Yoko Ogawa. La Piscine

Par Mango

Aya est une jeune adolescente dont les parents gèrent un orphelinat. Elle est malheureuse et seule,  se sentant délaissée par ses parents,  trop occupés par les autres enfants. Son seul plaisir est d’aller à la piscine en cachette pour admirer le corps de Jun lorsqu’il plonge dans l’eau. C’est un garçon de son âge élevé avec  elle,  toujours d’humeur égale,  le seul ancrage positif de son existence.
Le côté négatif d'Aya, en revanche, est sa tendance à persécuter le bébé d’un an et demi qu’on lui confie souvent, une jolie petite fille qu’elle fait pleurer puis qu'elle l'enferme,comme par jeu, dans une jarre et enfin qu’elle rend très malade en lui offrant consciemment un gâteau avarié. "Je voulais encore entendre des sanglots de bébés ; je voulais goûter à toutes sortes de pleurs."
 Un soir, au retour de la piscine, Jun remarque qu’il sait qu' elle est  la responsable de ces méfaits car lui non plus ne la quitte pas des yeux. « Tout en suivant son profil du regard, je pris conscience du fait que je ne pourrais plus rien lui demander. Ni caresses, ni protection, ni chaleur. Il ne plongerait sans doute plus jamais  dans ma propre piscine troublée par des pleurs d’enfants orphelins. Des vagues de regrets arrivaient sur moi, doucement mais sans relâche. »
C’est un récit des plus ordinaires et des plus troublants à la fois, bien spécifique de l’écriture de Yoko Ogawa qui aime décrire la perversité d’êtres innocents et fragiles, à la recherche d’eux-mêmes, partagés entre leur désir de pureté et de plénitude tranquille d’un côté et par leur tendance au sadisme et à la cruauté de l'autre. Simple constatation au-delà de toute morale qui n’est pas de mise ici.Plus je lis Ogawa, plus je l’apprécie.Début de "La piscine"
"Jun avance sur le plongeoir de dix mètres. Il a pour maillot le slip de bain rouge foncé que j’ai vu hier pendu sous l’auvent de la fenêtre de sa chambre. Arrivé à l’extrémité de la planche, il tourne lentement le dos à la surface de l’eau et aligne les talons. Tous les muscles de son corps sont bandés à l’extrême, comme s’il retenait sa respiration. C’est la ligne musculaire qui part de la cheville pour atteindre la cuisse à ce moment-là que je préfère dans son corps. Elle a l’élégance glacée d’une statue de bronze."
Yoko Ogawa, La Piscine (ダイヴィング・プール)  (Thesaurus, tome 1,  Actes Sud 1992, Nouvelle)Quinzaine nipponne de Choco:1