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Les objets de la politique (1) : les lunettes rouges à Eva

Publié le 17 juin 2011 par Variae

Ce matin, j’ai eu une révélation. Accrochez-vous. La vie politique française est actuellement contrôlée, secrètement, par les professionnels de santé. La communication politique est sous leur influence. Les indices étaient là, tout autour de nous, il suffisait de rassembler les morceaux du puzzle, et tout pouvait alors s’éclairer. Cette nouvelle manie des partis de couvrir leurs documents de mosaïques de portraits de Français, comme les mutuelles ou les assurances il y a quelques années, en puisant dans des banques d’images quand il le faut ? Le curieux design du logo de campagne d’Arnaud Montebourg, que l’on croirait emprunté à une grande cause nationale autour d’une maladie (« AM – Association Montebourg, faites un don pour que la recherche avance, faites un don pour qu’ils vivent ») ?

Les objets de la politique (1) : les lunettes rouges à Eva

Et que dire enfin de cette coalition silencieuse qui, de Laurent Joffrin à Eva Joly, semble s’être passée le mot pour importer les méthodes publicitaires des marchands de lunettes dans le débat public ?

Les objets de la politique (1) : les lunettes rouges à Eva

Les lunettes ont déjà été un argument de vente, à dire vrai.  Il y a quelques années, il était de bon ton pour certains animateurs de télévision, contestés, disons, sur l’intérêt de leurs émissions, de s’afficher avec des fines lunettes d’intellectuel afin de gagner quelques points de QI apparent, si ce n’est d’audimat. Mais un pas a désormais été franchi. La paire de lunettes ne se porte plus l’air de rien. Elle s’affiche, elle se touche, elle se tient d’une main qui entreprend de la baisser ou de la remonter sur le nez, comme sur une affiche de chez Lissac ou de chez (on est fou, on est fou d’) Afflelou.

Les objets de la politique (1) : les lunettes rouges à Eva

A l’avant-garde de ce mouvement – à tout seigneur tout honneur – on trouve donc les lunettes rouges d’Eva Joly. Cette peu discrète monture, qui doit provoquer de sourds élans de jalousie chez Jean-Pierre Coffe, est devenue en peu de temps l’emblème revendiqué de la campagne de la juge venue du froid. On connaissait les candidats qui s’effacent derrière leur programme (Lutte Ouvrière style). On connaissait les programmes qui s’effacent derrière leur candidat (Nicolas Sarkozy style). Les lunettes métonymiques d’Eva Joly introduisent une nouvelle ère politique : les candidats, et les programmes, qui s’effacent derrière un gimmick visuel, voire un fétiche, que l’on peut brandir, s’approprier, s’échanger pour montrer que l’on fait campagne. Militants, ne faites plus de la réclame pour des idées ou même pour un homme (ou une femme). Faites la promotion d’une attitude, d’un geste cool (ou pas). Devenez le candidat. C’est un peu le message de cet étrange clip de campagne (qui pourra toujours resservir pour Optic2000 en cas de non-désignation), qui pousse le minimalisme idéologique dans ses ultimes retranchements :

Superbes perspectives que celles offertes par cette vidéo muette – dont tous les candidats feraient bien de s’inspirer. Nicolas Sarkozy pourrait choisir comme logo de campagne un .gif représentant une silhouette animée de brusques mouvements d’épaules et de tics faciaux. Et faire enregistrer un lipdub où des militants UMP, l’air un peu coincé, essaieraient d’imiter son déhanché mécanique, à faire pâlir un breakdancer. Ségolène Royal pourrait commercialiser un appareil dentaire permettant de reproduire son magnétique sourire jocondesque. Les inconditionnels de François Hollande pourraient enfiler une gaine permettant d’imiter (pas d’égaler, n’exagérons pas non plus) sa taille de guêpe. Les démondialisateurs proches d’Arnaud Montebourg pourraient se coiffer d’une moumoute gonflante, enfin, gonflée, pour rappeler son auguste crinière. L’épure politique à son paroxysme : une image matraquée, une campagne résumée. Et dans le cas d’Eva, une couleur, rouge, qui épargne bien des longs discours pour expliquer que l’on est de gauche. Que demande le peuple ?

Les objets de la politique (1) : les lunettes rouges à Eva

En attendant, des congrès de sémiologues se pencheront sans doute bientôt sur le sens du geste lunettier, dont on a un très bel exemple à la fin du clip rappelé plus haut, quand Joly chausse ses binocles avec force haussements de sourcils équivoques. Quelle est la vérité des lunettes rouges ? Vers quoi font-elles signe ? Est-ce la version moderne de quelque rituel mystico-orgiaque, enfilez-moi et vous y verrez plus clair ? Est-ce un geste d’intimité et de confiance – entre nous, je peux baisser ma garder, baisser mes lunettes avant de les relever un coup, histoire d’établir un contact visuel, de se toucher de l’œil ? Est-ce un geste d’humilité et de modestie, venant rappeler que finalement, celles et ceux qui briguent l’Elysée ne voient pas beaucoup plus clair dans le chaos contemporain que les citoyens lambda ?

Je me permettrai de conclure par une suggestion amicale à la peut-être future candidate écologiste. Pour un prochain clip de campagne, illustrez la transparence qui vous est chère en remettant en scène les mêmes militants, mais cette fois nus, ou mieux en écorché, avec vue imprenable sur les viscères frétillantes et les organes palpitants. Je n’y vois pas très clair mais je n’ai rien à cacher, ça aurait de l’allure comme slogan, non ?

Romain Pigenel

Le catalogue complet des objets de la politique, bientôt disponible ici.


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