Ce n’est pas tous les jours qu’un ancien directeur de la DST fustige les choix d’un gouvernement. C’est pourtant ce que vient de faire le Prefet Yves Bonnet, président du Centre international de recherche et d’études sur le terrorisme et d’aide aux victimes du terrorisme (CIRET-AVT) dans un rapport élaboré en collaboration avec le Centre Français de Recherche sur le Renseignement et le Forum pour la paix en Méditerranée
Pour élaborer ce rapport, un groupe d’expert s’est rendu tour à tour à Tripoli et en Tripolitaine (du 31 mars au 6 avril), puis à Benghazi et en Cyrénaïque (du 19 au 25 avril) pour rencontrer les représentants des deux parties.
Une expertise indépendante de ce type est actuellement la seule, ce qui lui donne une grande valeur compte tenu de la désinformation organisée par les deux cotés.
Le résumé par lequel débute le rapport parle de lui-même, on y retrouve la plupart des éléments soulevés sur le blog la lumière des racailles dans la nuit des karchers depuis le début de l’intervention :
“Il n’est nul besoin d’insister sur la nature hautement critiquable de la dictature imposée, depuis 1969, par Muammar Kadhafi à ses concitoyens. Face à une telle situation, rien n’est plus légitime que l’aspiration à plus de liberté et de démocratie.
Néanmoins, l’étude des faits conduit à affirmer que la « révolution » libyenne n’est ni démocratique, ni spontanée. Il s’agit d’un soulèvement armé de la partie orientale du pays, dans un esprit de revanche et de dissidence, qui tente de s’inscrire dans la dynamique du « printemps » arabe, dont il ne relève cependant pas.
Le mouvement libyen ne peut donc être comparé avec les révoltes populaires tunisienne et égyptienne.Plus inquiétant, le CNT s’affirme n’être qu’une coalition d’éléments disparates aux intérêts divergents, dont l’unique point commun est leur opposition déterminée au régime. Les véritables démocrates n’y sont qu’une minorité, et doivent cohabiter avec des d’anciens proches du colonel Kadhafi, des partisans d’un retour de la monarchie et des tenants de l’instauration d’un islam radical
Le CNT n’offre, en conséquence, aucune garantie pour l’avenir, malgré la détermination des démocrates, car les autres factions entendent bien orienter le conseil dans le sens de leurs objectifs.
Surtout, la Libye est le seul pays du « printemps » arabe dans lequel le risque islamiste s’accroît, la Cyrénaïque étant la région du monde arabe ayant envoyé le plus grand nombre de djihadistes combattre les Américains en Irak.
Il semble donc que les puissances occidentales ont fait preuve d’un aventurisme excessif en s’engageant dans cette crise. Ce qui devait être une victoire facile est devenu un semi-échec en raison de l’inconsistance des forces rebelles. L’enlisement des opérations des insurgés ne leur laisse que deux possibilités : un recul peu glorieux ou un engagement accru dans le conflit, notamment par l’envoi d’unités terrestres.
L’intervention occidentale est en train de créer plus de problèmes qu’elle n’en résout. Elle risque fort de déstabiliser toute l’Afrique du Nord, le Sahel, le Proche-Orient, et de favoriser l’émergence d’un nouveau foyer d’islam radical, voire de terrorisme, en Cyrénaïque.
La coalition parviendra peut-être à éliminer le guide libyen. Mais l’Occident doit prendre garde qu’il ne soit pas remplacé par un régime plus radical et tout aussi peu démocratique”
Pour ce qui concerne la France et son intérêt dans ce conflit, le rapport dénonce les “dangereuses illusions” de Sarkozy :
“Cette hypermédiatisation de la participation française est particulièrement trompeuse et dangereuse. Certes, certains contrats secrets ont déjà été conclus avec les insurgés, mais rien n’assure aujourd’hui que le pari du président Sarkozy de renverser le régime sera tenu. En cas de maintien au pouvoir de Kadhafi, les entreprises françaises se retrouveront dans une position extrêmement défavorable. En cas de partition du pays ou de négociation entre les parties, la France ne pourra jouer aucun rôle d’arbitre tant le ressentiment à l’égard de son président est fort à Tripoli.
Nous sommes convaincus que cet engagement irréfléchi de Paris dans le conflit libyen fait le jeu de Washington, qui laisse Nicolas Sarkozy s’afficher en moteur de la coalition, au risque, en cas d’échec, d’endosser toute la responsabilité de cette affaire. L’attitude plus discrète du président Obama permettra alors aux Etats-Unis de tirer les marrons du feu.”.
Que dire de plus, une fois encore Sarkozy brille par son incompétence et envoie la France dans le mur, et les français avec.
Liens vers les sites des organisations partenaires du rapport
http://www.ciret-avt.com/
http://www.cf2r.org
http://www. mpforum.org/