Par David Descoteaux, de Montréal, Québec
Maintenant, c’est sérieux. Et Mark Carney le sait. Plus le gouverneur de la Banque du Canada parle, plus il plus il devient franc et direct.
Encore une fois, jeudi devant la chambre de commerce de Vancouver, Carney a répété que le marché immobilier canadien commençait à inquiéter.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Selon le Globe and Mail, le prix des maisons a continué à grimper de 13 % même pendant la récession. Le Globe cite également l’Association des comptables généraux accrédités du Canada, qui affirme que l’endettement des ménages a atteint le niveau record de 1 500 milliards de dollars au premier trimestre de 2011. Si on répartissait cette dette également entre tous les Canadiens, une famille avec deux enfants serait dans le trou de 176 461 $.
Une grande part de cet endettement est dû à l’immobilier. La dette immobilière résidentielle au Canada a presque triplé au cours de la dernière décennie, pour atteindre 1 300 milliards $.
Inquiet pour les banques
Mais pour la première fois depuis longtemps, la banque du Canada semble aussi s’inquiéter des risques pour les institutions financières du pays. Vous savez, nos banques si bien réglementées, prudentes et tout… « Les prêts immobiliers représentent plus de 40 % de l’actif des banques du pays, contre environ 30 % il y a dix ans », a dit Mark Carney, qui qualifie cette exposition des institutions financières de « sans précédent ».
« En raison de la position centrale qu’occupent les actifs et passifs immobiliers dans les bilans des ménages et des institutions financières, tout excès dans le secteur du logement pourrait faire naître d’importantes vulnérabilités au sein du système financier. »
Regardez autour de vous. Des « excès » immobiliers, on en trouve à chaque coin de rue. Les « vulnérabilités », elles sont déjà là.
On achète du temps
La Banque du Canada reconnaît au moins son propre rôle dans cette spirale d’endettement, elle qui a maintenu son taux cible entre 0,25 % et 1 % depuis 2009. « Si les mesures de l’accessibilité à la propriété demeurent favorables, c’est en grande partie parce que les taux d’intérêt sont exceptionnellement bas [...] Les taux directeurs à un niveau historiquement bas, même s’ils sont propices à la réalisation de la cible d’inflation, créent leurs propres risques. »
Mais la Banque refuse pour le moment de hausser les taux d’intérêt, se contentant d’affirmer que « les taux ne demeureront pas éternellement à leurs niveaux actuels. »
Quand vont-ils monter? On ne le sait pas. Et c’est la question qui devrait hanter tous les Canadiens. Et qui hante probablement Mark Carney.
Pour éviter la récession, on a poussé les gens à s’endetter, pour continuer à faire tourner la roue. Et ça risque de nous entraîner vers une autre crise. Mark Carney le sait. Comme la plupart des banques centrales et des gouvernements dans le monde, il essaie d’acheter du temps. D’étirer l’élastique le plus possible. Quand celui-ci va briser, ça risque de pincer.
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