J'aime pas aller au terminal de bus, parce que ça ressemble à un marché aux poissons. Tout le monde crie. Ça court partout. Toutes les compagnies ont leurs guichets côtes à côtes avec le Monsieur qui a été recruté pour sa voix. En principe ce monsieur, il a envie que tu ailles ailleurs que là où tu as prévu. Il hurle des destinations en me montrant du doigts ! Mais j'ai rien fais de mal moi !
Le Monsieur du bus, il a une amoureuse. La Dame de l'hôtel. Elle, elle est à la sortie du terminal de bus et elle veut que tu viennes dormir chez elle. Toi tu sais pas où c'est, t'as déjà noté le nom d'un autre hôtel mais quand même elle insiste. T'as beau expliquer que tu as réservé ailleurs, faire un sourire : pour toi amigo, elle fait une réduction ! Alors là tu as une réduction et quand tu demandes le prix à l'hôtel et que tu fais mine que c'est trop cher, tout à coup c'est encore moins cher.
Des fois pour être tranquille, j'arrive au terminal de bus à 20h et j'achète un billet pour le bus de 21h. Une nuit dans le bus, ça fait des économies. Enfin ça c'est ce que je croyais, parce que j'ai arrêté de le faire. En Équateur, j'ai passé de super moments debout dans le bus avec les gens, les poules, et même un lama dans la cale une fois. Mais au Pérou, il y a une sorte de tradition qui m'échappe et qui consiste à rouler comme Aerton Sena, qui est mort, avec la musique à fond.
Je les critique le Monsieur et la Dame mais quand même je les aime bien. Crier fort n'est pas leur seul point commun. Il y en a un autre. Quand tu te promènes en ville, tu dois pas montrer de signe de richesse, tu dois pas nourrir tous les chiens, tu dois pas prendre de photos avec ton gros appareil mais par contre, tu dois sortir ton passeport toutes les 5 minutes. Et ça le Monsieur du bus et la Dame de l'hôtel, ils adorent te faire remplir des fiches avec ton nom, ta nationalité, ta profession (la mienne change tous les deux jours) et d'où tu viens. J'ai vu un garçon dans la rue qui fait des tampons. J'en ai commandé un avec mon nom, mon numéro et ma nationalité. Je suis sûre que ça va cartonner au prochain contrôle !
Des bus, on en trouve toujours pour aller là où on veut ou presque mais les hôtels c'est plus compliqué. En fait le plus difficile en voyage c'est de pouvoir laver son linge. Depuis 3 mois, je fais comme mon arrière grand-mère. Chaque soir, je lave ma petite culotte à la main. Une fois par semaine c'est lavage de pulls et pantalons. L'autre jour, la Dame de l'hôtel, elle avait plus de place pour ses draps après notre tournée ! Le deuxième critère c'est qu'il doit avoir une cuisine. Ah non pas pour faire la cuisine, parce que ça aussi j'ai arrêté d'essayer de la faire ici. C'est pour pouvoir se faire plein de cafés !
Malgré le fait que chacun ait des arguments convaincants, je sais pas dire celui que je préfère parce qu'ils constituent à eux deux une mine d'anecdotes. Par exemple au Pérou ou au lac Titicaca, on met le bus sur une immense barque pour traverser la rivière. La Dame de l'hôtel souvent elle dit qu'il y a de l'eau chaude mais ça marche pas aujourd'hui. Le bus il aime bien aussi prendre feu en pleine montagne, de nuit, alors on patiente 12 heures dedans avant qu'il veuille bien redémarrer. La Dame elle te trouve une chambre pas chère mais… pleine de puces. Souvent aussi il faut pas oublier d'amener son rouleau de papier toilette. Il faut pas non plus avoir peur des branchements électriques qui passent sous l'eau de la douche. Ce qui est rassurant aussi c'est d'assister au baptême du bus, juste avant de monter dedans. Le champagne, la vierge, le prêtre. Il peut rien m'arriver ! D'ailleurs, tous les passagers font le signe de croix en montant dans le bus. Ça aussi ça me rassure et maintenant je fais un signe de croix à chaque fois que je rentre sous la douche.
Mais le mieux, c'est quand même quand le Monsieur du bus dit que le trajet c'est 6h mais quand tu arrives à l'hôtel et que tu parles à la Dame, elle rigole en te demandant combien de temps tu as mis pour venir !
En tout cas, maintenant j'en suis sûre. Si mes deux amoureux font un enfant, il sera vendeur à la criée !