Une autre politique française est-elle possible ?
Certes, la présidentielle de 2012 est dans moins d’un an à présent. Certes. Mais elle est tout de même dans dix mois, ce qui laisse normalement le temps aux équipes de se mettre en place et aux programmes d’être présentés. Heureusement, en France, on évite largement cet écueil barbant des batailles d’idées et des propositions électorales bien construites pour entrer directement dans la politique politicienne à deux balles.
Et ça commence donc sur les chapeaux de roue, avec une prise de puissance et de vitesse capable d’arracher les moumoutes en poil de marmotte les mieux fixées : Dominique de Villepin, bien qu’au milieu d’une tourmente judiciaire qui pourrait bien lui faire rejoindre la longue suite de ministres et élus de la République condamnés à de la prison, fût-elle avec sursis, se lance officiellement dans la bataille.
Et comme à son habitude, il n’a pas fait les choses à moitié et a rassemblé quelques centaines de fidèles dans un bel hôtel de la rive gauche parisienne, dans le cadre bien pratique de la convention de son parti sur mesure, histoire d’y tenir un discours évidemment enflammé.
Le maître de cérémonie a en effet tourné tous les boutons overdrive de sa sono interne et a largement mixé du beat electro-pop tendance De Gaulle avec un funk rythmé au parfum de socialisme douillet qu’il affectionne tant. Et dans son mix, il nous propose du référendum, du devoir de rassemblement et du devoir d’alternative, ce qui, on en conviendra, ne veut pas dire grand-chose de concret.
Il est fort, le bougre : il n’a finalement aucune proposition et seuls son panache capillaire et sa taille un peu supérieure à la moyenne permettent à ses coreligionnaires de le retrouver dans la petite foule massée devant le buffet.
Cette campagne, explique-t-il devant des disciples humides, gelés et circonspects, il la sent bien.
Moi aussi, Dominique, ta campagne, je la sens bien. Défaite, rase et qu’on peut résumer en un slogan lapidaire : « un autre socialisme est possible« .
Pendant ce temps (qu’on comprend triste et pluvieux), Chamailli et Chamailla sont dans un bateau zéro-émission. Et comme il n’y a guère de zef, nos deux ahuris s’agitent très fort pour en faire, sans pourtant que leurs excitations ne soient couronnées de succès. Les mouvements de la barque sont décidément browniens, et la nature, que nos deux clowns s’emploient pourtant à amadouer avec force danses électoralement lascives, ne leur fournit aucune aide…
Aux primaires des Zécolos, tout semble pointer vers une victoire éclatante de Nicolas Hulot, l’animateur télé qui vend du shampoing cancérigène du haut de son hélicoptère à pétrole pour sauver les ours d’une fonte massive qui n’arrête pas de ne pas se produire. Et même s’il faudrait s’y résoudre, Eva Joly ne veut pas se laisser battre sans montrer les crocs.
Ce qui donne lieu à un bien joli spectacle politico-politicien, où les petites phrases fusent. Petites phrases qui éclairent finalement très bien les deux façons de procéder des deux candidats : le premier, communicant aguerri, reste maître de son image qu’il a appris à polir au long de nombreuses émissions télévisuelles chamarrées et taillées au cordeau pour son propre bénéfice. La seconde, beaucoup plus habituée des lieux où les décisions finales lui appartiennent sans qu’elle ait ensuite à se justifier, emploie des tactiques plus violentes où il ressort essentiellement son caractère très autoritaire, pour le dire gentiment :
« Il se trompe d’élection présidentielle, il fait en 2012 ce qu’il aurait dû faire en 2007, aujourd’hui, la souffrance est telle que, dans les quartiers, on ne demande pas qu’on leur explique la vie, on demande à changer la vie ».
D’une part, on se demande quelle est la crédibilité d’une prétendante écolo en terme de quartiers sensibles qu’elle n’a pas dû fréquenter souvent ni longtemps ces dernières années.
D’autre part, les politiciens de tous crins n’ont pas arrêté de nous changer la vie (et très majoritairement, pour le pire) sur les trente dernières années avec des inventions tous les jours plus nombreuses de taxes, prélèvements, lois, interdictions, règlements.
Certes, le Hulot ne fait pas crédible deux secondes en Président de la République. Le costume serait trop strict pour un tel personnage. Mais la Joly, en plus de n’être pas plus vraisemblable au même poste, fait aussi un peu peur dans ce désir même pas voilé d’aller interférer dans nos existence qu’elle se chargera de modifier à grand coup de lattes (en carton bouilli recyclé).
Tout ceci, remis dans son contexte (une nano-joute pour un micro-parti d’excités dont les prétentions sont essentiellement de s’allier avec un candidat PS afin d’obtenir des postes dans un futur gouvernement) permet d’apprécier la farce à son juste titre, celui d’une piécette de théâtre politique à destination de l’intelligentsia parisienne et des quelques journalistes intéressés par les élucubrations écolos.
C’est la mode, en quelque sorte : pour nos zécolos, « un autre monde est possible« , mais en attendant, ils continuent de faire comme dans l’actuel, sans rien changer.
Et parlant de mode, on peut continuer notre voyage vers toujours plus de socialisme heureux et d’interventionnisme galopant en allant jeter un œil du côté des staliniens nostalgiques, avec bave à la commissure des lèvres en option : Mélenchon est donc officiellement le candidat des fossiles de l’ultragauche.
Le Parti Communiste, dont on n’entendait plus parler depuis des lustres, sauf pour évoquer les frasques d’épithéliums festifs comme Maxime Gremetz, a en effet choisi le président (des Bas) du Front de Gauche, Jean-Luc Mélenchon pour le représenter aux prochaines élections.
C’est, en soi, assez comique puisque le travail d’évaporation communiste ainsi commencé par Mitterrand dans les années 80 continue tranquillement avec l’utilisation d’un non-communiste pour les représenter. Pragmatiques, les vieux cocos ont en effet choisi un candidat apte à ramener quelques pourcents plutôt qu’un des leurs dont le score, probablement risible, n’aurait même pas justifié l’envoi d’un journaliste de France 3 en fin de soirée électorale, en avril 2012.
Au moins, avec un tribun comme le Méluche, on peut être sûr que la partie médiatique du contrat sera remplie. On parlera moins des communistes, de leur parti. Mais on parlera plus de leurs idées nauséabondes à grand coup de Chavez, le dictateur qui murmure à l’oreille des dictateurs. C’est toujours ça.
Le Jean-Luc, de son côté, a bien compris l’intérêt de la manœuvre : bon an, mal an, il devrait faire tout juste suffisamment pour rentrer dans ses frais de campagne et faire ainsi raquer les contribuables pour son exercice de style. Et cela va lui permettre d’ajouter une nouvelle corde à son arc : ex-trotskyste, ex-sénateur, ex-socialiste, ex-ministre de l’Enseignement professionnel du gouvernement Jospin, il va enfin pouvoir devenir ex-candidat à la présidentielle.
En attendant, il fanfaronne en nous sortant qu’un « autre futur est possible« , ce qui est rhétoriquement efficace bien que très peu original : effectivement, tous les futurs sont possibles, par définition même du futur.
Et pour ne pas oublier le reste de ses poncifs, il nous en sort une ribambelle :
« Moi, je propose avec le Front de gauche une révolution citoyenne, pacifique, démocratique pour tourner la page… Il ne peut pas être question d’abandonner notre pays à ce petit groupe d’oligarques qui le pille, le tient, le prend à la gorge… J’aime mon pays, la France, la belle, la rebelle, c’est à elle qu’il faut dire qu’un autre futur est possible… »
Il manque un chouilla d’écologie (c’est mode, c’est nécessaire)… Ah non, le voilà :
« Je suis le candidat du partage des richesses, de la VIe République et de la planification écologique »
Voilà. Tout y est : un nouveau futur possible, de l’écologie, du changement, du citoyen… Comme les écolos. Comme De villepin. Comme les autres. Tous les autres.
À lire ces déclarations, mornes répétitions des mêmes idées ressassées sans originalité, on peut se demander : une autre politique française est-elle possible ?
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