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Le fabuleux destin de louise de keroual

Par Legraoully @LeGraoullyOff

Graoulliennes, Graoulliens, amical bonjour de la pointe Bretagne ! Vous vous en rappelez probablement, il y a peu, je vous offrais ici même une interview de l’historien Alain Boulaire, qui nous avait gratifié d’une biographie de Louise de Keroual. Nous y avions signalé entre autres cette curieuse coïncidence : il travaillait ce livre sans même savoir que, pendant ce temps, le centre socioculturel de Guilers, l’Agora, mettait en place le spectacle son et lumière auquel on pourra assister la semaine prochaine, « Le fabuleux destin de Louise de Keroual ».

LE FABULEUX DESTIN DE LOUISE DE KEROUAL

Louise de Keroual par Peter Lely

Un titre pleinement justifié : extraordinaire destin, en effet, que celui de cette jeune femme de la petite noblesse bretonne qui devint demoiselle d’honneur de Madame et maîtresse du roi d’Angleterre Charles II, au point d’avoir plus de pouvoir que l’épouse de ce dernier et de jouer un rôle pivot dans les relations diplomatiques entre la France et l’Angleterre « C’est vraiment une histoire qui est passionnante », déclare Philippe Bodin, secrétaire de l’association « L’Agora », en me racontant la genèse de ce spectacle dont il assurera la présentation avec la présidente de l’asso, Andrée Coublanc.

LE FABULEUX DESTIN DE LOUISE DE KEROUAL

Le manoir de Keroual, où auront lieu les trois représentations.

« On comprend que les gens se passionnent pour ça, continue Philippe, parce que c’est quand même quelqu’un qui a eu une vie exceptionnelle : tu te rends compte, naître à Guilers, au château de Keroual, et se retrouver d’abord à la cour de Louis XIV puis à la cour de Charles II d’Angleterre et presque reine d’Angleterre puisque le pauvre Charles II était marié, mais sa femme n’a jamais pu avoir d’enfants, et en plus elle était très pieuse, alors que lui était un grand coureur de jupons ! C’était un petit-fils d’Henri IV, donc il avait de qui tenir ! Et Louise, donc, a réussi à devenir sa favorite. » Favorite, mais aussi agent de pression, puisqu’elle a défendu les intérêts du royaume de France et de l’Eglise catholique auprès de son royal amant durant ses quinze ans à Whitehall, et c’est pourquoi le royaume de France, quelque fût l’individu à sa tête, est resté reconnaissant envers Louise toute sa longue vie durant. « Le clou de l’histoire, c’est qu’elle a eu un enfant avec Charles II, qui a eu une descendance qui va jusqu’à Lady Di et au prince William, l’actuel prétendant au trône ! On a appelé ça « le fabuleux destin de Louise de Keroual » et je crois que ce n’est pas exagéré parce que, pour une petite guilerienne qui aurait pu tout au plus espérer un petit mariage ici (voire le couvant parce qu’elle n’était pas l’aînée !), elle a fait un parcours vraiment hors du commun ! »

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Trois représentations, donc, pour ce spectacle qui retracera sa vie, le 23, 24 et 25 juin prochain au manoir de Keroual, situé au cœur du bois du même nom. À chaque fois, une soirée en deux partie : premièrement, de 19 heures à 21 heures 30, dans les jardins à l’arrière du manoir, des animations gratuites, dont la présentation par le cher Alain Boulaire de son livre le jeudi et le vendredi. Notez qu’Alain Boulaire était déjà venu à Guilers signer son livre, plus précisément au centre Leclerc, en compagnie de plusieurs personnages costumés. Deuxièmement, évidemment, le spectacle proprement dit, à partir de 21 heures 30 ; l’entrée est payante, et si vous êtes dans la région à ce moment-là, inutile de venir le vendredi, c’est déjà complet pour ce soir-là – ce qui étonne et ravit les organisateurs, évidemment. Essayez les deux autres soirs, il est peut-être encore temps, il restait un peu plus de 400 places disponibles lorsque je rencontrai Philipe Bodin.

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Alain Boulaire vu par votre serviteur.

Philippe Bodin qui, par ailleurs, est un ancien président de l’association « Racines et patrimoine » et qui côtoyait, à ce titre, feu Alain Stervinou, lequel a toujours porté un intérêt particulier au personnage de Louise de Keroual ; mais l’étincelle de départ est venue grâce à la lecture du roman Lady Louise, paru en 2006, dont l’auteur, Joël Raguénès, sera d’ailleurs sur place samedi ; les bénévoles de l’Agora n’ignorent évidemment pas (ou plus) les libertés que ce livre prend vis-à-vis de la vérité historique : « il faut bien savoir, dit Philippe, que c’est une histoire qui s’est déroulée, en gros, entre 1650 et 1750 : il y a beaucoup d’inconnues dans l’histoire de Louise de Keroual ! Dans la pièce, on l’envoie – on avait fait confiance au premier qui avait écrit ça – à l’école des bonnes sœurs de Lesneven à onze ans ; on a su après que le couvent des Ursulines à Lesneven n’était pas encore construit à cette époque là, mais ce n’est pas si grave puisqu’elle a bien été envoyé quelque part pour son éducation, et à Guilers, il n’y avait rien ! »

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Faute d’exactitude, la pièce joue donc la carte la vraisemblance, mais l’essentiel, en effet, était que cette version romancée de la vie de Louise, donnait matière à un spectacle, « et ensuite, continue Philippe, on eu l’occasion de recevoir ici, au centre socioculturel, Yves Moraud, qui est responsable du centre dramatique universitaire de Brest, et je me suis dit « on va peut-être lui proposer ça », et alors qu’on cassait une croûte après une pièce, je lui ai proposé de faire un spectacle avec cette histoire. Mais lui ne connaissait pas Louise de Keroual, donc je lui ai passé les bouquins que j’avais, dont celui de Raguénès et je lui ai dit « écoute, à la rentrée de septembre, tu me donneras ta réponse ! » et quand il est rentré, il est revenu avec un premier script ! » Le script était complet mais a eu le temps d’être retravaillé depuis. « J’en ai parlé avec mes collègues du conseil d’administration de l’Agora, et on a décidé, suivant nos bonnes habitudes, de mettre dans le coup le plus possible d’associations, le plus possible de bénévoles, afin que ce soit vraiment une fête de la population. Donc, tout s’est mis en branle, et on se retrouve maintenant avec au moins 200 personnes impliquées bénévolement là-dedans, dont 134 acteurs, figurants, musiciens, choristes et danseurs ! C’est ça qui est impressionnant, c’est le nombre de gens qui marchent dans l’affaire ! Les couturières, par exemple, c’est une vraie usine : je dis des fois, quand je passe devant, qu’on a l’impression que c’est un atelier clandestin ! »

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Joël Raguénès vu par votre serviteur.

De fait, j’ai pu rencontrer brièvement ces couturières amateurs, une vingtaine de femmes toutes généralement assez âgées, à l’exception de la jeune stagiaire Gwendoline, sous la houlette d’Yvette, qui tient un cahier avec le nom de tous les acteurs, dont elle a pris les mesures, et le costume correspondant. Mais alors, mes enfants, quelle ruche bourdonnante ! C’est qu’il faut en faire, des costumes, si on veut que chaque personne qui passe sur scène en porte un ! Environ une cinquantaine de costumes ont été empruntés, il en restait donc encore énormément à confectionner dans le style de l’époque (cent seize, à ce qu’on m’a dit !) pour que les personnages soient crédibles en tant que personnages vivant à l’époque de Louis XIV. « ‘Faudra pas y regarder de trop près, explique Philippe, mais on a quand même fait attention » grâce aux livres sur le sujet et aux patrons dont nous disposons. « Et là encore, il n’y a pratiquement pas eu de tissus d’achetés ! C’est que des tissus que les gens ont apportés, ils ont fouillé dans leur grenier, dans leurs meubles et ont apporté des vieilles tentures, des vieux rideaux, des nappes, tout ce que tu veux…et avec ça, elles ont fait de ces costumes, c’est phénoménal ! C’est un vrai coup de baguette magique ! » De fait, leurs costumes n’ont pas grand’ chose à envier avec ceux que fabriqueraient des professionnels avec des tissus parfois hors de prix, et elles n’ont eu besoin, pour cela, que de tissus d’ameublement récupérés. Sachez vous souvenir, si vous pouvez venir voir le spectacle, que ces couturières comptent parmi les bénévoles qui ont eu le plus de travail.

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Debout : Andrée Coublanc, présidente du centre.

Elles auront eu d’autant plus de mérite que beaucoup d’entre elles avaient rangé leur machine à coudre, se jurant de ne plus jamais s’y remettre, et l’ont finalement ressortie à cette occasion pour la plus grande joie de tous, à commencer par la leur ; il est vrai qu’elles cousent ensemble, ce qui est plus agréable que le faire seule dans son coin, ne serait-ce que pour l’entraide qu’elle permet : « celles qui ne savent pas trop demandent à celles qui savent mieux », me dit l’une, désignant ironiquement l’adorable Madeleine qui est si fière de dire « moi, je fais le costume du petit fils de Louise de Keroual, l’ancêtre du prince William ! » L’ambiance est à la bonne humeur, et quand la présidente Andrée leur rappelle qu’elles viendront sur scène à la fin du spectacle, on les entend répondre « On aura pas de costumes, mais nous, on est déguisées naturellement ! » Ça se passe si bien qu’il est déjà envisagé de maintenir cet atelier couture à la rentrée prochaine. « On sait pas encore sous quelle forme, mais on a envie de continuer, on a trouvé ça tellement sympathique, agréable ! On va pleurer quand on va se quitter ! »

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Madeleine travaillant le costume du fils de Louise de Keroual.

Et non contentes de n’avoir plus cousu depuis longtemps, elles confectionnent des costumes sur des modèles qu’elles n’avaient jamais employés ! Mais La seule difficulté est que chacun amène sa machine mais n’est pas toujours sur la même machine, « donc, on la connait pas, donc elle casse, ça s’embrouille, alors ça m’énerve et j’ai envie de la jeter dehors ! » La bonne ambiance rend largement supportable la charge de travail : devant l’importance de ce qui était à accomplir, elles ont dû commencer dès le mois de septembre (elles sont donc dessus depuis dix mois !) et surtout, cette activité qui était sensée n’avoir lieu que le lundi, « maintenant, c’est presque tous les jours ! On est dans la dernière ligne droite », disent-elles : elles espèrent bien avoir fini à temps, même si elles travaillent à leur rythme. Petit gag en passant : une de ces braves dames profite de ma présence pour dire « pis moi, j’étais venu seulement pour voir les costumes et vous m’avez séquestrée ! », ce à quoi ses camarades lui répondent « c’est parce que tu nous manques quand tu n’es pas là ! » Les copines d’abord !

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J’ai aussi demandé aux couturières si elles connaissaient l’histoire de Louise de Keroual ; évidemment, beaucoup l’ont découverte avec le livre d’Alain Boulaire : « Je vais être obligée de le relire parce qu’il est tellement épais qu’on ne peut le lire en une soirée ! Puis il y a beaucoup de dates, beaucoup de choses…» D’autres mentionnent aussi le roman de Joël Raguénès, mais sans même citer de référence littéraire précise, elles ne dissimulent par leur enthousiasme pour cette histoire : « c’est un peu un conte de fées ! Pour une noble de Basse-Bretagne, arriver à la cour de Louis XIV puis à celle du roi d’Angleterre ! C’est quand même une histoire qu’elle n’aurait jamais imaginée, qu’elle pouvait avoir dans ses rêves les plus fous ! »

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En quittant cet atelier pittoresque, j’ai eu la chance de rencontrer une figurante qui essayait un costume et qui n’oubliait pas sa réplique : « Elle a tenu des propos menaçants contre la religion protestante et contre le gouvernement ! », invective que l’anglaise qu’elle est sensée être sur scène formulera à l’endroit de Louise de Keroual, que les Anglais détestaient et surnommaient la « putain papiste » (sympa !). J’ai aussi eu la surprise de voir les bibliothécaires de la médiathèque de Guilers porter quelques-uns de ces costumes, l’une d’entre elle participant elle aussi au spectacle en tant que figurante ; elle ne m’a pas dissimulé son appréhension pour cette expérience encore toute nouvelle la concernant, bien qu’elle ait eu l’occasion depuis de se mettre dans le bain puisqu’assistaient gratuitement à la répétition de ce samedi les gens de l’EHPAD « Les petits pas » qui ne pourront pas assister aux représentations, trop tardives pour eux.

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Une figurante en plein essayage.

De façon générale, toutes les bonnes volontés ont répondu « présent », chaque tâche qui devait être accomplie a pu être attribuée, jusqu’à la gestion du parking. Concernant la mise en scène, « Yves Moraud, poursuit Philippe Bodin, a donné quelques lignes directrices, mais comme on a voulu que les amateurs des Farfadets, la troupe de théâtre, soient dans le coup, Rachel Malot qui était leur directrice, est dans le coup aussi ; comme on voulu mettre des jeunes dans le coup aussi, il y a aussi l’amicale laïque avec Chrystel Crouzet qui amène ses jeunes et qui les a formés pour le spectacle. » À noter que les jeunes qui monteront sur scène ne sont pas les plus stressés des participants ; mais surtout, cette pluralité des provenances des participants, « ça veut dire qu’on se retrouve avec trois metteurs en scène ! Il a fallu à un moment donné choisir et dire que c’est Rachel Malot qui va vraiment faire la mise en scène, les autres pouvant donner leur avis de temps en temps. Chacun ne peut pas tout changer sans arrêt : un metteur en scène, ça a UNE idée du spectacle ! Rachel a essayé de suivre quand même toutes les lignes qu’on avait étudiées ensemble – on a fait des réunions là-dessus et on s’est mis d’accord sur un texte. » L’esprit associatif n’exclut pas un minimum de discipline requis pour bien faire les choses.

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Ce n'est pas tout de faire les costumes, il faut aussi les repasser !

Le rôle de Louise de Keroual sera tenu par la seule comédienne professionnelle à prendre part au projet, Morgane Le Rest, qui a déjà joué dans certaines pièces dirigées par Yves Moraud et dans un feuilleton télévisé au Japon sur Camille Claudel (qui a ricané ?). « Elle s’est très bien intégrée au groupe, les autres l’ont trouvé très gentille, il y a une très bonne entente. Il aurait pu y avoir des dissensions parce qu’elle est professionnelle et pas les autres, mais pas du tout, apparemment, ça se passe très bien, tout le monde s’accorde à dire qu’elle est vraiment très sympathique. » Mais il y aura en tout trois Louise : si Morgane interprète Louise adulte, il y a aussi Louise très jeune, partant à onze ans faire son éducation, jouée par une jeune fille prénommée Léana, et Louise vieille (Louise de Keroual a quand même vécu 85 ans, ce qui était phénoménal pour l’époque !) en compagnie de son arrière-petit-fils, interprétée par Simone Guivarc’h, ce qui est flatteur pour cette dernière, puisqu’un grand connaisseur en matière de femmes, Voltaire, disait de Louise qu’à soixante-dix ans, elle était encore très belle. Pour rester dans les « gloires locales », il faut compter aussi sur la participation de Jean-Jacques Séité, champion de France de débardage, qui viendra avec quelques chevaux de trait pour les besoins de l’action qui nécessite évidemment des charrettes et des calèches.

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Morgane Le Rest vue par votre serviteur.

À l’heure où je faisais ma visite à l’Agora, il ne restait en fait déjà plus qu’un impondérable, mais de taille pour un spectacle en plein air : le temps ! Le climat était plutôt maussade et perturbé, ce jour-là, mais la météo a l’air optimiste jusqu’à la fin de la semaine prochaine – reste à voir ce qu’en dira Clément. Terminons en signalant que Philippe compte faire un film vidéo du spectacle grâce à deux caméras qui seront installées chacune à un point différent du lieu où auront lieu les trois représentations et que le seul handicap de l’organisation vient de la mairie de Guilers qui a accordé une subvention largement plus mesquine que ce que l’Agora pouvait espérer pour une manifestation de cette ampleur qui sera donc sans doute déficitaire… Mais Philippe relativise : « comme on avait un peu d’argent d’avance, on estime, vu le nombre de personnes que ça met en communication et en collaboration, que ça vaut le coup de perdre un peu d’argent là-dessus. Avant même d’avoir vu le spectacle, la façon dont les gens s’entraident, coopèrent, participent, c’est déjà très positif. Si le spectacle est bien réussi, évidemment, ça n’en sera que mieux ! » Et bien rendez-vous dès jeudi au bois de Keroual pour le savoir ! Allez, kenavo !

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BONUS : La vidéo des couturières.

 


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