L'antisarkozisme épidermique, la peur du FN et l'obsession sondagiaire conjugués à une conception de supporters ou de groupie de la politique provoquent une sorte de déni de la réalité dans la socialosphère lorsque sont évoquées les politiques d'austérité économique et de régression sociale des gouvernements sociaux-démocrates en Europe.
Il parait que le PS français, c'est le PS français, même s'il appartient au PSE au même titre que le PASOK, le PSOE, le New Labour ou le SPD...
Circulez, y'a rien à voir !
Ou plutôt si...
Le PS a publié un programme.[1]
Aussi pour savoir de quoi il en retourne et être complet, nous publions ici des extraits des analyses d'un économiste de gauche (2), d'un célèbre think thank néo-libéral (3), et de votre serviteur (1)...
1 Notre analyse s'appuie sur la synthèse officielle du programme : "les 30 engagements pour le changement"
Nous retenons quelques mesures a priori intéressantes sur l'éducation, l'immigration avec le droit de vote des immigrés, la réforme de la fiscalité, la création de postes de policiers et de gendarmes, le mariage gay, la proportionnelle...
Mais ce projet compte trop de mesures décevantes : pôle bancaire public a minima avec seulement une banque publique d'investissement, le retour de quelques emplois jeunes sous quel statut et avec quelles rémunérations ?, resucée de la taxe carbone impôt injuste socialement, revenu maximal tronqué et dénaturé, contrôle à minima des loyers, allongement de la durée de cotisation pour la retraite, cv anonyme...
Ou irréalisables dans le cadre du traité de Lisbonne : droits de douane, eurobonds, orientation des achats alimentaires des collectivités locale vers l'agriculture locale, petite dose de protectionnisme...
Et de trop nombreuses absences : interdiction des licenciements boursiers, fin de la Vème République, planification écologique, guerre au précariat, chiffrage du nombre de postes à créer dans la fonction publique, réduction du temps de travail, la réforme de la BCE et désobéissance aux dogmes néo-libéraux du traité de Lisbonne.
Au terme de cette lecture, on se dit que le programme du PS pour 2012 aurait pu être écrit à la fin des années 80, hormis la référence à l'euro, tant il est décalé et faible par rapport aux enjeux du moment tels que le précariat, la grave crise économique, financière et démocratique de l'UE, et la crise du nucléaire...
Craignant d'avoir mal compris ou compris de travers, probablement en raison d'un sectarisme inconscient, nous avons cherché sur la toile d'autres avis....
2 A gauche, l'économiste Jean-Marie Harribey membre d'Attac et de la fondation Copernic estime que :
«Le modèle de développement couché sur le papier par le PS ne peut être considéré comme une copie conforme de celui que met en œuvre le capitalisme néolibéral depuis plusieurs décennies. Mais, à l’évidence, le PS n’entend pas rompre avec cette logique, tout au plus propose-t-il de l’amender à la marge (...)»
Il remarque que le PS n'entend pas remettre en question le modèle productiviste :
«Le redémarrage de l’emploi est indissolublement lié à celui de la croissance économique (pages 3, 7). À aucun moment, la comparaison de l’évolution de l’emploi avec celle de la productivité n’est envisagée, pas plus que n’est évoquée l’alternative en matière d’utilisation des gains de productivité.»
Il s'étonne du conservatisme du PS quant aux choix énergétiques :
«La catastrophe nucléaire de Fukushima ne conduit pas le PS à sortir du nucléaire mais seulement à « sortir de la dépendance » au nucléaire ainsi qu’au pétrole. Le risque nucléaire qui s’est transformé en catastrophe au Japon est mis au compte de la gestion privée de cette industrie ; le risque en lui-même est donc ignoré et le PS fait confiance en une gestion par la puissance publique, condition certes nécessaire mais totalement insuffisante. De plus, le PS en rajoute sur « le succès technique et économique » du nucléaire français (p. 9) et ressort l’argument éculé du « bas coût de l’électricité » en France, alors que le coût du démantèlement des centrales et celui du traitement des déchets ne sont pas inclus dans le prix.»
Enfin, par rapport à ce que nous avions pointé, il déplore l'absence d'opposition au contrôle a priori des budgets nationaux par Bruxelles ou la légèreté sur les questions relatives à la protection sociale, la santé ou l'agriculture ( « Soutenir l’agriculture écologiquement intensive » : bel oxymore, non ? . [2]
3 A droite, d'autres ont lu attentivement ce programme. On ne reproduira pas les commentaires des politiciens de droite, du centre, du patronat, ni d'ailleurs des éditocrates qui participent au simulacre de la démocratie bipartite en créant des polémiques artificielles...
Nous sommes donc allés chercher l'analyse du puissant et influent Institut Montaigne, présidé par Claude Bébéar. L'Institut Montaigne, même s'il revendique son apolitisme, est la boite à idées de la droite néo-libérale et du Medef.
Dans une note intitulée Le programme du PS fait écho à plusieurs propositions de l'Institut Montaigne, le think thank néo-libéral dit tout le bien du programme socialiste :
«Education, fiscalité, santé, diversité... Un certain nombre de mesures avancées par le Parti socialiste dans son projet pour 2012 recoupent des propositions formulées par l’Institut Montaigne.»[3]
Nous vous faisons grâce du détail, disponible sur la toile...
Aussi, un programme qui reçoit l'imprimatur avec les félicitations de l'Institut Montaigne, chantre du néo-libéralisme, peut-il vraiment être qualifié de gauche ? Permettez-nous d'en douter !
Notes
[1] parti socialiste - projet socialiste 2012 le changement
[2] Jean-Marie Harribey - Le PS ne peut pas tout, mais veut-il quelque chose ?
[3] Le blog de l'institut montaigne - Le programme du PS fait écho à plusieurs propositions de l'Institut Montaigne