Tyrannie des marges

Publié le 17 juin 2011 par Jlhuss

Serions-nous largués, non pas parce que les informations nous échapperaient, elles sont surabondantes, mais par le décalage ressenti entre des préoccupations récurrentes, mille fois affichées, et la réalité des véritables questions importantes.
Dans une année préélectorale il serait pertinent d'entendre évoquer des sujets tel que la mondialisation, le pouvoir d’achat, les rapports entre le capital et le travail au devenir plus équitable, les efforts cohérents à entreprendre pour préserver un bien être planétaire « durable » et judicieusement réparti entre les pays riches et les plus pauvres etc. Chacun pourrait alourdir cette liste non limitative de préoccupations importantes, à implications très générales.

Nous assistons au contraire à l’afflux pour le moins surdimensionné, de problèmes sociétaux. Ils ne sont certainement pas sans intérêt, mais loin de représenter pour le plus grand nombre, l’importance que cherche à imposer certaines minorités. C’est vrai, une campagne électorale est toujours un moment privilégié pour faire parler de soi, de ses préoccupations particulières et existentielles. On a même connu des candidatures uniquement tournées vers un seul sujet, des campagnes promotionnelles. 2012 n’échappera sans doute pas à la tradition même si les 500 signatures limitent l’exercice.
Au moment où nous écrivons deux sujets dominent les débats et se partagent les titres de UNE : le mariage des homosexuels et la légalisation du cannabis. Nous ne nous risquerons pas à évacuer ces questions comme négligeables. Prétendre qu’elles préoccupent une majorité de nos concitoyens est un mensonge et un leurre.
Le débat ne s’instaure pas uniquement au sein d’une opposition qui serait à cours de thèmes et d’arguments, mais envahit également la majorité en charge de l’exécutif. Ainsi Roselyne Bachelot, toujours à la recherche d’une singularité dans cette gamme de dossiers, affirme avec force que, députée, elle aurait voté le texte sur le mariage des homosexuels refusé par la majorité UMP. Ses prises de position sont immédiatement condamnées : « La majorité vient de rejeter une proposition de loi socialiste sur le mariage homosexuel. Si elle se situe au côté du PS et pas de la majorité, alors il faut qu’elle démissionne!», s’emporte le député Meunier, qui compte appeler ses collègues du parti majoritaire à signer un texte pour exiger la démission de la ministre des Solidarités. Il n’était pas question de la « démissionner » lors du « surdosage H1N1 » mais là … sur l’homosexualité … pas de pardon !
Pour le « joint », c’est à gauche que le feu couve. Dans un rapport parlementaire, un groupe de députés PS, présidé par l'actuel maire du 18eme arrondissement de Paris, Daniel Vaillant propose en effet de "légaliser le cannabis" afin de "sortir de l'hypocrisie". Vaillant, Ministre de l'Intérieur de Jospin, n'en a eu cure à l'époque. Chez les socialistes, la proposition jette l'embarras. Parmi les plus virulents, Manuel Valls a dénoncé les "ravages" du trafic de drogue. "L'idée de légaliser le trafic de cannabis, de l'officialiser, d'en organiser la diffusion, va à l'encontre de mes valeurs", a-t-il fait savoir. "Le cannabis est toujours le tremplin vers d'autres drogues".

Jean-Marc Ayrault essaye de s’en sortir en promettant une commission, une de plus, après un succès socialiste à la présidentielle. C’est d’ailleurs une attitude très commune au PS : un programme de «commissions innombrables» après l’élection pour répondre à des questions de minorités dont on ne tient pas à se couper avant. L'espoir fait vivre...
Nous sommes encore très loin de l’échéance; il est permis de penser que les vrais débats surgiront enfin. Peut-être aurons-nous le bonheur d’entendre évoquer les vraies questions qui préoccupent les « vrais gens » et pas seulement les problèmes existentiels de quelques minorités dont l’importance n’est certes pas à nier … Pour eux. Il est vrai cependant qu'une élection est une addition, pas une soustraction. Dans le genre, le plus comique demeure Dominique de Villepin qui "dépénalise" mais en introduisant une "contravention" : "Je suis contre la pénalisation et pour la dépénalisation, je propose qu'en contrepartie on choisisse la voie de la contravention", déclare-t-il. "La contravention c'est un message suffisant mais nécessaire, parce que la consommation de cannabis reste dangereuse" ... Comprenne qui pourra !