En cette période où la question de l’identité même de notre nation est en question, avec la “doustourisation” ou non de telle ou telle composante de notre marocanité, ce livre m’est apparu comme une clé essentielle à la solution de ce problème!
Tiré sans gêne aucune des “Lettres persanes” de Montesquieu, le titre est en effet fort aguichant : “Comment peut-on être Marocain?”, marocain avec une majuscule.
Pourquoi une majuscule, alors que la règle en français est que “la majuscule s’applique aux noms qui marquent la nationalité, qui désignent les habitants d’un lieu”.
Quand on feuillette cet ouvrage collectif, publié chez “La Maison des Arts, des Sciences et des lettres” en février 2009, on découvre que les auteurs s’ils sont la même nationalité nationalité, parfois doublée pour certains d’une autre plus présentable ou moins encombrante, ne sont pas les habitants du même lieu : beaucoup d’entre eux résident ou ont résidé à plein temps hors du pays, d’autres n’y font que des passages éclairs, seuls certains y ont choisi leur dernier port d’attache!
Abdesallam CHEDDADI , universitaire marocain et directeur du Magazine Littéraire du Maroc, a donc réuni une dizaine d’intellectuels,” sans prétendre ni à la représentativité ni l’exhaustivité” pour lancer un appel à “tous les marocains de ne pas se contenter de subir leur marocanité mais de la penser de façon active et créative”!
Vaste programme donc!
Sauf qu’au final, le lecteur reste sur sa faim : il ne trouve pas de réponse satisfaisante à la question existentielle posée par le coordonnateur de l’ouvrage?
Entre le verbiage habituel d’un Tahar Benjelloun, toujours en quête d’un passé militant et les tergiversations de Abdellafatah KILITO, entre les belles phrases alambiquées de Khaled ZEKIR ( je cite au hasard :” négociation constante avec les exigences de l’inévitable global et la soumission à l’inoubliable et indispensable local”) et les constructions psychologiques “d’un passé à déconstruire et un avenir à repenser” du psychiatre Jalal BENANI, le simplisme toujours élégant et bien tournée de Fouad AROUI est le seul à mettre en évidence la dichotomie du marocain, en équilibre istable entre rêves et visions!
Même le plus intellectuels de nos intellectuels, Abdellatif LAABI n’arrive pas à nous éclairer de façon satisfaisante sur notre propre nature de marocain! Il reconnait cependant au Maroc la pérennité : “bientôt, je m’en irai, c’est entendu, et toi qui n’est pas concerné par une telle contingence, tu resteras.” Humilité dont beaucoup devraient s’inspirer!
Pour les autres interventions, je reconnais m’y être perdu un petit peu : aussi bien dans celle de Driss JAYDANE que dans celle du propre coordinateur de l’ouvrage Abdesselam CHEDDADI!
Par contre, la contribution de l’algéro-marocain Karim M. AMMI m’a paru d’une sincérité bouleversante quand il affirme que ” mes livres sont l’identité complexe, morcelée, d’un homme travaillé par l’histoire”.
Il ne faut pas oublier l’apport de quelques plasticiens à ce livre. Par quelques touches et quelques traits de pinceaux, ils ont montré ce que le marocain peut être, sans jongler avec les mots ni avec les formules creuses : Fouad BELLAMINE et Amina BENBOUCHTA, marocains de naissance, et Sonoé ARIA et Elena PRENTICE, marocains d’adoption, ont donné des couleurs à un ouvrage bien terne finalement.
Bien terne parce qu’il y manque le témoignage essentiel et fondamental de marocaines ou de marocains qui auraient choisi de vivre leur marocanité, ici sous le doux soleil de notre pays, en y affrontant les difficultés quotidiennes et en savourant certains moments de bonheur!
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