L'Économie sociale prend de plus en plus de l'envergure en France. Elle est même entrain de passer d'un secteur qui attirait essentiellement des "cadres militants" à un secteur attrayant pour les cadres du secteur privé à but lucratif qui en ont marre de la course à la rémunération du capital financier. Lisez plutôt l'article ci-dessous.
Par Sophie Péters, éditorialiste à La TribuneLes états généraux de l'économie sociale et solidaire qui ont lieu cette fin de semaine au Palais Brongniart vont-ils se transformer en salon de recrutement ? Va-t-on y voir des cadres fatigués enfourcher tous les matins le cheval de la performance venir chercher ici un destrier plus respectueux de leurs besoins ? Si jusqu'à présent le secteur de l'économie sociale - réputé comme moins lucratif
et plutôt marginal, voire soixante-huitard échevelé - attirait peu les cadres du domaine privé, il est aujourd'hui, aux dires du cabinet Mercuri Urval, l'un des plus attractifs auprès d'eux et des jeunes diplômés des grandes écoles. Ses atouts ? " D'abord, une plus grande résistance aux aléas économiques. C'est également un secteur qui ne cesse de croître et d'évoluer, offrant des perspectives favorables à l'emploi, ainsi que des missions encore plus riches, motivantes et diversifiées. Ce sont enfin ses valeurs et ses principes partagés par les entreprises du secteur qui le rende attractif aux yeux des cadres ", analyse Selim Kharrat, consultant au département économie sociale et solidaire (ESS) de Mercuri Urval France. Les grands groupes risquent de payer cher des années de course à la performance, du toujours plus pour rentabiliser plus, de la soumission aux actionnaires et au grand capital. L'herbe est désormais plus verte dans le pré de l'ESS. Mercuri Urval est formel : " Les cadres issus du privé qui s'orientent vers ce secteur sont à la recherche d'une nouvelle forme d'engagement professionnel qui leur permet d'apporter leurs compétences au service d'une cause et de l'intérêt général, plutôt qu'au service du capital. Il leur permet de se projeter et de répondre à leurs attentes en termes d'épanouissement personnel dans la sphère professionnelle. "
Les héros d'hier sont fatigués, pris entre le marteau et l'enclume. D'un côté, ils font face à une hiérarchie qui entonne avec de plus en plus de pression le couplet des résultats, étant elle-même prise à son propre piège. De l'autre, ils sont appelés au secours par leurs équipes défaites après tant de batailles désormais impossibles à gagner. Jusqu'alors ils disaient ne plus avoir d'autres solutions que de laisser les premiers radoter et tendre une oreille compatissante aux seconds. Désormais ils ont une porte de sortie : celle de s'engager dans une entreprise de l'ESS pour faire l'expérience d'une nouvelle humanité. Ils disent non à la vision de l'économie où une petite minorité décide pour une vaste majorité. Où la concurrence et la logique du profit gangrènent toutes les sphères de l'activité humaine. Où la quantité l'emporte sur la qualité. Où ce qui n'a pas de valeur marchande n'a pas de valeur tout court. Voici donc venu le temps des nouveaux héros. De ceux qui ont envie d'être moins victorieux mais beaucoup plus libres. Il y a dix ans, on voyait des cohortes de cadres gagner la campagne pour se refaire une santé en retapant des vieilles pierres. Aujourd'hui, les jeunes diplômés et leurs aînés chevronnés trouvent dans l'ESS de quoi réconcilier leurs idéaux avec leur sens des responsabilités. Les grands groupes qui multiplient ces temps-ci les séminaires sur le " vivre ensemble " et la " course aux talents " ont du souci à se faire. À moins que cette pierre dans leur jardin ne les amène enfin à faire rentrer dans leurs bureaux une démocratie économique plus participative. Alors l'ESS y aura non seulement gagné ses galons et des talents, mais aura de surcroît fait des heureux.