Amorphis – The Beginning of Times

Publié le 17 juin 2011 par Darksroker

En 2009, Amorphis publiait un album qui fera probablement date dans le metal mélodique : Skyforger. Le disque, rempli de tubes tous plus efficaces les uns que les autres, montrait un Amorphis prêt à en découdre avec le monde entier, qui s’est incliné devant tant de talent : dix titres, dix réussites, et plusieurs véritables tueries – le point d’orgue d’une carrière commencée en 1991 Dans la lancée de ce succès, le groupe a publié une compilation d’anciens morceaux réenregistrés avec le nouveau line-up ainsi qu’un live fort convaincant. Que demande le peuple ? Et bien le peuple demande un album tous les deux ans, et après un tel succès tant musical que critique, on avait bien du mal à imaginer comment le gang d’Helsinki allait pouvoir présenter un travail convaincant. Nous voilà maintenant avec The Beginning of Times dans les oreilles. L’album a-t’il a rougir de la comparaison avec son déjà illustre prédécesseur ?

Son Pour être honnête, à l’écoute des premiers morceaux publiés de The Beginning of Times, j’étais un peu hésitant, voire méfiant. You I Need et son lick de clavier (par ailleurs trop long) sonnait comme une tentative de reproduire l’exploit Skyforger sans vraiment y parvenir, et My Enemy souffrait un peu du même syndrome, malgré les couplets death réussis. Fort heureusement, ces deux morceaux ne sont ni les meilleures compositions ni les plus représentatives de l’album, dont les deux points forts se situent exactement là où Skyforger pouvait être battu.Dans Skyforger, chaque chanson était un petit écosystème remarquable de catchiness, mais distinct des autres. Ici, non seulement les morceaux donnent à l’ensemble du disque une atmosphère posée et poétique, mais Amorphis se permet d’explorer d’autres chemins de compositions, dans un esprit -oserais-je le dire ? – parfois progressif. L’atmosphère est posée par le clavier, plus présent que d’habitude, souvent avec un son de piano – qui avouons-le, est un instrument qui peut rendre n’importe quel morceau plus doux et joli- mais parfois en orgue électronique ou en flûte, voir en nappes symphoniques. L’utilisation plus marquée de la guitare acoustique montre également cette diversité ainsi que ce petit côté prog -  le meilleur exemple en est Song of the Sage, doté de breaks folks dont le phrasé et les sons rappellent Jethro Tull. Mais il ne faudrait pas oublier Crack in a Stone, au couplet asymétrique et assez casse-figure à la première écoute, ou Soothsayer, au bridge subtil et à l’ambiance légèrement orientale. Qu’en est-il de la section rythmique au milieu de tous ces éléments mélodiques ? Le jeu de batterie est varié et efficace, ce qui permet des nuances rythmiques appréciables – là encore, Battle For Light et son dernier refrain à la double pédale se montre programmatique du reste de l’album. Si l’on ne notera pas réelle prouesse technique, Jan Rechberger fait bien son travail. La basse est peu entendue sauf dans le morceau-titre, The Beginning of Times, où elle surgit à niveau égal avec la guitare – sympathique mais étonnant, d’autant plus que les parties de basse d’Amorphis ne sont pas ennuyeuses, loin de là. Il s’agit d’une constante regrettable dans le metal : les bassistes sont moins entendus que le reste et c’est comme ça. Dommage

Les morceaux sont moins directs et accessibles que sur l’opus précédent : même Mermaid, probablement un des plus tubesques de la galette, voit les instruments arriver au fur et à mesure du premier couplet, et le riffing se modifier en conséquence. Nous sommes d’accord, la méthode est loin d’être révolutionnaire, mais cela nous change tout de même des morceaux de Skyforger qui pour la plupart étaient sur des rails bien définis dès les premières mesures du morceau (cf Sky is Mine, ou comment faire un tube avec un riff pendant quatre minutes). Que les fans de mélodies se rassurent malgré tout : Amorphis n’a pas abandonné son talent de composition et son sens de la mélodie qui atteint là encore un niveau impressionnant – le refrain de Battle For Light est un bel exemple de cet esprit poétique présent tout au long du disque, tout comme le lick de guitare de Reformation, aérien et diablement efficace. Et, au milieu de toutes ces réussites, finalement, You I Need devient un morceau attachant et se dévoile dans toute sa valeur – car ne nous y trompons pas, c’est un bon morceau, mais son côté très single le rendait effrayant à l’époque où il n’était … qu’un single, justement. Quant à ceux qui ne sont pas sensibles à cette atmosphère plus subtile, il leur restera toujours Escape, une petite bombe métallique qui est sûre de faire des ravages en live.

Chant et textes Tomi Joutsen est probablement ce qui est arrivé de mieux à Amorphis. Sa voix claire est unique et fort belle, son chant heavy ressort bien et son growl est professionel. L’étendue de ses talents est largement exploité dans The Beginning of Times, où le chant death fait un certain nombre d’apparitions – il n’est qu’à voir le premier morceau pour s’en rendre compte : dans Battle For Light, nous avons droit aux trois types de chant : clair et death en couplet, death dans les passages agressifs, clair et heavy pendant le refrain. Les overdubs vocaux sont utilisés à plusieurs reprises sur le disque pour mettre à profit ces registres. Le chanteur à dreads (comparé à Jack Sparrow sur FB …) est de plus secondé à plusieurs reprises par une voix féminine, celle de Netta Dahlberg (Mermaid, Soothsayer), une première pour Amorphis à ce que je sache, qui là encore contribue à l’atmosphère plus posée et adoucie du disque.

Les paroles sont une fois de plus inspirées du poème narratif mythologique finnois, le Kalevala. Les thèmes sont donc dans la droite ligne de Skyforger : la création du monde et l’histoire du personnage de Vanaimonen, personnage principal de l’oeuvre – le premier habitant de la Terre. On ne trouvera donc que très peu de matière à extrapoler sur les paroles et les thèmes (à part peut-être dans Reformation), contrairement à un Dark Tranquillity par exemple. S’il n’y a pas de trouvailles frappantes dans les textes (je suis encore sous le choc de la phrase “slowly turns the key of Time in the lock of promises broken” dans My Sun de Skyforger), Joutsen leur rend malgré tout justice par sa technique vocale – et en prenant pour inspiration un poème narratif, il est difficile de ne pas faire également du narratif …

Impression Les membres d’Amorphis sont des musiciens compétents et des gens intelligents. Ils ont compris que pour refaire un disque appréciable et apprécié, il fallait frapper là où leur précédente offrande ne s’aventurait pas : plus de death, plus de prog, et, paradoxalement, une approche plus posée. Hélas, le disque reste un cran en-dessous de son prédécesseur, ce qui est d’autant plus frustrant qu’il avait les moyens de l’égaler.  En effet, s’il y avait un aspect de Skyforger à reprendre, c’était son rapport entre qualité et quantité. Avec douze titres plus un morceau en bonus, la tracklist de the Beginning of Times est un peu trop touffue. On a Stranded Shore est à mon avis dispensable, et Three Words donne dans le même registre que Reformation en moins bien … Le nombre de pistes amène aussi des répétitions formelles qui font toujours un peu mal. C’est probablement le seul vrai péché de ce disque, qui se révèle malgré tout fort convaincant. S’il n’est pas au même niveau que Skyforger, The Beginning of Times montre des facettes d’Amorphis que je préfère ainsi qu’une maîtrise qui fait toujours plaisir à entendre. En conclusion, un bon disque, qui, malgré quelques défauts, montre un groupe doué et qui peut encore surprendre. Reste la question … Mais comment vont-ils s’en sortir avec le prochain album ?


© Chozodragon pour OmniZine - L'omni-webzine des omnivores de la culture, des sports et de la geekitude !, 2011. | Permalien | Pas de commentaire