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Sept histoires qui reviennent de loin de Jean-Christophe Rufin

Par Lagrandestef

Sept_histoires_qui_reviennent_de_loin.jpgSept histoires qui reviennent de loin .

de Jean-Christophe Rufin .
Gallimard (mai 2011)

163 pages

Nouvelles, France

Résumé

Sept histoires fortes, drôles, émouvantes.

Sept petits romans avec chacun son intrigue, ses personnages, son dénouement inattendu.

Sept lieux du monde, Mozambique, Kirghizie, île Maurice... qui apportent leurs couleurs et leurs parfums.

Sept occasions de donner aux grandes questions contemporaines un visage humain.

Sept instants de vie

Un même bonheur de lecture.

Mon avis


Je ne sais pas si j'ai déjà eu l'occasion d'en parler ici mais Jean-Christophe Rufin fait partie de mes auteurs "chouchous". Je l'ai découvert avec Rouge brésil, puis Globalia, Le parfum d'Adam et dernièrement Katiba que j'avais chronique sur ce blog ICI, et qui furent tous à l'origine d'excellents moments de lecture.

Dans sept histoires qui reviennent de loin , Jean Christophe Rufin quitte le format "roman " pour nous offrir un recueil de nouvelles, d'histoires" ou de petits romans comme il préfère les nommer, car toutes ont un début , une intrigue et une fin.

Exercice de liberté retrouvée, après les années passées à son poste d'ambassadeur de France au Sénégal, ces histoires sont basées sur des faits réels, qu'elles soient très autobiographiques comme Nuit de garde, qui raconte le poids pouvant peser sur les épaules d'un jeune interne d'un hôpital alors qu'il met fin à la vie d'un homme ( en signant le papier de constatation d'un décès) ou s'inspirant de rencontres furtives (comme cette jeune femme africaine rencontrée dans un train et à l'origine de l'histoire 'Train de vie".) Un des fils conducteurs de ces histoires est le voyage, l'évasion :  de Paris aux Alpes Italiennes dans un endroit qui n'existe plus (Le refuge Del Pietro) , de l'Ile Maurice au Mozambique , et le Sri Lanka. Dans "les fiancés de Lourenço Marques", par exemple, c'est la ville de Maputo au Mozambique que nous traversons , en compagnie d'un homme qui fait peut être le trajet le plus important de sa vie (une bien belle histoire d'amour , cf extrait )

Le rapport à la mémoire  est également omniprésent, qu'elle soit individuelle ou collective, et le présent  se confronte au passé, et inversement. Et toujours cette vision extrêmement lucide de notre monde et cette clairvoyance  qui caractérisent Jean Christophe Rufin ,(je vous conseille de lire Katiba, thriller vraiment visionnaire), son désir d'aller aux delà des apparences , de se méfier des évidences et de nous rappeler  la difficulté  à comprendre et juger sans connaître un pays et sa culture ( les histoires "les naufragés et  "Garde Robe" sont remarquables ).
Les personnages rencontrés au fil de ces histoires sont
J'ai également beaucoup aimé le style fluide de Jean Christophe Rufin, ,  tout en finesse, subtil et parfois ironique au service d'une galerie de personnages travaillés profonds. La nouvelle est un exercice qui sied parfaitement à Jean Christophe Rufin car, qui , avec ce livre, conforte sa place de choix dans ma bibliothèque.

Sept histoires qui reviennent de lion et qui m'ont emmenée loin également .

Et pour finir un extrait de la nouvelle " Le fiancé de Lourenço Marques que vous pouvez retrouver en intégralité sur le site de l l'Express

Trois fois j'ai refermé la porte du lodge. Tu te serais moquée de moi, à me voir rentrer et ressortir, vérifiant comme un maniaque que tout était bien à sa place. Il me semblait que les peaux de koudou, sur les murs, étaient mal accrochées, que des taches souillaient les larges planches rouges du parquet... Mais non. Tout est prêt, tout attend que tu arrives. 

Du tertre où est construite la maison, il faut descendre quelques mètres pour atteindre le garage. L'allée se faufile entre deux énormes rochers rugueux, comme des pachydermes grenat, couleur d'Afrique. Ce matin, à cause des orages de la nuit, il flottait sur ce chemin une odeur de bois pourri. La terre rouge encore humide était grêlée des petits trous que les gouttes de pluie avaient creusés à sa surface. Tout alentour, le vert cru des herbes de savane répondait au bleu du ciel matinal. A cette heure-là, de chez nous (chez nous... !), on peut voir jusqu'à la mer. Juste en dessous de la ligne d'horizon se détache au loin la silhouette de la capitale, avec ses immeubles et ses maisons basses. Mais une heure plus tard, quand le soleil est à sa place, c'est-à-dire bien fixe au-dessus des têtes, la lumière recouvre tout de son incandescence. 

J'ai frissonné en montant dans la Land Rover, à cause des banquettes froides sans doute, mais aussi parce que en apercevant la ville au loin, l'idée m'est venue que tu y étais peut-être déjà. 

As-tu souvent pensé, comme moi ce matin, à notre première arrivée ? Sur le pont du cargo qui nous amenait de Durban, nous regardions aussi la ville à l'horizon, mais depuis la mer. Nous avions tout à craindre de la découvrir, car son nom nous avait fait longtemps rêver : elle ne s'appelait pas Maputo à l'époque. Elle portait encore le vieux nom colonial que lui avaient donné les Portugais : Lourenço Marques. Ces deux mots joints nous promettaient de célébrer les noces littéraires et mythiques de Laurent le Magnifique et de Fermina Márquez. Nous aimions l'un et l'autre, Florence et Valery Larbaud. Ce voyage déjà long à travers l'Afrique australe semblait nous mener vers ce point ultime et prédestiné... 

C'était il y a quarante ans et nous en avions vingt. 

Avant de partir, nous avions accompli en Europe cette cérémonie désuète qui, pour ne pas être un sacrement, n'en avait pas moins à nos yeux valeur d'engagement éternel : nous nous étions fiancés. Sur le bastingage souillé de cambouis du cargo, quand je pressais ta main fine, je sentais avec bonheur la bague que je t'avais offerte. Elle était ornée d'un diamant, petit comme nos moyens d'étudiants mais solide, brillant et aussi incorruptible que notre amour......
suite sur le site de L'Express


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L'auteur
Acteur engagé de la vie internationale, Jean-Christophe Rufin a dirigé plusieurs grandes organisations humanitaires. Il est aujourd'hui ambassadeur de France au Sénégal. Ces expériences ont inspiré une œuvre riche, essais (Le Piège humanitaire, Un léopard sur le garrot) et romans (L'Abyssin, Rouge Brésil, Goncourt 2001, Le Parfum d'Adam). Il a été élu à l'Académie française au fauteuil d'Henri Troyat en 2008.

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