Ne vous y trompez pas : je ne suis pas un fervent adepte des HLM. Je ne partage donc pas le point de vue des autorités publiques responsables du logement qui depuis soixante ans ne cessent de répéter qu’il nous faut davantage de HLM pour résoudre « la crise ».
Car crise il y a. Les estimations sur les Français mal logés vont de 1.000.000 (ministère) à 3.000.000 (Fondation Abbé Pierre). Pendant ce temps 800.000 logements (dont 400.000 dans les HLM) sont vacants. Le prix de l’immobilier augmente, et les loyers aussi, au point qu’une grande campagne en faveur de leur blocage est en cours. Cette crise n’est pas nouvelle : on la retrouve chaque année, et chaque année on conclut de la même façon : construire plus de « logements sociaux », c’est-à-dire agrandir le parc public HLM, OPAC et le reste.
Mais il y a une double tromperie dans l’affaire : d’une part le parc public n’est pas la solution, d’autre part le parc public n’est pas social. J’en tire une double conclusion : arrêtons avec le parc public et venons enfin au vrai logement « social », celui du parc privé dont on doit libérer les entraves pour qu’enfin soit résolue la crise du logement.
Le parc public n’est pas la solution, il est même à l’origine de la crise du logement. Pour quelles raisons ? Chaque année des milliards d’euros sont engloutis dans « l’aide à la pierre » et dans l’« aide à la personne ». L’une consiste à financer la construction d’HLM ou équivalents, pour un montant de 25 milliards d’euros. Mais cela fait que les « producteurs » de logements dits « sociaux » ne regardent pas à la dépense, puisqu’une grande partie des coûts est couverte par l’argent de l’Etat ou des communautés territoriales, c’est-à-dire des contribuables. On construit cher, on construit mal. Et ensuite on est dans l’impossibilité d’entretenir les bâtiments. Le financement des aides provient à son tour des impôts (51 impôts pèsent sur l’immobilier !) et des fonds de la Caisse des Dépôts et Consignations qui dérivent de l’argent des livrets A vers ce placement réellement peu rentable, alors qu’il pourrait aller vers la construction privée qui, elle, manque d’investissements. Donc, avec ce qui sert au parc public, on pourrait développer plus vite le parc privé.
Quant à l’aide à la personne, elle représente des allocations logements, des exemptions fiscales et des taux bonifiés, qui permettent aux locataires de ne pas payer le vrai prix du logement, ce qui ruine le parc public et fausse le marché locatif privé.
Mais le parc public, anti-économique, n’en est pas pour autant « social ». Est-il réservé aux ménages les plus pauvres ? Théoriquement 20 % des Français devraient y avoir accès, en réalité c’est 80 % ; ainsi trouve-t-on dans les HLM des ménages qui pourraient très bien se loger dans le parc privé, mais qui bénéficient de passe-droits aux frais de la collectivité. Des HLM de luxe leur sont réservées, et c’est une concurrence déloyale à l’égard du parc privé. Ces HLM ne sont pas celles des pauvres, qui vivent dans des cités délabrées, dans de véritables ghettos ; la « mixité » sociale recherchée à travers le logement social n’a existé que dans les discours politiques, en fait il y a exclusion et ségrégation. Les HLM sont à deux vitesses. Quant aux ménages à faibles revenus, ils trouvent à se loger dans le parc privé, qui en accueille plus que le parc public, au point que la moyenne et la médiane des revenus des locataires dans le privé sont inférieures à celles du public ! Et trois « primo-occupants » sur quatre sont amenés à aller dans le privé, puisque les places dans les HLM sont rares !
Donc arrêtons avec le parc public, gouffre financier, privilège pour les uns et enfer pour les autres. Abrogeons la loi « Solidarité et Renouvellement Urbains » (SRU) qu’il vaut mieux appeler par le nom de son auteur : Gayssot, comme le ministre communiste du gouvernement Jospin. SRU oblige les communes à avoir 20 % de logements « sociaux » et pénalise tous les gens qui refusent les cages à lapin, les barres, les tours et les zones de non droit.
Venons en au vrai logement social, c’est-à-dire celui que peut offrir un libre marché de l’immobilier locatif. Ce marché est aujourd’hui bloqué par la pénurie foncière due au zonage et aux plans d’urbanisme, par la complexité et l’arbitraire des permis de construire, par les restrictions de crédit, par la multiplication des normes. Il est entravé aussi par la concurrence déloyale du parc public, qui supporte moins d’impôts, moins de réglementations. La libération du marché conduirait à restaurer une vraie rentabilité, à susciter des investissements massifs.
Il n’y a aucune raison pour que la concurrence et l’innovation ne produisent pas les effets bénéfiques ici comme ailleurs. Le logement n’est pas un bien public, mais un bien marchand.
Ces idées, que j’ai développées dans le tout récent rapport de l’IREF présenté à la presse parisienne avant-hier, doivent être rappelées aujourd’hui parce que le logement sera l’un des thèmes de la campagne prochaine, et que les Français, ici comme ailleurs, ont du mal à imaginer que l’Etat ne s’occupe pas de tout ce qui est « social ». C’est d’ailleurs aussi le thème de l’Université d’Eté que l’on évoque dans cette Lettre : si vous voulez plus de social, ayez moins d’Etat !
Le marché est seul en mesure de fournir à la communauté les biens et services dont elle a besoin, et de le faire au meilleur compte pour tous, et notamment pour les plus modestes des Français.
Article repris depuis la Nouvelle Lettre avec l’aimable autorisation de Jacques Garello