Sophie-Julie Painchaud
Série Racines de faubourg tome 3
Guy Saint-Jean éditeur
320 pages
Résumé:
Après le chaos des années 1970, le temps est venu pour Paul-Émile, Jean, Adrien et Patrick d’accepter les faits et de prouver que le passé, tout comme le présent, ne leur fait plus peur. Ils entrent donc dans la décennie suivante avec calme et sérénité. Malgré des chemins les ayant menés très loin de leurs racines, à l’aube de la cinquantaine, les quatre amis découvrent que l’âme du faubourg à mélasse ne les a jamais quittés; les années n’ont en rien atténué ce qui, malgré les joies et les peines, les définit foncièrement depuis toujours: leur amitié. C’est avec Le retour, ce troisième tome de la série Racines de faubourg, que s’achève le récit de la vie de quatre hommes ayant grandi dans le quartier montréalais du faubourg à mélasse. Narrateurs à tour de rôle, chacun racontant les péripéties de l’autre, ils sont témoins des événements marquants de l’histoire du Québec tout en fabriquant leur propre histoire personnelle. Quatre hommes au regard vieilli, au visage ridé et au dos courbé continuent de raconter. Pour ne pas oublier. Pour ne pas être effacés par le temps. Pour prétendre, ne serait-ce que quelques instants, qu'ils vivront éternellement dans la mémoire de rues disparues depuis longtemps.
Mon commentaire:
Troisième et dernier volume de la trilogie Racines de faubourg, nous retrouvons Patrick, Paul-Émile, Jean et Adrien pour un dernier retour sur leur passé. Les années les ont façonnés, modifiés, ils ont évolué et ils nous racontent la façon dont ils affrontent maintenant le dernier tiers de leur vie. Des années 80 jusqu'en 2006, à tour de rôle ils confient leur perception des moments clés de leur existence. Leurs choix, leurs idées, leur façon de se construire. Plus âgés, alors que la majorité de leur vie est derrière eux, les quatre hommes liés par une amitié qui a traversé vagues et marées, doivent faire la paix avec leur passé et renouer avec leurs racines du faubourg à mélasse.
Ce dernier volume clôt de belle façon la trilogie. Il présente beaucoup de références politiques et culturelles, en plus de nous offrir un retour en arrière sur la petite histoire des québécois. C'est à l'évolution du Québec que nous assistons en parallèle à celle, plus personnelle, de Paul-Émile, Adrien, Patrick et Jean. Ce troisième tome est lourd d'émotions pour les quatre personnages qui vivront de nombreux rebondissements, toujours en lien avec leur enfance et les choix qu'ils ont faits tout au long de leur parcours. Il est maintenant temps pour chacun de faire face aux événements qui les poussent à changer et qu'ils ne contrôlent pas forcément. Chacun d'entre eux doit affronter la vie, la mort, leurs erreurs, leur passé, leurs familles respectives (ou ce qu'il en reste), mais surtout, ils constatent que leurs racines ancrées dans le faubourg à mélasse n'ont jamais pris autant d'importance qu'aujourd'hui.
Racines de faubourg: le retour est un roman très émouvant qui n'est pas nécessairement facile pour les quatre personnages. Ils sont à l'heure d'une mise au point. Si pour certains les dernières années leur offre des bonheurs qu'ils n'ont jamais connus, pour d'autres le passé prend une plus grande place et viendra à bout d'une existence parfois amère et difficile. C'est avec regret que l'on quitte quatre personnages profondément humains qui ont voyagé à nos côtés pendant trois tomes. Imparfaits, ils le sont certainement, mais humains et sincères, soucieux de laisser une trace de leur passage ici-bas, ils s'offrent à nous avec beaucoup de franchise. Sophie-Julie Painchaud a fait de ses personnages des gens vivants, réalistes, des personnages qui peuvent tout à fait exister tant ils sont ancrés dans notre réalité. Son analyse du sentiment humain, des réactions aux événements et de la façon dont on tente de se créer une vie à notre image en évitant les écueils passés et les espoirs familiaux est d'une étonnante lucidité.
Une trilogie humaine, qui présente une profonde analyse des choix que nous faisons dans la vie et de leurs conséquences sur toute une existence. Mais surtout, Racines de faubourg est l'histoire d'une belle amitié qui, malgré les années, les déchirements et les choix de chacun, est plus forte que jamais.
Quelques extraits:
"À tort ou à raison, j'ai toujours cru qu'un homme ou une femme, peu importe l'âge, ne sont jamais aussi enfants qu'à la mort de leurs parents. Que ce soit les beaux souvenirs qui refont surface, ou encore une longue amertume qui, sous le coup du choc, n'est plus refoulée, chacun d'entre nous prend peur, paralyse et voudrait que quelqu'un, qui que ce soit, prenne notre main en nous disant ce qu'il faut faire." p.28
"Il vient un temps où les racines ayant fait ce que nous sommes deviennent plus un boulet qu'autre chose. Et sans jamais les renier, il peut être bon, voire nécessaire, de les laisser derrière." p.136
"La mort n'est pas la plus grande perte dans la vie; la plus grande perte, c'est ce qui meurt en nous pendant que nous sommes encore vivants." p.254
En complément:
Dans la trilogie Racines de faubourg, le quartier du faubourg à mélasse est au centre de toute l'histoire, les personnages y puisant leurs racines. Du 15 juin 2011 au 25 mars 2012, le Centre d'histoire de Montréal présente l'exposition-documentaire Quartiers disparus. Cette exposition s'inscrit directement dans l'esprit du roman de faire revivre un quartier autrefois populaire et me semble un bon complément à la lecture de Racines de faubourg. Bonne visite!