« Alors que la situation de la SCI était irrémédiablement compromise, l’octroi par l’UCB d’un prêt de 381 122, 54 euros à la société constitue une faute caractérisée, que si l’UCB s’était réellement informée de la santé financière de la SCI avant de lui consentir le prêt litigieux, elle aurait découvert le très important endettement de celle-ci et aurait refusé son concours […] Que devait dès lors impérativement faire la banque? Elle devait cesser d’entretenir ses concours et dénoncer ceux-ci. Elle ne l’a pas fait ; que ceci caractérise une faute de sa part […] La procédure de redressement judiciaire a de toute évidence été retardée, [ce qui a] donné des espoirs de règlements tour à tour aux protagonistes […] La banque qui a fautivement retardé l’ouverture de la procédure collective de son client est tenue de réparer l’aggravation de l’insuffisance d’actif qu’elle a ainsi contribuée à créer » (arrêt de la Cour de Cassation du 11 mai 2010).
A de nombreuses reprises, les tribunaux ont condamné des banquiers qui ont consenti des crédits à des entreprises dont la situation était « irrémédiablement compromise ». Cette jurisprudence est justifiée : le débiteur en grande difficulté n’est pas psychologiquement capable de refuser un crédit supplémentaire qui lui fait gagner du temps avant son dépôt de bilan ; le banquier gagne aussi du temps dans la constatation de sa perte, mais il aggrave alors l’endettement de son débiteur. La faute de « soutien abusif » est donc à juste titre sanctionnée par les tribunaux.
Ces principes sains devraient être appliqués aux crédits à des Etats. Le traité de Maastricht allait d’ailleurs plus loin : son article 104 stipule qu’ « il est interdit à la BCE et aux banques centrales des Etats membres […]d’accorder des découverts ou tout autre type de crédit aux institutions ou organes de la Communauté, aux administrations centrales […] des Etats membres ». Toutefois, son article 103 prévoyait que « lorsqu’un Etat membre connait des difficultés ou une menace sérieuse de graves difficultés, en raison d’événements exceptionnels échappant à son contrôle, le Conseil, statuant à l’unanimité sur proposition de la Commission, peut accorder, sous certaines conditions, une assistance financière communautaire à l’Etat membre concerné ».
Les difficultés de la Grèce sont dues à la gestion laxiste de son gouvernement, et non à des « évènements exceptionnels échappant à son contrôle ». A partir du moment où ce pays doit emprunter à plus de 20 % l’an, sa situation est clairement « irrémédiablement compromise ». Dés lors, la faute de « soutien abusif » pourra être reprochée aux gouvernements qui veulent augmenter leurs crédits à ce pays afin de retarder l’échéance du défaut de paiement. L’Allemagne et les dix autres pays européens qui la suivent ont raison de refuser des crédits supplémentaires à la Grèce et de demander la « restructuration » de sa dette, c’est-à-dire la constatation de sa situation irrémédiablement compromise.
Si des crédits supplémentaires étaient cependant accordés à la Grèce, les contribuables qui devront payer le supplément de pertes causé par ces crédits seront en droit de réclamer réparation aux dirigeants responsables de ce soutien abusif.
Alain Mathieu, président de Contribuables Associés
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