Par Fritz Deshommes, vice-recteur à la recherche Université d'Etat d'Haiti
Introduction de l’ouvrage "Salaire minimum et sous-traitance en Haiti", que signe l’auteur ce 3 juin à la foire Livres en Folie
Le débat sur le salaire minimum s’est arrêté sur un profond malaise. Un vote du parlement dont la légitimité est contestée. Des discussions dont plusieurs protagonistes estiment qu’elles ont été escamotées. La carence de données pertinentes et convaincantes. Le sentiment que la décision finale des 125 gourdes pour la sous-traitance résulte beaucoup plus de tractations politiciennes et des sempiternels rapports de forces entre oligarchie et nation que d’un compromis raisonnable.
Reprenons les faits. Tout le monde admet que les 200 gourdes de salaire minimum légal journalier constituent un minimum, un pis-aller, un pas dans la bonne direction. Tout le monde : du chef de l’Etat aux ouvriers en passant par les patrons, le Ministère des Affaires Sociales, les sénateurs, les députes, le pro et contre 200 gourdes.
En la circonstance, deux interrogations apparaissent :
La première interrogation a été abordée en ce qui a trait à l’assemblage. Plusieurs tentatives ont été faites pour trouver des informations éloquentes qui permettraient d’y répondre avec certitude. Quels sont les revenus du secteur ? Les charges supportées ? Les revenus engrangés ? L’adoption du salaire minimum de 200 gourdes ne ferait-elle que réduire les marges de profit dans une mesure telle que le secteur garderait toute sa rentabilité ? Ou est-elle susceptible d’en provoquer la ruine et de décourager de nouveaux investisseurs ?
Jusqu’ à ce jour, la réponse n’est pas claire. Les patrons affirment péremptoirement que les 200 gourdes ne sont pas supportables mais se refusent à fournir les éléments d’appréciation. Le chef de l’Etat a pris fait et cause pour les employeurs mais sur la base beaucoup plus d’une crainte de perte éventuelle d’emplois que d’une conviction établie par des chiffres pertinents.
La Chambre des Députes qui est revenue sur son premier vote a pourtant reconnu que « l’analyse des 20 documents mis à la disposition de la délégation [de la Chambre des Députés] ne l’ont [sic] pas permis de valider ou de rejeter les dites objections [du Président de la République] car les états financiers analysés ne permettent pas de mesurer la rentabilité des entreprises [1] ».
Il existe donc un besoin réel de maîtrise des données économiques et financières sur la sous-traitance dont le discours officiel fait pourtant le moteur de l’économie nationale.
Le présent travail se propose d’identifier, de rechercher et d’analyser toutes les données disponibles relatives à la sous-traitance dans la perspective de répondre à l’interrogation : la sous-traitance peut-elle supporter un salaire minimum de 200 gourdes tout en demeurant rentable ?
Sources d’information
Le refus des autorités et acteurs concernés à fournir les renseignements pertinents nous oblige à nous lancer dans une véritable quête de vérité. Toutes les sources possibles sont utilisées en la circonstance : entrevues personnelles de l’auteur avec des ouvriers et des patrons, articles parus sur la question dans la presse écrite, conventionnelle et électronique, reportages radiophoniques, bulletins et rapports d’organismes publics comme l’IHSI et la BRH. Sans compter des documents émanant du secteur patronal dont :
Bien entendu nous nous sommes évertués à aiguiser notre vigilance critique dans l’utilisation des données car la plupart des sources mentionnées comportent leur part de subjectivité, d’intérêts particuliers.
Par exemple, les deux derniers documents mentionnés nous ont été d’une grande utilité. Ils contiennent de précieuses indications sur les critères de rémunération, la masse salariale, les coûts variables, les coûts fixes, les revenus, les bénéfices, la productivité, etc.… du secteur de l’assemblage. Le hic est qu’ils ont été produits ou commandités par l’ADIH et ses membres en pleine bataille contre les 200 gourdes de salaire minimum. On peut assumer valablement que les informations fournies directement ou indirectement ont été « monitorées » dans la perspective de cette bataille. Il est opportun de rappeler à ce sujet que :
Par contre, même quand les conclusions de l’étude du « SMG » accréditent la thèse des patrons de la sous-traitance, ces derniers ne s’en sont pas servis pour convaincre l’opinion publique. Pourtant, ils ont acheté des pages entières de journaux de la place pour diffuser des informations sur la République Dominicaine. Se pourrait-il que l’étude du MSG pourrait révéler des informations qui ne leur conviennent pas, en dépit de ses conclusions ?
Nous avons donc utilisé cette étude en connaissance de cause, de manière critique.
La même prudence s’applique aux entrevues, soit personnelles, soit radiophoniques, réalisées avec des patrons et des ouvriers.
Chaque fois qu’il est possible, nous faisons appel à des sources indépendantes pour réduire autant que possibles les biais. Il est vrai que les rapports de l’IHSI et de la BRH contiennent très peu de renseignements spécifiques sur le secteur.
Aurons-nous ainsi atteint la vérité dans son expression dernière ? Certainement pas. Il se peut que beaucoup d’éléments nous échappent encore. Il se peut que nos conclusions soient erronées. Mais nous aurons au moins fait reculer les limites de l’opacité. A charge par ceux qui disposent d’informations plus exactes de les fournir. Nous serons ainsi mieux armés pour aborder la problématique de la sous-traitance.
Organisation du Travail
Le travail est organisé en 4 sections :
[1] Rapport de la Commission des Affaires Sociales de la Chambre des Députés sur le Salaire minimum, Aout 2010
[2] Benoit découvre le pot aux roses. Le Nouvelliste du 16 juillet 2010
[3] Fritz Deshommes, “Banquiers et Hommes d’Affaires d’Haïti, vus par eux-mêmes », in « Vie Chère et Politique Economique en Haïti », 1992
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