Plutôt que d'aller voir "Une Séparation" qui est un beau film mais qui ne mérite pas non plus les critiques grandiloquentes d'une presse qui semble défendre plus un cinéma iranien sous la menace que l'oeuvre en elle-même, je vous conseille de vous arrêter sur "Même la Pluie" de la réalisatrice madrilène Iciar Bollain.
Le film sorti au début de l'année est désormais disponible en dvd ou en vod.
J'ai aimé dans ce film d'abord son histoire et ses personnages.
De plus en plus, au cinéma, on ne sait plus raconter des histoires. On veut nous montrer des effets spéciaux, des figures stylistes, des gens qui savent jouer, mais souvent on perd de vue ce qui fait l'essence du cinéma: le récit.
Sébastien joué par l'excellent Gael Garcia Bernal est un jeune réalisateur idéaliste qui vient en Bolivie tourner le projet de sa vie: "Christophe Colomb".
Il a face à lui un producteur cynique, Carlos, financier du projet, qui ne résonne par définition qu'en coût et en économie.
Sébastien pour jouer le rôle des indiens d’Amériques affrontant l'arrivée des premiers colons, embauche une main d'oeuvre locale et bon marché. Il choisit notamment Daniel dont le charisme semble idéal pour incarner le chef de la première tribu qui rencontra le navigateur génois.
Le tournage fonctionne bien jusqu'à ce que le gouvernement bolivien annonce un projet de privatisation de l'eau et déchaîne alors la colère de toute la population et notamment des plus démunis.
Daniel prend alors la tête des manifestations pour dénoncer cette spoliation d'une richesse bolivienne au profit d'investisseurs étrangers et met alors par son action le film en péril.
J'ai aimé également l'originalité de la mise en scène grâce à une mise en abyme subtilement construite.
Les séquences s’enchaînent entre fiction et réalité, entre oppresseurs passés et combattants d'aujourd'hui: le tournage du film et l'affrontement entre Colomb et les indiens faisant écho aux manifestations citoyennes.
Enfin fondamentalement,j'ai aimé le message de ce film, réconfortant dans ces temps de crise politique et financière.
Certains diront que la fin est utopique ou moralisatrice, je ne le crois pas.
Elle pose juste la question des rapports de pouvoirs entre les individus mais aussi des changements de comportement dont peuvent être capables les hommes quand ils deviennent conscients de l'environnement qui les entoure et de la réalité quotidienne d'une vie.
La question sociale et politique est donc évidemment au coeur de ce film dont le scénariste est celui de Ken Loach.
Sorte de Navigators amérindien, "Même sous la pluie" arrive en racontant l'histoire de Daniel et de sa famille à dénoncer ces interventions massives des firmes étrangères venant faire profit sur le dos de populations déjà exsangues.
C'est vrai pour l’Amérique Latine comme pour l'Afrique où Bolloré, Total, EDF aidé par des didacteurs de pacotille amis d'une certaine France Afrique n'épargnent rien: ni les questions d'environnement, ni les modes de vie des habitants.
Et là encore, la mise en scène prend toute sa force: la colonisation des Espagnols venus chercher de l'or au dépend de toute une civilisation, n'a rien en envier à cette colonisation économique dont les effets sont peut-être moins visibles mais sans doute tout autant dévastateurs.
Revendicatif "Même sous la Pluie" dénonce, mais surtout humaniste et subtil, ce film sait aussi remettre l'humain à sa place.
MÊME LA PLUIE : BANDE-ANNONCE VOST HD par baryla