Samedi 15 novembre 2008 – 15h32
Lyon, France
Etendu sur son lit, James pianotait sur son ordinateur portable à la recherche d’informations sur sa structure métallique. De drôles de choses se passaient depuis qu’il était rentré à la maison ; l’environnement semblait réagir à ses crises.
James était tombé sur plusieurs sites parlant de télékinésie. Oh, bien sûr, il en avait déjà entendu parler, mais il pensait ce phénomène purement fictif. C’est alors qu’en allant sur divers sites plus ou moins sérieux, il découvrit que la télékinésie n’était pas que le déplacement d’objets par la pensée, mais la réaction par l’environnement aux ondes cérébrales. Or, c’était ce qui s’était passé le jour précédent, lorsqu’il s’était évanoui. Toujours selon un site internet, divers scientifiques avaient tenté d’amplifier les ondes cérébrales afin qu’elles quittent la boîte crânienne, sans réel succès.
James posa l’ordinateur sur le sol, près de son lit, et réfléchit, posant son regard vide çà et là dans la pièce. Puis, après quelques secondes, il se leva brutalement pour aller s’asseoir devant son bureau. Là, il débarrassa les feuilles qui encombraient la table, fit un tas à la va-vite de cours de physique, et sortit un crayon à papier de sa boite à crayon, en face de lui, bien droit.
Prenant compte tout à coup de ce qu’il faisait, James soupira en rigolant. Puis finalement, il se redressa, et, face à la table, se concentra.
Il était droit comme un i, sur sa chaise, les mains sur les jambes, fixant le crayon en vue plongeante. Il était tellement concentré et serein qu’il ne savait même pas qu’il était concentré. Il s’agissait là d’une méditation intense.
La bouche légèrement ouverte, le corps totalement détendu, la respiration lente, c’est comme s’il sortait une force à travers ses yeux.
Tout à coup, un grand flash surgit dans sa tête. Il poussa un cri, tomba presque de sa chaise. Mettant sa main contre son front, il se redressa, poussant des soupirs de douleur. Après quelques instants, la douleur disparut totalement, ce qui lui parut étrange. Puis, il prit une profonde inspiration, et réitéra l’opération.
Cette fois, il était un peu plus stressé, mais réussit tout de même à se concentrer. Il sentait un léger tiraillement dans sa nuque, mais en fit abstraction, au point de ne plus le sentir. Il se concentra sur le bruit extérieur, entendit le piaillement d’un oiseau, et le très léger filet d’air d’un aspirateur, au loin. Il l’oublia. Il sentit l’air rentrer par la fenêtre. Il faisait bon. Il ne voyait plus que le crayon, et même, il ne le voyait pas, il le savait. Le crayon n’était plus réel, il était dans sa tête. Il se le représentait.
Un bruit commença à surgir, au loin, grandissant. Il était très fin, mais semblait tellement naturel, tellement logique avec ce qu’il tentait de faire.
Finalement, James ressentait le crayon. Il bougea légèrement la tête, et vit le bout non taillé commençant à se soulever. C’était tellement léger. Tellement fin. Il continua, en tentant de le relever plus. Cette fois, le crayon était suffisamment soulevé pour qu’on puisse le voir, mais c’était toujours très minime, quelques millimètres, pas plus.
Il se sentait bien, en phase. Seulement, il commençait à sentir une force résistante. Elle fut légère, puis le poids du crayon devint plus grand, jusqu’à sembler peser un tonne. Alors qu’il commençait à sentir une douleur dans sa tête, James détourna le regard, et le crayon se reposa, sans bruit, tellement il était peu élevé.
James haletait. Il avait les idées confuses. Il avait réussi un exploit, mais au prix d’un grand effort. Il sentit quelque chose de froid au-dessus de sa bouche. Son index se précipita pour essuyer ça, et James se rendit compte qu’il saignait du nez, et que le sang avait refroidi au contact de l’air.
Il se calma, et alla se rincer le visage, dans la salle de bain. En se redressant au-dessus du lavabo, il se regarda dans le miroir, observa ses mains, et retourna dans sa chambre pour réessayer.
La porte d’entrée sonna. James se précipita pour ouvrir, et trouva Val sur le perron, sac sur les épaules, alors que le soleil commençait à piquer du nez.
- Salut, lança-t-il, je passe pour te filer les cours.
- Entre.
Val entra, et tous deux se dirigèrent dans la chambre de James.
- Ah, au fait, hier, Mme Friedrich s’est pris en croche-patte dans le sac d’Emma. T’aurais du voir ça… Elle s’est croûté comme…
Il marqua une pause, voyant que James le regardait d’un air soupçonneux.
- Qu’est-ce qu’il y a ? reprit-il.
- Rien, rien, hésita James. C’est juste que…
- Que quoi ?
- Je peux te faire confiance ?
- Bien sûr !
- Non mais franchement, si je te montre quelque chose, tu n’en parleras à personne ?
- De quoi tu parles ?
James ouvrit la porte de sa chambre, s’assit à son bureau, sans un mot, et se concentra. Au moment où il s’assit, Val lança :
- Oui, et alors ?
- Chut !
James se concentra, les poings liés soutenant sa tête, et, en quelques secondes, le crayon lévita au niveau de son nez.
Val, la bouche entrouverte, intrigué par le spectacle, finit par demander, d’un air sceptique :
- Il est où le fil ?
James se retourna, le crayon tomba. Il regarda Val, en souriant :
- Justement. Y a pas de fil.
Val recula, tentant de rester rationnel.
- Qu’est-ce que… Tu veux dire que… Non !
- Si !
- Non !
Cette fois-ci, le « non » de Val était plus catégorique.
- Comment tu fais, sérieux, explique !
- Mais y a pas de truc ! se défendit James.
Val était toujours très étonné et très sceptique à propos de ce que James venait de faire.
- Vas-y, lança Chris. Dis-moi n’importe quel objet dans cette pièce. Je vais essayer de le soulever.
- O.K., lança Val. Soulève-moi.
- Hin, hin, gros malin, tu crois que je les soulève, tes quatre-vingt kilos ?
- Beuh, même pas vrai, d’abord.
- Bon, alors, je soulève quoi qui n’excède pas le kilo ?
- Tiens, prends mon livre de cours, lança Val en sortant un manuel d’histoire de son sac. T’as pas pu mettre de ficelle dessus.
James le prit, le plaça sur ses genoux, et s’assit à côté de Val, sur le lit. Il réussit à soulever le livre, et à le poser sur sa commode.
A la fin de la manœuvre, James se retourna vers Val, qui regarder son livre sans bouger. Il finit par le prendre, cherchant un fil tout autour, puis il regarda James, bouche bée.
- Bah, dis quelque chose ! lança James.
Val aspira de l’air, comme s’il allait parler, mais se ravisa.