Les Indous
Le Conte de Gabriac observe
les hindous et nous en donne cette description : « Les Indous ont, comme on sait, la peau d'un beau brun chocolat; il en est qui sont aussi noirs que des nègres, mais leurs traits sont absolument semblables aux nôtres.
Leur costume, qui diffère
suivant, les localités, est
superbe à Bombay. Là
seulement on
voit ces immenses turbans,
qui renferment 40 à 50
mètres d'étoffes. Ils
ont presque le diamètre
d'un parasol, et sont
aussi majestueux qu'utiles contre le soleil. Il y en a de toutes couleurs, mais les blancs et les rouges dominent. Le reste du costume est des plus simples; il se compose d'une large houppelande
qui descend jusqu'à terre,
croisée et serrée à
la taille par une ceinture de couleur voyante ».
Edmont Cotteau nous décrit les Hindous avec beaucoup de détail : « Les Hindous des différentes castes entrent pour les deux tiers dans le chiffre total; ils se divisent en deux grandes familles, les adorateurs de Vichnou, le conservateur, et ceux de Siva, le destructeur, la deuxième et la troisième personne de la trinité indienne. Les premiers tracent sur leur front une ligne perpendiculaire. les seconds une ligne horizontale; chaque matin, autant que possible, la peinture de ces lignes doit être renouvelée par un brahmine. La multitude adresse aussi ses hommages à d'autres divinités secondaires, telles que les épouses des dieux que nous venons de nommer, le dieu Gunputti à tête d'éléphant et bien d'autres. Après les brahmines, la classe la plus importante parmi les Hindous est celle des banians, ou marchands. La plupart sont originaires du Guzerate, pays, situé au nord de Bombay. Contrairement aux autres Indiens, ils ne montrent aucune répugnance pour les longs voyages, surtout s'ils doivent contribuer à augmenter leur fortune; ils font preuve d'une rare habileté dans le commerce; de là vient le proverbe indien : « II faut trois juifs pour faire un Chinois, et trois Chinois pour faire un Banian. » Tous parlent et écrivent le guzerate; c'est le langage le plus répandu à Bombay, et en même temps la grande langue commerciale de l'Inde ».
Il nous décrit également les mahrattes et les
musulmans : « Les Mahrattes n'ont pas les mêmes dispositions pour le commerce c'est un peuple guerrier et agriculteur. Ceux qui habitent les
villes se font employés ou hommes de loi. Leurs habitations sont moins confortables que celles des opulents Guzerates. Les mahométans sont partagés en deux grandes divisions, les sunnites et les
chiites; les Turcs et les Arabes appartiennent à la
première; les Persans à la seconde. Cette dernière est la plus nombreuse à Bombay et comprend la tribu des borales, marchands colporteurs spéculant sur toutes sortes de marchandises, musulmans de
religion, mais juifs d'apparence et possédant le caractère et le génie particuliers à cette race ».
Hugues Krafft a quelque mal à s’y retrouver dans la population locale : « Il y a de tous côtés une telle infinité de turbans divers qu'il faudrait des études spéciales pour en approfondir l'origine et la signification! Comment ranger cette foule incomprise par castes de Brahmines, de Chétris, de Waïshias et de Soudras? Les coiffures les plus pittoresques et les plus extravagantes défilent les unes après les autres, tantôt enchevêtrées en mélange d'étoffes rouge et or, tantôt ornementées d'appendices bizarres qui surgissent sur les occiputs. Sur dix de ces Hindous à turbans, on en voit huit ou neuf avec des anneaux d'or dans la partie supérieure de l'oreille et portant sur leur front brun des peintures mystérieuses, tracées en petits ronds, en raies blanches, rouges ou jaunes au-dessus de leurs yeux noirs. Les rares femmes qui marchent dans la rue ont toutes des anneaux dans le nez et aux oreilles, des quantités de bagues et de bracelets clinquants aux mains et aux pieds. »
L’économie de Bombay
Nos voyageurs font également des observations sur l’économie. Jacques Siegfried qui est administrateur d’une grande banque française note avec amertume : « quant à la France, elle n'est représentée encore que par une agence du Comptoir d'escompte et par une seule maison de commerce, celle de MM. Jules Siegfried et Compagnie, à côté de laquelle il y a évidemment place encore pour bien des Français ».
Edmond Cotteau rappelle l’importance économique de Bombay : « Cette prépondérance ne résulte pas uniquement de sa grande population, qui est déjà supérieure à celle de Calcutta , mais aussi de sa supériorité manufacturière et financière. C'est à Bombay et dans le district de Bombay que se trouvent le plus grand nombre de filatures, et ce sont les produits de cette industrie qui alimentent les trois cinquièmes de l'exportation ».
Théodore Duret explique, en 1874, la réussite de Bombay : « Bombay est une grande ville, très riche, très commerçante, qui compte aujourd'hui six cent mille habitants. Sa prospérité repose entièrement sur le coton. L'Inde, avant la guerre de la sécession d'Amérique, n'exportait qu'une quantité restreinte de coton d'assez mauvaise qualité. Sous le coup de la disette de coton amenée en Europe par la guerre, les Anglais donnèrent à la culture du coton dans l'Inde une vigoureuse impulsion. Les qualités furent partout améliorées, la quantité prodigieusement augmentée, et telle est la consommation de coton qui se fait aujourd'hui dans le monde, que quoique, depuis, l'Amérique ait repris l'importance de sa production première, l'Inde n'en continue pas moins à écouler les quantités accrues qu'elle s'est mise à produire. A Bombay, tout repose sur le coton, tout existe pour lui : les négociants qui l'achètent, les industriels qui le pressent et l'emballent, les navires qui l'emportent. Vous devez tout de suite apprendre les termes du métier et les prix, on vous enseigne à juger des qualités à la longueur des soies, ici on vit dans le coton. On en rêve la nuit. On finit par être étonné de ne pas se trouver changé le matin en balle de coton ».