De la polémique sans objet
Alors que la mère patrie du Cameroun en l’occurrence la France a déjà trouvé un calendrier pour l’élection présidentielle de… 2012, au Cameroun en revanche, alors que l’élection présidentielle est annoncée courant octobre 2011, personne n’a la date exacte. Or, que se passe-t-il aujourd’hui ? Rien ou presque. A part des « Biya must go ! » sans aucune proposition fiable d’alternance et des débats constitutionnels que seuls les intellectuels autoproclamés ou considérés comme tels comprennent ou font fi de comprendre, la lutte politique se résume à une question de personnes, d’intellectualisme abscons et de voltiges mensongères.
Les intellectuels camerounais s’habillent d’oripeaux élogieux, triturent le trait, rusent et publient des pamphlets aussi ridicules les uns et les autres que grandiloquents pour se faire mousser. C’est ainsi qu’il est pratiquement impossible de casser la doxa RDPC. Encore faut-il se faire comprendre pour peser dans le débat politique d’autant plus que le mal africain réside dans le fait que personne ne lit vraiment. Or, ce ne sont ni le sauveteur (vendeur à la sauvette) ni le ben skin (pousseur et moto-taxi), vraies forces vives de la Nation camerounaise qui prêtent l’oreille aux élucubrations des uns et des autres, qui s’affrontent dans un vaste champ de ruines et de vide politique.
Du débat constitutionnel
C’est à perdre son latin. Alors que le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), majorité présidentielle au pouvoir prépare déjà la réélection de son champion Paul Biya pas encore candidat, fleurissent ici et là, des logorrhées inutiles sur l’ »anticonstitutionnalité » de sa future candidature à sa propre succession. Inéligibilité ? C’est chacun qui porte ses sabots des sept lieues pour asséner ses vérités, des contrevérités, des contradictions et des convictions aux antipodes de ce qui serait un vrai débat, sorte de prose à sustentation magnétique. Même le Cardinal Tumi, homme de Dieu très respecté, s’y est mis pour demander à son « ami » en l’occurrence Paul Biya, de ne pas se représenter à cette élection vu son âge, 78 ans. Diantre !
Nos « constitutionnalistes » et autres agrégés de… se sont-ils demandés s’il y a possibilité de réviser ladite Constitution de 2008 qui fait débat ? Probablement, non. Selon l’article 6 alinéa 2 de celle-ci, il est stipulé maintenant que « Le président de la République est élu pour un mandat de sept (07) ans. Il est rééligible « . Ceci clos le débat normalement mais, poursuivons. Toutes les Constitutions prévoient les modalités selon lesquelles elles peuvent être modifiées : on parle alors d’une procédure de révision. Et par conséquent, l’utilité d’un débat doit, se doit de résider dans les connaissances techniques et factuelles aux antipodes du ouï-dire dont certains font preuve en se ridiculisant, après avoir étalé leur pedigree et chapelet de parchemins, comme si c’était une garantie qualitative. Que nenni.
Nous ne sommes qu’en juin et l’élection a lieu en octobre soit dans 4 mois. La réforme d’une Constitution peut intervenir à tout moment s’il y a un « problème ». Il peut s’agir de corriger des imperfections ou de modifier des règles de fonctionnement du régime. C’est le cas du Cameroun. Cette procédure peut être plus ou moins complexe mais changer deux lignes n’est pas un travail d’érudit. On parle de Constitution « souple » lorsqu’elle peut être révisée par les mêmes organes (assemblée législative ordinaire) et par conséquent, au lieu de se focaliser sur l’éligibilité ou l’inéligibilité de Paul Biya, ne faut-il pas plutôt songer à comment pouvoir le battre ? Ah, ne parlez surtout pas d’une élection libre, juste et équitable. C’est un autre débat, abyssal celui-là, avec le fameux Elecam. Passons.
Où est l’opposition camerounaise ?
Inexistante. C’est le mot. Apathie manifeste. Rien à se mettre sous la dent. Quelque soit le cas de figure, malgré l’usure du pouvoir, surtout que le parti d’opposition le plus viable du Cameroun, le Social democratic front (SDF) du chairman John Fru Ndi fait ami-ami avec le RDPC de Paul Biya, une idylle tissée depuis que la défunte femme de son chef avait été évacuée en France par le Palais d’Etoudi (palais présidentiel camerounais), rien n’est plus comme avant. Ne nous voilons pas la face, aujourd’hui, le RDPC est imbattable, même sans fraude. Alors, les intellectuels camerounais ont-ils pensé à ces réalités au lieu de se saborder définitivement avec leur discours mortifère ? N’est-ce pas une fuite en avant ? Au nom de quel principe démocratique, un tiers, qui ne fait pas partir de surcroît du RDPC serait-il habilité à choisir celle ou celui qui doit le représenter à une élection, qui plus est, présidentielle ?
On peut exécrer le RDPC dont je ne fais pas partir et dont je n’ai aucune sympathie, sans se saborder dans des salmigondis qui frisent l’inconsistance. S’appuyer sur l’invective est signe d’un manque d’argumentation criard. Ces débats, ces écrits, ces cris d’orfraie ne sont définitivement qu’une échappatoire, une faiblesse intellectuelle caractéristique, de l’esbroufe. L’opposition camerounaise semble s’appuyer sur des forces centrifuges, tandis que le pouvoir RDPC, lui, attire des forces centripètes en ralliant les opposants. Politique du ventre ? Sans doute. Dans ce cas, cette opposition divisée ne doit-elle pas trouver en son sein, une personnalité capable de porter ses couleurs au lieu de se focaliser sur le chef de l’Etat actuel qui doit boire du petit lait ?