La jeune galerie Plume héberge jusqu’au 23 Février une exposition de découverte, de passage entre Buenos-Aires et Paris proposée par une curatrice qui a un pied dans chaque pays, avec cinq artistes peu connus hors d’Argentine.
Rosana Simonassi met en scène sa propre mort, comme pour l’exorciser : ses photos montrent des paysages infinis et inhabités où gît un corps de femme, face contre terre, sans vie. Dans celle-ci, elle est en chemise de nuit blanche, une seule chaussure au pied : là où je pensais fuite, viol, Mouchette, l’amie argentine qui m’accompagnait évoquait les disparus sous la dictature. C’est l’aspect sériel qui fait l’intérêt de ce travail, la mise en scène de Mille morts, la déclinaison quasi infinie de ce motif cathartique. Simonassi montre aussi de belles photos nébuleuses où la perception s’égare, comme un envers de ses trop claires photos de pampa.
Diego Haboba fait un travail de mémoire. A partir de photos de famille plus ou moins fictives, il redessine les mêmes scènes, comme une incantation, une revisite d’épisodes oubliés, enfouis dans la mémoire. Ce pourrait être un travail innocent si ne planaient ici ou là quelques étrangetés. “Parents, savez-vous ce que vos enfants font en ce moment ?‘ demandait le pouvoir quand les enfants se révoltaient contre la dictature.
A côté, les prouesses techniques de l’artiste dessinant avec des cheveux ne m’ont guère passionné, ni les photos un peu trop travaillées du delta. Je serais passé vite devant les tableaux de Santiago Iturralde, paysages monochromes quasi identiques, qui, individuellement, manquent un peu d’originalité, si je n’avais réalisé un peu plus tard dans le catalogue que les deux monochromes accrochés ici et les deux laissés en réserve sont en fait aux couleurs basiques de la photographie : à mes yeux, le travail y gagne en intérêt, la série y trouve une unité, la banalité de la toile individuelle se dissolvant dans la complexité de l’ensemble, avec une décomposition de la représentation en épreuves monochromes qu’on pourrait tenter de rejointer en les voyant ensemble.
Photos courtoisie de la galerie et de Catherine Tanazacq de Stigliano.