Le Saint-Denis des Bourbons
Au milieu des prairies encloses du bocage bourbonnais, l'un des grands prieurés de l'Abbaye de Cluny vit une véritable renaissance. Ce superbe ensemble abbatial, avec sa fameuse colonne du zodiaque, a fait l'objet d'une opération " Grand Site National ".
L'ensemble prieural de Souvigny ( XIè - XVè et XVIIIè siècles ) donne l'une des images les mieux conservées du rayonnement spirituel et de la splendeur artistique de l'ancienne congrégation de Cluny qui possédait plus de 1.000 établissements au XIIè siècle. Souvigny, parmi eux, comptait au rang des " Cinq Filles " de Cluny.
En 916, Aymard, lieutenant du Duc d'Aquitaine, cède sa terre de Souvigny aux moines de Cluny. Par ce geste, il assure à l'ancienne villa carolingienne un destin hors du commun. Les moines s'y établirent donc au Xè siècle, sous la protection des premiers Sires de Bourbon. Autour du monastère, les descendants d'Aymard forgent un Etat qui allait devenir le duché du Bourbonnais, aux confins de l'Auvergne, du Berry et de la Bourgogne.
Les saintetés de Mayeul et d'Odilon, bientôt réunies dans le même tombeau, attirent à Souvigny de nombreux pèlerins et le plus ancien des prieurés de Cluny, comblé de bienfaits, connaît alors une extension considérable.
En 1173, le prieuré clunisien de Souvigny est au bord de la ruine. Mauvaise gestion, impôts injustes et abusifs, rentes et emprunts non remboursés ont dilapidé ses fonds. Sous l'abbatiat d'Aimeric ( 1183 - 1206 ), la situation s'est assainie et un retour à la prospérité a permis l'achat de terrains, d'un moulin et la construction d'une salle capitulaire.
C'est à ce moment, semble t-il, que le sacristain Bernard fit faire " un livre très précieux contenant l'ancien et le nouveau testament ". ( Preciosissinam historiam continentem novum et vets Testamentum ). L'historia qu'a fait faire Bernard est très vraisemblablement la Bible de Souvigny, une grande Bible en un seul volume, appelée parfois " pandectes " au haut moyen âge, du grec " qui comprend tout ". La taille monumentale des pandectes confère au volume une présence, un caractère vénérable et solennel.
Les Bourbons, ancêtres des rois de France, choisirent Souvigny comme sépulture. Aux XIVè et XVè siècles, le monastère subit alors de nouvelles transformations, lorsque Louis II et Charles Ier décidèrent de faire de ce sanctuaire leur nécropole.
L'église Saint-Pierre - Saint-Paul, romane et remaniée à l'époque gothique, témoigne de cette histoire prestigieuse : " tombeau de Saint-Mayeul ", chapiteaux végétaux, à entrelacs ou historiés, chapelles funéraires et gisants des Ducs de Bourbon...
L'église prieurale
La façade de l'édifice roman, dont ne subsiste que la porte gauche, est depuis le XVè siècle précédée d'un avant-corps percé d'un portail et d'une large baie flamboyante. Au centre de la façade, les trois travées romanes appartenaient à l'édifice primitif consacré en 1604. Le flanc nord permet de suivre les différentes étapes de construction de l'église : les tours, le deuxième bas-côté et le déambulatoire au XIIè siècle, la partie supérieure de la nef et les transepts au XVè siècle.
L'intérieur surprend par ses grandes dimensions : 87 mètres sur 28. Les doubles bas-côtés entourant la nef, le double transept soulignent l'influence de Cluny. Les premiers bas-côtés, élevés au XIè siècle, sont très étroits et voûtés en berceau, tandis que les seconds, postérieurs, sont voûtés d'arêtes et d'ogives.
A l'intérieur, on peut y découvrir le tombeau de Saint-Mayeul, le chapiteau des moines monnayeurs rappelant l'ancien privilège du prieuré de battre la monnaie, un fragment de tombe d'évêque du XIIIè siècle, bas-relief de l'Immaculée Conception, armoires à reliques en pierre du XVè siècle fermée par quatre volets de bois orné de peintures consacrées aux vie de Saint-Mayeul et Odilon.