Les producteurs de cinéma appuyés par le ministère du travail proposent d'imposer aux techniciens une nouvelle grille de salaire pour les films dont le budget est de moins de 4 millions €.
Cette nouvelle grille finalement assez simple pose comme principe que chaque ouvrier et technicien employé serait payé 500€ brut par semaine…”
Si la convention collective n'est pas reconduite avant la fin de l'année, les annexes 8 et 10 pourraient disparaître, les professionnels quitteraient le statut d'intermittents et dépendraient alors du statut des intérimaires…
La nouvelle convention d'assurance chômage signé le 6 mai 2011, suite à un accord inter-professionnel signé le 25 mars 2011 (sauf par la Cgt) entre les confédérations de salariés et les confédérations patronales entre en vigueur le 1er juin 2011 et sa durée de validité se termine le 31 décembre 2013.
Cette convention à reconduit les annexes 8 et 10 actuelles reconduites années après années dans l'attente de l'aboutissement de la négociation et sans difficultés particulières…
Quel cinéma voulons-nous ?
La lettre , éclairante, adressée par l'association des monteurs (LMA)au Ministre de la Culture à l'occasion de la Fête du Cinéma.
“Au Festival de Cannes cette année le cinéma français était particulièrement bien représenté, et tous nous nous en sommes félicités. Et pourtant combien parmi les 12 films sélectionnés (au Festival officiel, à la Quinzaine des Réalisateurs et la Semaine de la Critique, et sans compter les co-productions françaises) se sont réalisés avec un budget suffisant ?
Sur combien de ces films les techniciens ont-ils été payés à -10 , -20, voire -50 % du salaire « minimum » conventionnel ?
Aujourd'hui techniciens et réalisateurs « co-produisent » le cinéma du milieu et celui d'en dessous - celui qu'on montre dans les festivals, celui qu'on nous envie dans bien des pays, et auquel nous tenons - avec quelques producteurs et distributeurs indépendants et à l'aide des fonds publics. Depuis x années, les salaires « minimums » sont officiellement revalorisés mais dans les faits ils ont très fortement baissé sur plus de la moitié des films français.
Dans le même temps le régime spécifique d'assurance chômage, mis en place à l'origine pour permettre aux techniciens et artistes intermittents du spectacle de « vivre » entre deux contrats de travail (et de rester ainsi « à la disposition » des employeurs du secteur) a été fortement mis à mal.
Pourquoi acceptons-nous de travailler à des salaires insuffisants pour vivre l'année entière, avec la précarité comme épée de Damocles et une retraite misérable comme horizon certain?
Pourquoi acceptons-nous d'être mis en concurrence à la baisse et laissons-nous exploiter les nouveaux entrants dans le métier?
Les salariés du cinéma doivent-ils co-financer la diversité cinématographique de notre pays ?
Le cinéma est à la fois une industrie et un art. L’une se nourrit de l’autre, c'est cela la richesse et la diversité du cinéma. Il doit pouvoir offrir au spectateur d’aujourd’hui et demain des films singuliers, des visions du monde qui échappent au formatage, à la pensée unique.Chaque film est un prototype. Il y a de la place pour tous.Le Public n’existe pas, il y a des publics, des personnes qui ont des goûts, des sensibilités et qui ont besoin de nourrir leurs imaginaires, de penser, de rêver.
Nous sommes réalistes.
Nous savons qu'aujourd'hui un producteur qui a « écumé » tous les guichets de financement n'arrive souvent pas à réunir un budget suffisant pour produire normalement le film à venir. Pour autant, il ne semble pas juste que nos salaires finissent toujours par être la variable d'ajustement.
Nous savons que sur les plus de 200 films produits chaque année, bien peu atteindront un nombre d'entrées suffisant pour être considérés comme rentables, compte tenu entre autres de l'occupation des écrans par quelques blockbusters.
Produit-on trop de films? Pour un succès cette année comme celui de Tomboy, produit à très petit budget, combien d'autres n'auront pas trouvé leur public?
Et pourtant voudrait-on se priver de ce petit miracle?
La rentabilité ne peut pas être toujours au rendez-vous.
Mais qui joue le jeu ?
Les diffuseurs sont devenus les financiers incontournables des films, les banques et les Sofica règlent ce « marché ». Les grands groupes de distribution régentent les écrans et ne donnent pas aux films le temps d’être vus, découverts. Après la culture du zapping et l’audimat qui fabriquent les programmes du petit écran, c’est la valse des films éjectés des grands écrans au nom des chiffres. Les salles indépendantes ont du mal à se maintenir.
Nous nous félicitons de la récente réforme des aides CNC, concernant notamment l'attribution du fonds de soutien aux producteurs délégués, réforme initiée par les travaux du Club des 13, et qui devrait redonner des moyens et de l'espoir à nombre de sociétés de production. Mais nous, salariés du secteur, souhaiterions ne pas être exclus de cette amélioration possible des conditions de production des films français et c'est pourquoi nous pensons indispensable et urgent d'aboutir enfin une réelle convention collective de la production cinématographique, respectueuse de ceux qui produisent les films comme de ceux qui les fabriquent.
Convention qui ne règlera pas tout bien-sûr, mais comment espérer un “mieux” sans règlementation pérenne de nos professions, si seule la loi du plus fort, du plus gros, du plus consensuel, du moindre effort, reste en vigueur ?
Les propositions actuelles ne nous semblent pas satisfaisantes car elles ont toutes les chances de creuser encore le fossé entre petit et gros cinéma, sans amélioration réelle de nos salaires et conditions de travail.
La discussion sur la convention collective est indissociable de celle du financement du cinéma, et c’est pourquoi nous demandons au Ministre de la Culture d’assumer sa mission : la Culture.
L’argent est là, il faut réinventer les formes d’une juste répartition du financement des films et les pouvoirs publics doivent s’y engager sinon à quoi bon prétendre défendre l’exception culturelle au niveau des instances européennes et internationales.“