Fraîchement édités, les nouveaux manuels de science et vie de la terre de classe de Première reprennent la théorie du genre : une vision particulière et contestée de la sexualité humaine.
A première vue, rien n’apparaît explicitement de la théorie du genre quand on feuillette les manuels de SVT (1) qui seront utilisés par les lycéens de Première S, ES et L dès la rentrée prochaine. La théorie du genre, nouvelle explication du monde sexué des êtres humains n’est pas citée.
Mais tous les éléments y sont. Qu’est-ce que la théorie du genre ? Au risque de réduire un débat complexe, on peut comprendre la théorie du genre (ou gender studies), née aux États-Unis dans les années 1970, comme séparant le sexe (homme ou femme) du genre (masculin ou féminin).
En résumé, l’identité sexuelle serait purement physique, biologique et publique, quand le genre relèverait de l’ordre de l’orientation sexuelle, liée à l’appréciation personnelle et à l’influence des relations sociales. Pour les partisans de cette théorie, ce dédoublement induit, plusieurs possibilités présentées comme un choix : hétérosexualité, homosexualité, bisexualité, transsexualité.
La question devient épineuse quand elle est présentée dans les manuels scolaires : « C’est une question d’honnêteté intellectuelle : considérer une théorie comme une donnée scientifique, c’est de l’idéologie », explique le philosophe Fabrice Hadjadj.
« En classe de Première, on aborde la définition homme/femme. Il s’agit principalement d’évoquer la dimension biologique de la détermination sexuelle dès la phase embryonnaire », se défend Jean-Michel Blanquer, directeur général des programmes scolaires de l’Éducation nationale, pour qui les sciences humaines font partie de l’enseignement et prêtent normalement à débat. « En complément, le programme évoque la dimension sociologique de la différenciation sexuelle », poursuit-il.
À la lecture de deux des ouvrages, les associations familiales catholiques (AFC) dénoncent « une espèce de fausse liberté qui invite à choisir son ‘orientation sexuelle’ à un âge où les repères structurants manquent ». Elles rappellent que le statut scientifique conféré à la théorie s’appuie sur « des postulats pourtant très débattus ».
Notamment par l’Église catholique. Déjà, en novembre 2007, lors de leur assemblée à Lourdes, les évêques de France avaient approché cette problématique. Considérant la sexualité humaine comme un don, l’anthropologie chrétienne s’oppose à cette théorie et affirme la différence, la complémentarité et l’égalité des sexes.
Depuis le cri d’alerte lancé par les AFC (2), les réactions s’enchaînent. Côté politique, Christine Boutin ( Parti Chrétien-Démocrate) a demandé le retrait et la correction des livres de SVT. Avec pragmatisme, Claude Berruer, adjoint au secrétaire général de l’Enseignement catholique, incitait les équipes éducatives à réfléchir au sujet plutôt que de l’écarter : « Le problème de fond ne vient pas des manuels mais des programmes, tempère Claude Berruer.
La théorie privilégie le ‘genre’, considéré comme une pure construction sociale, sur la différence sexuelle. Elle se diffuse dans notre environnement. Il est indispensable d’ouvrir le débat avec les lycéens sur cette question. » Un débat loin d’être clos.
(1) Pour cet article, sept manuels de SVT, 4 de ES-L et trois de S ont été analysés. Le débat se cristallise autour du chapitre « Devenir homme ou femme » de la partie « Féminin masculin » du nouveau programme, commun à toutes les séries de la classe de Première (S, ES et L).
(2) Les AFC font également circuler une pétition et ont établi une sélection des reprises web sur leur pétition pour la défense de la liberté de conscience à l’école.
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