
Avec le MS 21, la Russie aéronautique joue gros mais affiche déjŕ de premičres raisons d’optimisme, Irkut annonçant d’ores et déjŕ 190 commandes ou intentions d’achat. Le financement du programme, d’un coűt de l’ordre de 6 ŕ 7 milliards de dollars, est assuré, en grande partie par des subventions étatiques. Ce qui donnera tôt ou tard du travail ŕ l’Organisation mondiale du commerce et ŕ ses infatigables duettistes aéronautiques, Airbus et Boeing. Reste le fait que leur duopole a bel et bien vécu.
Bombardier était devenu un concurrent potentiellement dangereux, malgré le démarrage commercial pour le moins timide du C.Series. Voici qu’entre en scčne un prétendant qui pourrait se révéler autrement redoutable. Verdict dans 2 ou 4 ans.
Pierre Sparaco - AeroMorning