Actuellement, plus de 1000 souches ont été identifiées et caractérisées chez E. coli et plus de 60 souches E. coli ont été entièrement séquencées (on trouve entre 4300 et 5300 gènes dans un génome d'E. coli). Les microbiologistes identifient « grossièrement » les souches grâce aux antigènes de surface de la bactérie (structures biochimiques complexes) qui sont facilement reconnaissables par des anticorps spécifiques. Parmi ces antigènes les plus utilisés sont les antigènes O et H**. Chez E. coli on a identifié prés de 200 antigènes O différents, et plus de 50 antigènes H. Théoriquement on pourrait s'attendre à trouver 10 000 combinaison antigéniques différentes (appelé sérotype O:H) identifiant chacune une souche (Ex :O1:H2, O78:H6, O157:H7, O113:H21, O26:H11, O104:H4, etc.). Les souches d'E. coli sont si nombreuses qu'il est difficile de connaître exactement leur nombre. Il est probable que des milliersde souches d'E. coli aient été identifiées à ce jour.
Parmi ces nombreuses souches, la plupart ne sont pas pathogènes (non virulentes) et sont des hôtes habituels de la microflore intestinale de l'homme et des animaux (dit E. coli commensaux).On peut en effet dénombrer autour de 100 milliards d'E. coli dans le colon (partie distale de l'intestin) de chacun d'entre nous ! En général ils nous veulent du bien. Ils contribuent à empêcher le développement de bactéries pathogènes dans le tube digestif (effet barrière). Malheureusement, certaines souches E. coli peuvent être responsables d'infections plus ou moins graves (on parle de souches pathogènes).
**L'antigène O (ou LPS) est un composant majeur de la paroi des bactéries Gram négatif (LPS pour lipopolysaccharide), l'antigène H est un composant majeur des flagelles (long filament composées de sous unités protéiques qui assure la mobilité de la bactérie).
Les souches E. coli pathogènes. Les souches E. coli pathogènes sont responsables de divers infections intestinales ou extraintestinales (urinaires, septicémiques, méningées, cutanées et même pulmonaires). Ces souches sont classées suivant les infections qu'elles sont capables d'entrainer. On dit qu'elles appartiennent à des pathotypes (ou pathovars) différents. Les souches formant un pathotype sont souvent issues d'un ou plusieurs groupes clonales (ayant une origine génétique proche, peut être issus d'un ancêtre commun). (En savoir plus : voir le chapitre « Les souches E. coli pathogènes» en fin de texte).Les souches Enterohémorragiques (EHEC) qui sont l'objet principal de ce document sont décrites ci-dessous.
Les souches E. coli pathogènes portent des gènes particuliers (gènes de virulence) qui codent pour des facteurs de virulence (responsables des troubles occasionnés par l'infection). (En savoir plus; voir le chapitre «les facteurs de virulences » en fin de texte). La plupart des gènes de virulence sont portés par des éléments génétiques mobiles (EGM). Les EGM sont des segments d'ADN capables de mouvements à l'intérieur et entre des génomes. Les génomes bactériens évolueraient grâce à un flux de gènes dont les EGM sont à la fois réservoir et vecteurs naturels. Les EGM sont transmis à la descendance et représentent près de 10 à 50% du génome des bactéries. Ils permettent le transfert, l'intégration, et la stabilisation d'informations génétiques entre différentes souches bactériennes (transferts génétiques horizontaux, intra ou inter-espèces). Pour cette raison le génome d'E. coli porte de nombreux éléments génétiques originaires d'autres espèces bactériennes (Salmonella, Klebsiella, Yersinia, Shigella). L'identification, la caractérisation et la distribution des EGM chez une souche bactérienne donnent des informations essentielles sur son origine, son pathotype et sa virulence. Cette plasticité du génome bactérien est également observée dans l'ensemble du monde vivant (des plantes aux animaux, y compris l'homme). Les écosystèmes bactériens complexes (microflore intestinale, cuves à lisiers, boues d'épuration…) contenant plusieurs milliards de cellules bactériennes par gramme, appartenant à des milliers d'espèces différentes, représentent de formidables réacteurs biologiques ou les EGM expriment leur extraordinaire capacité à brasser les génomes bactériens. Les bactéries ont naturellement acquis au cours de leur évolution (qui est permanente) de formidables capacités à modifier leur génome (on parle de plasticité génomique). Cette plasticité leur permet de s'adapter aux fluctuations de l'environnement (acidité, température, sources énergétiques, compétition avec d'autres bactéries…) et de résister à divers stress (antibiotiques, carence alimentaire, présence de sel…). (En savoir plus; voir le chapitre «Les éléments génétiques mobiles » en fin de texte).
Ce pathotype regroupe les souches d'E. coli ayant les gènes codant les shigatoxines (Stx). Le terme « E. coli enterohémorragiques » (EHEC) est utilisé pour désigner les souches considérées comme pathogènes pour l'Homme. Ces souches sont capables de produire un ou deux types antigéniques de shigatoxines (Stx1et Stx2; Stx2 plus virulente que Stx1). Les gènes stx1 et stx2 sont portés par de l'ADN phagique. Ces phages (virus qui infectent les bactéries) peuvent être transférés entre les EHEC et d'autres souches d'E. coli, ce qui explique la diffusion des gènes stx dans plus de 400 sérotypes d'E. coli. La production de ces toxines est sous le contrôle de phages intégrés dans le génome bactérien (on dit qu'ils lysogénisent ces bactéries). Cela veut dire que la toxine est produite et libérée seulement quand le phage active un cycle lytique qui va lui permettre de se multiplier. Le cycle lytique est activé quand la bactérie est soumise à certains stress (carence énergétique ou présence d'un antibiotique) (détails en fin de texte dans «Les éléments génétiques mobiles »). Pour cette raison, l'emploi d'antibiotiques est controversé dans les infections à EHEC, car leur utilisation conduit à une surproduction de toxine. Le problème posé aux cliniciens ne vient pas de la résistance de la bactérie aux antibiotiques mais des risques liés à leur utilisation. (En savoir plus; voir le chapitre «Les E. coli producteur de shigatoxines» en fin de texte).
Présentation clinique de l'infection.
La colite hémorragique. Les symptômes provoqués par les EHEC apparaissent de 2 à 10 jours après la consommation d'aliments contaminés. La dose infectante peut être très basse (une dizaine de cellules bactériennes). Les infections à EHEC se manifestent le plus souvent par une diarrhée abondante avec de violentes crampes abdominales suivie dans les 48 h de l'émission de sang. Des nausées, des vomissements et parfois de la fièvre peuvent y être associés. La diarrhée sanglante (colite hémorragique) est retrouvée dans 90% des cas diagnostiqués mais l'infection par des EHEC peut être plus discrète et certains patients développent des complications sans avoir présenté de diarrhée. La colite hémorragique pourrait être liée ; 1). aux lésions "attachement-effacement" qui détruisent les microvillosités des entérocytes (cellules de l'endothélium intestinal), 2). aux effets des shigatoxines sur la vascularisation de l'intestin entraînant une nécrose et une mauvaise absorption des fluides, 3). à la présence d'autres facteurs de virulence comme desenterotoxines (certaines souches EHEC produisent aussi les enterotoxines des ETEC et des EAEC).
Il n'existe pas de traitement étiologique (qui prévient la pathologie) des colites hémorragiques dues aux EHEC, seul, un traitement symptomatique est possible. Il consiste principalement en une réhydratation par voie intraveineuse qui permet à la fois de compenser les pertes hydriques dues à la diarrhée et de soutenir la fonction rénale. Comme précédemment évoqué, l'usage d'antibiotiques est très controversé, car il favorise la production et la libération de shigatoxines. Le recours à des anti-diarrhéiques est aussi déconseillé car il augmente le temps de contacte des toxines avec le tube digestif (risque accru de complications). Dans la majorité des cas les colites hémorragiques cessent spontanément en quelques jours. Malheureusement celles-ci peuvent se compliquer (dans 2 à 15% des cas) par un syndrome hémolytique et urémique (SHU). Environ 20% des cas de SHU gardent en séquelle une insuffisance rénale.
Le syndrome hémolytique et urémique (SHU). Ces complications sont essentiellement dues aux lésions de l'endothélium vasculaire capillaires (tissus cellulaire qui recouvre l'intérieur des vaisseaux sanguins) provoquées par les shigatoxines. Après le passage de la toxine dans la circulation sanguine (favorisé par les lésions de l'intestin), celle-ci est apparemment véhiculée jusqu'aux organes cibles par les polynucléaires (cellules circulantes du système immunitaire). L'endothélium des artérioles et les capillaires des reins sont particulièrement riche en un composé appelé Gb3. C'est justement sur le Gb3 que les shigatoxines vont se fixer (on dit que le Gb3 est le récepteur de la toxine). C'est pour cette raison que les reins sont particulièrement lésés au cours des complications. La fixation de la toxine sur l'endothélium vasculaire déclenche une cascade de réaction qui va entrainer l'agrégation des plaquettes (éléments du sang qui sont nécessaires à la formation des caillots) au niveau des capillaires et former des microthrombi (petits caillots) contenant plaquettes et fibrine. La diminution du diamètre des vaisseaux augmentant localement la pression sanguine, les hématies (globules rouges) comprimées et poussées par la pression éclatent et se fragmentent. La production de médiateurs chimiques vasoactifs (qui agissent sur le diamètre des vaisseaux) par l'endothélium vasculaire lésé va en retour aggraver l'ischémie (insuffisance de la circulation sanguine) en provoquant une vasoconstriction des capillaires (diminution du diamètre des vaisseaux). Cette cascade de réactions entraîne une anémie hémolytique (lié à la destruction des hématies) et une thrombopénie (diminution du nombre de plaquettes lié à leur agrégation), et une ischémie rénale aiguë due aux thrombi de la microcirculation. Cliniquement, le SHU se caractérise par la survenue d'une triade typique : anémie hémolytique, thrombopénie et insuffisance rénale aiguë. Les signes cliniques les plus évidents du SHU sont une pâleur des muqueuses qui marque l'anémie et une oligurie (production urinaire faible), voire une anurie (plus de production d'urine) attribuable à la défaillance rénale. Le tableau clinique du SHU peut parfois se compliquer d'affections neurologiques, cardio-respiratoires et gastro-intestinales. L'atteinte du système nerveux central est actuellement la principale cause de décès. Ces complications nerveuses sont liées à un œdème cérébral ou à des microthrombi vasculaires à l'origine d'un infarctus cérébral.
Le traitement reste symptomatique. Plus sa mise en place est précoce, moins le pronostic vital est engagé.Il consiste essentiellement en des apports nutritionnels et hydro-électrolytiques par voie orale ou parentérale à l'aide de solutions isotoniques dans les cas les plus graves. L'utilisation d'antibiotiques, d'anti-diarrhéiques, et d'anti-inflammatoires non stéroïdiensdoit être évitée pendant la phase aiguë du SHU. La plupart des patients oliguriques ou anuriques doivent être dialysés. Les transfusions sanguines sont indiquées dans les cas d'anémie sévère. Les transfusions plaquettaires ne sont indiquées que si hémorragies. Le taux de mortalité en phase aigüe de SHU est actuellement inférieur à 5%. Malgré une guérison apparente, la plupart des patients sont susceptibles de développer des complications tardives. Ainsi, les patients ayant présenté un SHU avec une anurie de plus d'une semaine doivent faire l'objet d'une surveillance à très long terme.
Actuellement il n'existe pas de traitement étiologique des SHU liés aux EHEC, cependant de nouveaux traitements dirigés directement contre la toxine ou sur ses effets pourraient améliorer le pronostic des patients présentant un SHU. L'efficacité de l'administration parentérale (perfusion) d'anticorps capables de neutraliser les shigatoxines reste à démontrer mais les résultats des études précliniques semblent prometteurs. Le New England Journal of Medicine vient de rapporter (mai 2011) le succès d'un traitement sur 3 enfants souffrant de SHU par un anticorps (Eculizumab) qui inhibe une partie du système immunitaire appelé le système du complément.
Source de contamination. Les EHEC ont été détectés chez un grand nombre d'espèces animales sans que ces derniers présentent des signes cliniques de maladie (les bovins n'auraient pas les récepteurs Gb3 de la shigatoxine au niveau de l'épithélium vasculaire). Cependant le cheptel bovin semble être le réservoir principal de ces bactéries. La prévalence de la souche O157:H7 dans des fèces de bovins peut varier de 4 à 35% suivant les troupeaux et les individus d'un troupeau. La persistance des EHEC dans le cheptel est due ; 1). au portage intestinal par les animaux, 2). au portage par les carcasses des animaux souillés par leurs déjections, 3). à la contamination des sols et des eaux par les déjections d'animaux excréteurs d'EHEC. La persistance des EHEC chez les animaux dépend également d'autres facteurs comme les variations saisonnières et le mode d'élevage (Ex : hors sol ou prairie), d'alimentation (ensilage maïs ou nourrit à l'herbe) et d'abreuvement (lavage ou non des abreuvoirs). Le risque de contamination des denrées d'origine animale est fonction de l'importance du portage animal, mais surtout du respect des procédures d'hygiènes appliquées dans les abattoirs (lavage des carcasses avant l'éviscération) et les ateliers de transformation (décontamination du matériel et hygiène des personnels). La prévention de l'infection à EHEC exige des mesures de lutte à toutes les étapes de la chaîne alimentaire, depuis la production jusqu'au traitement, à la fabrication et à la préparation des aliments (Voir la revue de S. Oulkheir et al ; Rev Tun Infectiol, 2008, Vol 2, N°3, 1 – 10).
Ce que nous apprend l'épidémie EHEC allemande de mai/juin 2011.
La souche E. coli de sérotype O104:H4 a été clairement identifiée comme responsable de l'épidémie. Cette souche particulièrement virulente appartient à un sérotype très rarement observé parmi les EHEC. En effet ce sérotype à été observé une seule fois en 2005 dans un cas isolé de SHU en Corée, mais peu de chose avait été publié sur cette souche. Le séquençage du génome de la souche O104:H4 a montré de manière surprenante que cette souche avait une parenté plus grande avec une souche Enteroaggrégative (EAEC) qu'avec une souche EHEC typique. En particulier elle ne possède pas l'ilot de pathogénicité LEE (pour locus d'effacement des entérocytes) responsable des lésions intestinal de type "attachement-effacement". La seule caractéristique majeure des EHEC retrouvée chez cette souche est la production de la shigatoxine Stx2. De manière surprenante elle porte des facteurs de virulence de souches EAEC (en particulier le plasmide EAggEC, qui caractérise ces souches) et de souches enterotoxinogène (ETEC) (en particulier plusieurs ilots de pathogénicité portant des gènes d'adhésines des ETEC). Les gènes stx2 (codant la shigatoxine Stx2) étant porté par de l'ADN phagique, les phages peuvent transférés stx2 d'une souche EHEC vers une autre souche d'E. coli. On peut penser qu'une souche enteroaggrégative O104:H4 a été infectée par un phage d'EHEC qui s'est intégré dans son chromosome. Cette conversion lysogènique aurait crée un nouveau pathotype combinant les propriétés des souches enteroaggrégatives et des souches enterohémorragiques (EAEC/EHEC).
Nouveaux défis.
Jusqu'à maintenant on considérait que les fèces des bovins étaient le principal réservoir des EHEC. La prévention de l'infection à EHEC était donc dirigée contre cette source de contamination. Si les études épidémiologiques et génétiques confirment l'existence de souches enteroaggrégative (EAEC) productrices de shigatoxines, il faudra repenser rapidement les procédures d'hygiène appliquées à toutes les étapes de la chaîne alimentaire. En effet compte tenu des connaissances actuelles on peut penser que le réservoir principal des souches EAEC est le tube digestif humain (les EAEC pathogènes sont très rarement identifiées chez les animaux). S'il n'y a pas d'indices montrant une transmission interhumaine avec la souche O104:H4 au cours de l'épidémie 2011, une extrême vigilance doit être maintenant portée sur l'hygiène et l'état sanitaire des personnels des chaînes alimentaires. Des agents travaillant sur ces chaînes peuvent être des excréteurs chroniques d'EAEC type O104 :H4 sans présenter de signe clinique de la maladie (porteurs sains*). De telles contaminations de chaines alimentaires par des porteurs sains ont déjà été rapportées avec d'autres pathogènes comme les Salmonelles. Va-t-il falloir s'assurer que des excréteurs chroniques d'EAEC type O104:H4 ne risquent pas de contaminer des chaines alimentaires ? Comment gérer une telle décision compte tenu des conséquences au plan humain (faudra-t-il imposer un traitement médical, reclasser ou exclure l'employé des chaînes alimentaires, avec quel dispositif légal ?) et financier (contrôle régulier par des techniques relativement couteuses, reclassement et prise en charge sociale des personnels).
Avant 2011 les toxi-infections par des EHEC avaient toujours été associées à la contamination des aliments par des déjections de ruminants (principalement de bovins). L'épidémie allemande nous à apprit que des souches E. coli fréquemment hébergées par l'intestin humain (comme les EAEC) peuvent produire des shigatoxines. Comme les bactéries nous devons nous adapter à un environnement changeant.
*Généralement dans une épidémie toutes les personnes contaminées ne déclarent pas la maladie. Des facteurs « protecteurs » seraient impliqués dans ces résistances. Ils peuvent être génétiques (l'individu ne produit pas de récepteur pour une adhésine ou pour une toxine… ou possède une particularité de son système immunitaire qui le rend particulièrement résistant vis-à-vis du pathogène) (on parle de génotype). On sait que la microflore intestinal (microbiote) protège contre l'installation de nouvelles bactéries (pathogènes ou non). Nous ne possédons pas tous le même microbiote (on parle d'entérotypes différents), la susceptibilité de chacun vis-à-vis d'un pathogène pourrait donc dépendre aussi de son entérotype. La combinaison du génotype et de l'entérotype de chacun pourrait déterminer la susceptibilité individuelle à l'infection par un pathogène particulier. Cette diversité à probablement sauvée l'espèce humaine de l'extinction pendant les grandes épidémies qui on décimées les différents continents au cours des millénaires (peste, choléra, etc.…).
Les règles d'hygiène alimentaire de base suffisent à diminuer le risque de contamination.
· Lavage des mains au sortir des toilettes pour éviter de souiller les surfaces (surtout en cas des troubles intestinaux). Le lavage des mains doit être systématique avant de préparer ou consommer les repas. Le lavage des mains doit être également systématique après manipulation de viandes (poulet porteur de Salmonelles) et après contact avec des animaux de ferme ou de gens souffrant d'affections. Il serait souhaitable que les jeunes enfants citadins évitent le contact avec les animaux de ferme (leur système immunitaire a été « éduqué » à l'environnement urbains, pour cette raison il peut être mal adapté à l'environnement rural). Si vous êtes citadins, le lavage des mains doit être systématique après visite d'une ferme (attention pas de psychose, la guerre bactériologique n'a pas été déclarée dans nos campagnes !). L'éducation de votre système immunitaire à la « ruralité » ne peut que vous être profitable.
· Cuisson des viandes. Attention aux steaks hachés consommés par les jeunes enfants. La cuisson doit être à cœurpour détruire les bactéries (le cœur du steak ne doit plus être rouge). Si la cuisson est réalisée dans ces conditions il n'y a plus de risque de contamination.
· Les aliments crus. Les aliments devant être mangés crus doivent être conservés séparément des aliments destinés à être cuits, et doivent être soigneusement lavés (les bactéries types EHEC risques de souiller les surfaces, mais ils n'ont pas l'équipement pour pénétrer à l'intérieur des légumes, sauf si blessures ou écrasement). Si vous avez un doute, certains légumes (tomates, concombres, avocats) peuvent être blanchis (plongé dans l'eau bouillante 1 ou 2 minutes, puis pelé). Pas de panique, les contaminations par des légumes frais restent exceptionnelles.
· Vigilance aves les graines germées, ne les consommer pas crus si vous n'en connaissez pas l'origine. Cependant si vous voulez en consommer elles peuvent être passées à la poêle avec un peu d'huile ou de beurre (il faut quand même atteindre 70°C, 1 à 2 minutes). Faire attention aux produits non pasteurisés comme les fromages au lait cru, le jus de pomme et le cidre.
Auteur : Jean-Pierre Girardeau, ancien chercheur
Visuels :Bundesinstitut für Risikobewertung (BfR), CDC
Pour en savoir plus : Les souches E. coli pathogènes.
E. coli responsables d'infections extraintestinales (ExPEC)
- Uropathogenes (UPEC) (Exemple de sérotypes : O1:H7, O4:H1, O4:H5, O6:H1, O16:H6). Responsables d'infections urinaires plus ou moins sévères (pyélonéphrite si infection rénale). Des adhésines (pili P) portées par des ilots de pathogénicité permettent la colonisation de l'épithélium du système urinaire. Les réactions inflammatoires déclenchées par l'infection provoquent la nécrose des tissus. Dans de rares cas une pyélonéphrite peut se compliquer en septicémie avec choc septique due à une endotoxine.
- E. Coli responsables de Meningite Neonatale (MNEC) (Ex: O1:H7, O2:H7, O18:H7). E. coli est le deuxième germe responsable d'infection maternofœtale dans les pays industrialisés. Ces infections à E. coli restent responsables d'un taux de mortalité et de séquelles neurologiques importantes. Les souches MNEC portent des facteurs de virulences qui permettent, 1). la colonisation des muqueuses oropharyngées et intestinales, 2). le passage de la muqueuse intestinale vers le sang (translocation), 3). la résistance aux défenses de l'organisme et multiplication dans le sang, 4). la traversée de la barrière hématoméningée (protège le cerveau des agents pathogènes) et multiplication dans le liquide céphalorachidien.
E. coli responsables d'infections extraintestinales.
- Enterotoxinogènes (ETEC) (Exemple de sérotypes : O8:H9 ; O15:H11 ; O78 :H12 ; O148 :H28). Responsables des diarrhées hydriques sévères chez l'enfant (type Tourista ; près de 400.000 décès chez les enfants des pays en développement). Les ETEC produisent des enterotoxines et possèdent des adhésines nécessaire à la colonisation de l'intestin. Toxines et adhésines sont portées par des plasmides ou des PAI (ilots de pathogénicité).
- Entéropathogènes (EPEC) (ex : O127:H6 ; O111:H2 ; O119:H6 ; O86 : H34 ). Responsables d'épidémie de gastroentérite infantile dans les pays en développement. Les EPEC possèdent des facteurs dit attachement-effacement (détruit les microvillosités de la bordure en brosse des cellules de l'intestin).
- Entéro-invasifs (EIEC) (ex : O124:H–). Responsables de syndromes dysentériformes (diarrhée sanglante). Les EIEC pénètrent à l'intérieur des entérocytes et provoque leur nécrose.
- Enteroaggrégatifs (EAEC) (Ex : O86:H11 ; O15:H18 ; O3:H2 ; O20:H–). Responsables de diarrhées chroniques chez des enfants, est une cause importante de morbidité et de mortalité dans les pays en développement. Les EAEC adhèrent à la muqueuse intestinale et produisent des enterotoxines et des cytotoxines (diarrhée et lésions mucosales). Les EAEC peuvent stimuler la libération de médiateurs inflammatoires qui pourraient également être impliqués dans les maladies intestinales. Adhésines et toxines sont portées par des plasmides et des PAI spécifiques des EAEC.
Les facteurs de virulences
Les facteurs de virulence codés par des gènes de virulence peuvent être de divers types :
- des toxines, enterotoxines (diarrhées), endotoxines (choc toxique au cours des septicémies), shigatoxines (diarrhées sanglantes et complications de type syndrome hémolytique urémique), cytotoxines (destruction de certaines cellules),
- des adhésines qui permettent à la bactérie d'adhérer et de coloniser un tissus cible (épithélium intestinale, rénale, vésicale…),
- des structures de surface qui permettent de résister au système de défense immunitaire (protéines membranaires, capsules polysaccharidiques ou protéiques),
- des voies métaboliques originales permettant l'utilisation de ressources énergétiques ou nutritives non utilisées par le reste de la microflore (colonisation d'une nouvelle niche écologique),
- des systèmes de captation du fer. Le fer est indispensable au métabolisme bactérien. Des systèmes de défense naturels capturent le fer pour qu'il ne soit pas utilisable par les bactéries. Celles si produisent des composés (sidérophores) qui déplace le fer et le conduise vers leurs membranes où il est capturé,
- des systèmes de secrétionspermettant la sécrétion de facteurs protéiques dans l'environnent bactérien (certains systèmes de secrétions ressemblent à des seringues moléculaires qui injectent des protéines à l'intérieur de cellules cibles), des invasines qui permettent la colonisation intracellulaire (cellules épithéliales, macrophages).
Les éléments génétiques mobiles
- Les plasmides sont des éléments génétiques circulaires réplicaples et transférables qui peuvent porter des centaines de gènes. La plupart des systèmes de résistance aux antibiotiques sont portés par des plasmides. Les plasmides peuvent également porter de nombreuxgènes de virulence (toxines, adhésines, capsules, systèmes de secrétions…). Une cellule bactérienne peut héberger plusieurs plasmides de familles différentes. Chez E. coli plus d'une centaine de plasmides ont été identifiés, la plupart sont entièrement séquencés.
- Les prophages sont des éléments génétiques intégrés dans le chromosome bactérien. Ces éléments apparaissent après l'intégration d'un phage (virus bactérien) dans le génome bactérien. Ils portent l'information nécessaire à la réplication et à l'intégration du phage. L'expression du phage est en général réprimée par un répresseur. Dans certaines conditions (en particulier en cas de stress par les antibiotiques) le prophage entre dans un cycle lytique (il se réplique en grand nombre et sort de la bactérie en la détruisant). Les milliers de phages ainsi libérés vont infectés de nouvelles cellules bactériennes. Certains phages emportent dans leur génome des gènes codants pour des facteurs de virulence bactériens (en particulier divers toxines). Ces gènes (sorte de voyageurs clandestins) sont ainsi transférés de bactérie à bactérie lors de l'infection par le phage (phénomène appelé conversion lysogènique).
- Les transposons sont constitués d'une séquence d'insertion (appelée IS) flanquant une région d'ADN plus ou moins grande (ces fragments d'ADN peuvent porter des gènes de résistance aux antibiotiques et/ou des facteurs de virulence). L'ensemble peut « sauter » d'un endroit à un autre sur le chromosome bactérien. En s'insérant dans le chromosome les transposons peuvent moduler l'expression d'autres éléments génétiques.
- Les ilots de pathogénicité (PAI) sont des segments d'ADN chromosomique de grande taille, portant des gènes de virulence, bordés le plus souvent à une extrémité par une intégrase d'origine phagique (permets l'intégration du PAI dans un site particulier, souvent un locus tRNA). La virulence d'une souche peut être associée à l'acquisition d'un ou de plusieurs PAI.
Les E. coli producteur de shigatoxines
Les E. coli producteur de shigatoxines sont communément divisées en deux grands groupes suivant qu'ils hébergent ou non un ilot de pathogénicité désigné LEE (pour locus d'effacement des entérocytes) qui induit des lésions dites "attachement-effacement" dans le colon (lésions caractéristiques effaçant les microvillosités des entérocytes et en s'enchâssant dans la membrane cellulaire sans pénétrer dans les cellules). Ces lésions sont notamment induites par l'intermédiaire d'une protéine de membrane, l'intimine. Cette protéine est codée par le gène eae qui est porté par le LEE.
- Les souches LEE-positivecréent les lésions "attachement-effacement" (5 sérotypes ; O157:H7, O26:H11, O111:H8, O103:H2 et O145:H28) correspondent aux EHEC les plus fréquemment isolés chez l'Homme en cas d'épidémie. Les souches O157:H7 sont les plus fréquentes et les plus virulentes (hébergent toujours les gènes stx1, stx2 and eae).
- Les souches LEE-négativene créent pas de lésions "attachement-effacement" (nombreux sérotypes parmi lesquels O91:H21, O113:H21, O104:H21…). Généralement ces souches sont rarement associées à des épidémies (hébergent seul ou en association avec les gènes stx1, stx2). De manière surprenante la souche O104 :H4 responsable de l'épidémie allemande 2011 est une souche LEE-négative. Isolées dans un contexte différent elle aurait été classée dans les souches peu virulentes.
Les souches LEE+ et LEE- portent également de nombreux autres gènes de virulences codant pour des adhésines, des enterotoxines, des systèmes de sécrétion, des voies métaboliques spécifiques et des systèmes de captation du fer.