Hasard du calendrier, dans un rapport publié le 2 juin, la Commission mondiale sur la politique des drogues internationale (ONU) présidée par l’ancien président brésilien Cardoso porte un constat très tranché sur la lutte mondiale contre les drogues. Elle juge que celle-ci a échoué et que l’approche exclusivement répressive de la toxicomanie est « dévastatrice ».
Cette Commission fonde on appréciation sur un constat. Sur la période 1998-2008, la consommation mondiale a augmenté de 35% pour les opiacés, 27% pour la cocaïne et 8,5% pour le cannabis. Elle en tire une conclusion unanime et sans ambiguïté : "les dirigeants politiques et les personnalités publiques devraient avoir le courage de d’articuler publiquement ce que plusieurs concèdent en privé : que les preuves démontrent sans équivoque que les stratégies répressives ne résoudront pas le problème de la drogue et que la guerre à la drogue n’a pas et ne peut être gagnée".
Les 19 membres de la Commission internationale proposent en conséquence la dépénalisation de la consommation de drogues et la légalisation du cannabis. Le rapport des parlementaires socialistes français s’inscrit parfaitement dans ce cadre. Xavier Bertrand le ministre de la santé a donc tout faux lorsqu’il déclare sur RTL : "Je ne pense qu'il soit utile de lancer un débat comme le fait Daniel Vaillant". Le débat doit être ouvert même s’il met mal à l’aise la majorité actuelle et son chef, le président de la république qui, derrière ses rodomontades présente un bilan calamiteux en termes de sécurité publique.
En effet, au-delà de l’aspect premier de santé publique, la question de la drogue renvoie aux problèmes de sécurité publique qui lui sont étroitement liés et à l’économie souterraine de première importance qu’elle génère. Elle interpelle également sur la bienveillance culturelle qui dans l'hexagone entoure l’alcool dont la consommation excessive est un désastre sanitaire aux risques psychiatriques équivalents à une consommation excessive de marijuana.
Le rapport des députés socialistes pose bien les choses en soulignant que l’absence de correctifs à la politique actuelle se traduit par une stérilité des résultats et un renoncement de la société à trouver des parades efficaces à un fléau. Ainsi, les parlementaires socialistes signataires du rapport affirment leur volonté de privilégier une autre approche que la prohibition qui, selon eux, a fait la preuve de son inefficacité. Selon l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) le nombre de consommateurs réguliers de cannabis a quadruplé ces 20 dernières années.
On peut discuter longuement des mesures préconisaient par les parlementaires socialistes, notamment la mise en place d’une filière nationale du cannabis sur le modèle du tabac et de l’alcool avec la création d’établissements consacrés à la vente afin d’éradiquer le trafic. L’important dans un premier temps est d’admettre que les dispositions aujourd’hui en vigueur ne règlent rien et qu’il faut totalement repenser l’approche du sujet.
Un premier pas pourrait consister à distinguer la légalisation, qui signifie que l’usage de drogue est autorisé et que sa production et sa commercialisation sont permises de la dépénalisation, qui correspond seulement à une suppression des sanctions pénales associées à la consommation de cannabis (production et commercialisation restant interdites). Le débat est posé. Souhaitons seulement qu'il ne soit pas déjà, faute de courage politique, mort-né.