Instinctivement, je me suis dit : « Mais qu’est-ce qu’il raconte ? »... Lui qui, d’habitude, est réputé pour son flair. Politique… Flanqué de son conseiller à qui on ne la fait pas, le redoutable Buisson... Oui, je me suis dit, épidermique, Nicolas Sarkozy, sur ce coup-là, il est à côté. De la plaque… C’est à se demander à quoi ça (lui) sert d’avoir « cinq ou six cerveaux parfaitement irrigués »... Ou alors, c’est de la méthode Coué de compétition. De l’auto-persuasion…
Et puis, non.
Il se pourrait bien qu’il ait raison…
Mais entrons dans le vif...
Dans le quotidien Le Monde en date du jeudi 31 mars 2011, les journalistes Raphaëlle Bacqué et Arnaud Leparmentier nous rapportent une réflexion présidentielle qui, a priori donc (et comme je le supputais en liminaire), semble déconnectée de la réalité. L’actuelle.
La voici :
Malgré les sondages, le président refuse de croire à la présence de la présidente du Front National au second tour : « le 21 avril 2002 a vacciné les français » a-t-il récemment assuré à l’un de ses visiteurs.
« Le 21 avril 2002 a vacciné les français »…
Mais comment peut-on affirmer une chose pareille ?... Enfin, depuis 2002, bien de l’eau et une crise (« sans précédent ») ont coulé sous les ponts… Des élections intermédiaires (qui sont autrement plus significatives que n’importe quel sondage) ont démontré que le Front National s’était considérablement remplumé... Qui plus est, partout en Europe, on observe, dans les scrutins, une percée de l’extrême-droite… Nonobstant, la zone euro semble partir à vau-l’eau. Y’a comme du roulis. Et pas des riquiquis… Sans compter le slogan "UMPS" qui fait flores et… Les « déçus du sarkozysme ». Or qui sont-ils ? Je veux dire, quels sont ceux qui pourraient être déçus de la politique menée par Sarkozy sinon ceux qui, en 2007, lui ont apporté moult suffrages ? Et dans ceux-là, les « siphonnés ». Ces électeurs ayant voté Le Pen père en 2002. Séduits en 2007 par un ministère de l’Immigration et de l’Identité Nationale, et quelques saillies comme : « La France, on l’aime ou on la quitte ».
Bref, en un mot comme en cent, il y aurait tant et tant de raisons de croire, oui, à la présence du Front National au second tour de la présidentielle de l’an prochain. Un nouveau 21-avril.
Alors, qu’est-ce qui peut bien conduire Nicolas Sarkozy à ne pas y croire ? A cette piqûre de rappel…
La réponse est simple : ce sont les sondages.
Ce sont eux, les sondages et leurs instituts qui, paradoxalement, pourraient « éliminer » Marine Le Pen.
Et pourquoi ?
Eh bien, parce que le 21-avril, pardi !
Ce n’est pas un fantasme le 21-avril, vu que c’est déjà arrivé.
« Un coup de tonnerre » même que c’était.
Et toute la théorie de Sarkozy est construite là-dessus : parce que les français l’ont vécu, ils feront en sorte de ne pas le revivre.
Et QUI peut les aider à ne pas le revivre ?
Les sondages, messire !
Imaginons…
Nous sommes à une semaine du 1er tour. Et plusieurs instituts de sondage nous affirment que Marine Le Pen pourrait être au second tour. Ce qui signifie qu’un des deux partis dominants, PS ou UMP, n’y serait pas.
Que croyez-vous qu’un électeur de droite ou de gauche fasse dans cette éventualité ?
Eh bien, il va voter « utile ».
Plutôt que de donner sa voix à Borloo, Villepin ou Boutin, d'aucun va reporter son suffrage sur Sarkozy (quand bien même, en serait-il un « déçu »). Et de l’autre côté, quelques-uns s’apprêtant à donner du bulletin à Mélenchon, au NPA ou à LO, se rabattront in-extrémis sur le candidat du PS.
Et la raison est évidente : aucun des deux camps n’acceptera que son champion soit éliminé dès le 1er tour… Qui voudrait (re)vivre cette humiliation ?
Si en 2002, les sondeurs nous avaient placé Jean-Marie Le Pen au second tour, vous pensez vraiment que Jospin aurait été « éliminé » dès le 1er tour ?... Allons ! Bien sûr que non ! Il y aurait eu une mobilisation pavlovienne de l’électorat de gauche en faveur du Premier ministre ! Des électeurs pensant voter Taubira ou Chevènement (voire : Mamère, Hue, Besancenot, Laguiller), auraient tourné casaque. Et sans états d’âme.
D’autre part, et même si, à un an de l’échéance, les sondages ne valent pas tripette, quand en mars dernier, une enquête en ligne effectuée par l’institut Harris Interactive donnait – et pour la première fois – Marine Le Pen présente au second tour dans tous les cas de figure, qu’a-t-on observé les semaines suivantes ?
Eh bien, ce qu’on peut considérer comme un « vote utile virtuel ». Et vlan ! Dans les enquêtes qui suivirent, Marine Le Pen rétrogradait. Pour se retrouver en position de « troisième homme ».
Alors bien sûr rien ne dit que cet effet de « vote utile » jouera l’an prochain.
Et puis, l’électeur est libre de son choix, non (Ah ! Ironie quand tu me tiens !) ?
Il fait ce qu’il veut avec son bulletin, une fois dans l’isoloir.
Il s’en moque bien des sondages, le citoyen… N’est-ce pas ?...
… J’entends, c’est curieux et marrant à la fois, d’aucuns qui en doutent… C’est intéressant... Les sondages, grand dieu dans un pays laïc, feraient-ils une élection ?
Telle est la question.
Quoi qu’il en soit, Nicolas Sarkozy, lui, le croit.
Et pour une fois – comme quoi tout devient (mais un peu tard) effectivement possible – je serais tenté de lui donner raison.