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Frank Riester, HADOPI et pipotron en overdrive

Publié le 16 juin 2011 par H16

HADOPI, ce n’est plus un marronnier, c’est une forêt. Chaque semaine qui passe en ajoute des bosquets. La semaine dernière, ce fut le lancement überlolesque de la campagne de pub et cette semaine, c’est Frank Riester qui branche pour la défendre son pipotron sur l’overdrive et en remet une couche sans sourciller. Analyse et moments croustillants.

Notre ami Franck est allé voir Pravda Inter, une des nombreuses chaînes de Pravda-Radio, la vraie radio du pays où les gens sont heureux, pour expliquer l’action de la HADOPI, la Haute Autorité Destinée à Observer les Petits Internautes.

HADOPI, la créature d'aujourd'hui

À Pravda-Inter, ils étaient moyennement chaud, parce que bon, c’est pas tout ça, mais ‘y a de la vraie actualité sur les blagues de Chirac à raconter.

Mais bon.

Ils ont collé Pascal Clarke derrière le gros micro mou, ils lui ont demandé de propulser l’engin sous le nez de Frank Riester qui, agité du réflexe pavlovien de tout politicien devant un gros micro mou, a dégoisé quelques stupidités en béton armé. Ainsi, Pascale Clarke l’interroge, et la réponse du petit Franck est finement ouvragée :

« Campagne de pub HADOPI… Bon, déjà, son budget, qui fait jaser : trois millions d’euros ! On aurait pu aider tellement d’artistes avec trois millions d’euros…
_Oui mais le but c’est justement d’aider les artistes en changeant les comportements sur internet en faisant en sorte que ceux qui consomment des œuvres sur internet puissent contribuer au financement de la création…

Moui alors bon, mon petit Franck, je résume :

a/ Pour aider les artistes, on va piocher dans la poche de leurs clients (par les impôts) trois millions d’euros. Cela fait donc trois millions d’euros que ces clients ne dépenseront pas dans la culture puisqu’ils ne les ont plus.

b/ Les trois millions, on va les claquer dans une série de publicités consternantes qui ont déclenché une hilarité générale. Leur réalisateur a honte. Leur scénariste a honte. Même HADOPI doit avoir un sentiment de honte. Franck, lui, bafouille, l’œil perdu et les mains moites. Il n’a pas honte, cependant. Il en a été opéré quand il était tout petit, pour devenir politicien ensuite.

c/ Ensuite, on va expliquer que ces trois millions (soit 1360 SMIC charges incluses ou, dit autrement, plus de deux personnes payées à temps plein, au SMIC, pendant toute une carrière, jusqu’à leur retraite) vont aider les artistes. On hésite à le dire pour ceux qui ont réalisé les spots ; j’en serais, je ne le marquerais pas dans mon CV, ça peut poursuivre des années un truc pareil…

Comme vous pouvez le constater, on se demande ce qui se passe un peu dans la tête de ces gens là. Le petit singe qui pédale en frappant des cymbales a dû se prendre une petite gamelle. Je ne sais pas. Mais vérifiez sur la vidéo, c’est bien ce qu’il raconte :

Mais en fait, il y a bien pire. L’intervieweuse, décidément difficile à convaincre, fait remarquer que les spots, outre un peu nuls sur les bords, proposent notamment la vision future d’une chanteuse (une fictive Emma Leprince) qui ne réussirait pas sans l’onction de la HADOPI. Or, les textes de l’hypothétique pop-star — bien que s’inspirant de Zola autant que DJ Fritass, n’est-ce pas — ressemblent à s’y méprendre … à de la grosse daube.

Le petit Franck ne se laisse pas démonter et, dans un élan de mauvaise foi consistant grosso-modo à nier que la HADOPI favorise l’hégémonie d’une sous-culture préformatée, nous explique que mobiliser plusieurs millions pour aller ensuite cogner sur les internautes, c’est une vraie démarche créatrice, forte d’une vraie valeur ajoutée pour les artistes : le label PUR (ce n’est pas une typo, c’est bien un « P » suivi d’un « U » suivi d’un « R »).

Pascal Clarke note qu’un tel nom, c’est pure que tout et ça pie du bec. Riester, rebondissant de mal en pus, embraye alors sur l’image (que d’aucun qualifierait d’éthylique) du pauvre petit internaute perdu dans la jungle d’internet, ballotté entre « des sites gratuits qui sont légaux et des sites payants qui sont illégaux« .

C’est vraiment trop injuste, quoi.

Surtout pour terminer par l’exemple qui tue : « … comme Megaupload« .

Ah ?

Megaupload est illégal ?

Ah bon ?

Et dl.Free.fr ? Légal, pas légal ? Je dis ça au hasard, parce que bon, c’est presque le même service, hein : offrir un espace de stockage, plus ou moins gros, pour des fichiers.

Eh bien non, mon brave Franck. Megaupload, comme Fileshare, comme dl.free.fr, comme Yousendit, comme tant d’autres, n’est pas illégal. Mon cher Franck, tu es, comme à peu près tous les clowns à roulettes, les brochettes de guignols à subventions, les politocards cacochymes et autres vieux schnoques du sénatorium, complètement à la ramasse quand il s’agit de parler d’internet.

Pour toi, le miniternet des ordinateurs du web, c’est un gros machin complexe, un ensemble de petits tuyaux et de petits fils qui vont de loupiotes colorées vers des lumières qui clignotent, pas plus ; et dès lors que des informations y voyagent sans ton imprimatur, tu ressens des envies diffuses de contrôle, de régulation, d’empêchement pour les autres de faire des trucs que tu ne comprends pas.

Et quand tu vas à la radio, ça s’entend : tu ne comprends pas que des artistes puissent se passer de labels, par exemple.

En fait, la seule chose que tu comprends, comme d’ailleurs seuls les bouffeurs de buvards qui forment le gros des assemblées le comprendront toujours, c’est la purée légale qui aboutit à HADOPI ; quelques secondes au milieu de l’interview permettent ainsi de découvrir que tout ce foutoir et sa « réponse graduée », c’est très simple, que ce n’est que de la pédagogie, et qu’en France, avec les bonnes lois, tout se termine toujours par des bisous, des chansons et des droits d’auteurs (bien sûr).

Sans HADOPI, Frank Riester n'aurait jamais pu frimer à la radio.

On savoure la naïveté ou le foutage de gueule que constitue la dernière pirouette du gars Franck quand, dans le même temps, on apprend que les saprophytes de la majorité veulent faire passer un décret pas piqué des hannetons, décret qui va préciser le champ d’application de l’article 18 de la LCEN.

L’article en lui-même permet en substance de museler des sites internet pour les habituelles fumeuses raisons d’État, raisons qui ont toujours permis à tous les États — notamment les moins démocratiques, mais pas que — de couper le sifflet de ceux qui les indisposaient. Et le décret étend cette possibilité à différents ministères (défense, justice, intérieur, économique, travail, numérique), et permet de se passer d’un juge, histoire de faire vite.

Mais là encore, de frétillants élus viendront nous expliquer en radio que tout ceci, c’est pour notre bien, et que ce n’est que de la pédagogie.

Franchement, ce décret, juste après un coup de DJ Franck, c’est vraiment too much, vous ne trouvez pas ?


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