Ce 12 juin, on peut dire que ce fut un Lohengrin en état de grâce, ce qui au fond convient bien au personnage...
Les conditions de production sont particulières: le Palais des Arts est une salle de concert dont l'espace scénique est aménageable, et qui a une fosse. Ce qui veut dire qu'on y donne essentiellement des concerts, mais qu'on peut y voir aussi des ballets, et aussi des opéras. Les productions doivent tenir compte des particularités du lieu: décors à combiner avec l'architecture de la salle, utilisation fréquente de la vidéo, pas de dégagements, pas de profondeur, mais des contraintes d'utilisation (en hauteur, on utilise les balcons de l'auditorium par exemple), et les décors sont adaptés autant que faire se peut au décor de la salle, ce fut le cas l'an dernier, c'est encore le cas cette année dans une production signée László Marton, assez sage, qui représente un monde militarisé (en uniformes bien connus des ex-pays de l'Est) que l'arrivée de Lohengrin démilitarise (chemises aux couleurs criardes). Rien de révolutionnaire dans cette vision, mais la production a l'avantage (par rapport à celle de Tristan l'an dernier) d'être lisible et esthétiquement assez propre (belle entrée d'Elsa, de la salle, en voile noir par exemple). Mais ce qui frappe d'emblée c'est la qualité imprimée par les choix musicaux: l'orchestre est remarquable de netteté, de finesse, de dynamique. La direction d'Adam Fischer est très équilibrée, laissant se développer le son et le symphonisme, faisant bien apparaître tous les pupitres, isolant les cuivres au deuxième balcon, ce qui élargit l'espace sonore. Il y a des moments proprement impressionnants (final du deuxième acte, d'une belle tension avec l'utilisation somptueuse du grand orgue de la salle!). Cela confirme l'opinion que j'ai depuis longtemps d'Adam Fischer, un chef un peu négligé quelquefois notamment en France, qui a d'éminentes qualités de raffinement et d'intelligence musicale, très classique dans son approche mais toujours impeccable. En tout cas ce soir, ce fut tout simplement grandiose.
Des deux autres protagonistes, le héraut de Michael Nagy avec son très beau timbre chaleureux, sa puissance, ses qualités de diction surnage, voilà qui excite la curiosité devant son prochain Wolfram à Bayreuth. Quant à Alfred Muff, la voix a évidemment un peu vieilli et il éprouve quelques difficultés (puissance), mais le travail sur le texte, la dignité de la prestation scénique, la noblesse de la voix restent convaincantes.
Ce fut donc un Lohengrin anthologique, une des grandes représentations de cette oeuvre, sans doute une des meilleures soirées Wagner entendues à Budapest. Vaut le voyage, allez!