À l’occasion d’une séance de dédicace dans une librairie de Lorient (Morbihan), un article sur La grande invasion.
Le télégramme
Vie quotidienne - L’invasion des produits chimiques
Explosion du nombre de cancers, chute alarmante de la fertilité… Et si les conséquences de la « Grande invasion » des produits chimiques se faisaient déjà sentir ? Stéphane Horel, journaliste indépendante, a mené l’enquête.
« La grande invasion » dont vous parlez dans votre livre a-t-elle déjà eu lieu ?
Oui. Dans votre maison, dans votre salon, dans les cosmétiques, dans les produits détergents, mais aussi dans les jouets, les peintures… Des milliers de produits chimiques partagent notre quotidien. Dans votre canapé, vous avez peut-être des retardateurs de flammes bromés qui sont ajoutés aux textiles pour leurs propriétés ignifuges. On sait que ces retardateurs dégagent des molécules qui se diffusent dans le corps humain. Il existe 100.000 produits chimiques sur le marché. Sur ce nombre, seulement 1 % a été testé pour sa nocivité.
Vous mettez en parallèle l’augmentation du nombre de maladies et l’omniprésence de produits chimiques dans notre environnement…
Les données recueillies lors de cette enquête amènent à un constat assez angoissant. En France, le nombre des cancers a augmenté de 63 % en vingt ans et la fertilité des hommes a baissé de 50 % depuis la Seconde Guerre mondiale. La communauté scientifique est divisée pour lier - en dehors du cas amiante - ces chiffres à l’utilisation des produits chimiques. Mais cette pollution est partout : dans l’air, dans la poussière, dans nos graisses… Et elle se transmet aussi à l’enfant dans le ventre de sa mère, qui n’est pas protégé par la « barrière placentaire ». Grâce aux biopsies pratiquées, on sait que certains cancers se développent dès le foetus. Le cancer des testicules, première cause de cancer chez les hommes [de 25 à 45 ans], fait partie de ceux-là.
Comment agissent exactement ces poisons invisibles ?
Ils peuvent modifier notre système hormonal, bloquer la testostérone ou agir sur les oestrogènes. Certains produits, comme les phtalates, utilisés pour rendre le plastique souple, ne s’éliminent pas parce qu’ils sont présents en permanence dans notre environnement. Cette réalité semble pourtant encore ignorée… Bizarrement, les scientifiques sont inquiets mais la prise de conscience n’est pas encore à l’ordre du jour. Le lobby de l’industrie maintient un niveau de controverse autour de la toxicité avérée de ces produits.
Quels choix nous reste-t-il ? Habiter des cavernes et se vêtir de peaux de bêtes ?
Non, bien sûr. On peut faire quelques petites choses comme supprimer les détergents, utiliser des produits écologiques ou du vinaigre blanc qui est un excellent désinfectant. Les cosmétiques et les shampoings peuvent être remplacés par des produits bio… Mais c’est aussi un problème économique. Les gens les plus défavorisés sont également les plus touchés par cette pollution.
Gwen Rastoll