Voici un petit livre, publié par un petit éditeur, d’un auteur de 43 ans, ingénieur des travaux publics de formation, qui vous en apprendra davantage sur la présente crise économique que la plupart des autres ouvrages, écrit par des économistes souvent plus réputés.
D’abord, parce que Vincent Bénard est le meilleur spécialiste français du secteur de l’immobilier américain. Non seulement il sait ce que sont les crédits «subprime» – et il nous l’explique fort bien – mais encore il décortique pour nous toutes les chaines de fraudes et de malversations qui ont abouti à cette montagne de crédits pourris, que l’oligarchie financière mondiale est bien décidée à faire payer par les contribuables de tous les pays.On sait qu’au tout début, il y a cette volonté politique, idéologique et absurde – mais partagée par l’ensemble de la classe politique (aux Etats-Unis, comme en France, Nicolas Sarkozy compris…) – de prêter aux pauvres pour en faire des propriétaires à tout prix (chapitre 2, page 15 et s.). Mais pour que les banques s’enrichissent à ce compte-là, il fallait qu’elles inventent des montages non seulement sophistiqués mais surtout frauduleux, ne respectant à peu près aucune règle, ni formelle, ni morale. L’auteur a raison de parler de la plus grande fraude du siècle. Comme il y a eu le «Watergate», «l’Irangate», le «Monicagate», les Américains parlent donc du «Forclosuregate».Et comme tous ces montages s’appuient sur des faux (fausses expertises, faux contrats de prêts, fausses hypothèques, fausses titrisations…), les tribunaux sont évidemment saisis, pour condamner civilement et pénalement tous les acteurs de cette arnaque, qui sont des milliers, avec des sommes en jeu qui représentent des milliers de milliards de dollars. On en est là. Et on verra bientôt qui commande, du Congrès, de Wall Street ou des tribunaux.Le problème est qu’il y a collusion entre tous ces pouvoirs oligarchiques, coalisés contre le peuple. Cela est plusieurs fois évoqué par Vincent Bénard, mais à mon avis encore insuffisamment. Même si, page 140, il écrit : «L’Etat américain ne s’est pas couché devant l’élite financière, il a couché avec, et il continue de se prostituer avec elle pour cet argent. Et cette élite (?) financière tire parti de la situation de la pire des façons qui soit. Et la vitesse d’accroissement de la dette américaine, qui rend l’Etat fédéral plus dépendant que jamais des grandes institutions financières pour se financer, n’arrange en rien la situation».La conclusion de l’auteur (page 145) est que «l’Etat doit reprendre la main sur le seul domaine où il se révèle indispensable mais où, hélas, il perd pied, et pas seulement outre-Atlantique : l’État de droit, dont les mécanismes vertueux, en éliminant les agents économiques incompétents et malhonnêtes au plus tôt, auraient protégé de cette crise, si l’Etat ne les avait pas rendus progressivement inopérants».
J’objecte pour ma part que cela suppose que des individus sans scrupule (les politiciens) se transforment miraculeusement en hommes vertueux… Je n’y crois pas. Il faut au contraire rendre la parole au peuple, par la démocratie directe. Et cesser de lui interdire ou de l’empêcher de choisir ce qui le concerne au premier chef, par exemple sa monnaie. Alain DumaitVincent BénardForeclosure gate : les gangs de Wall Sreet contre l’Etat USEdouard Valys Publications146 pages, 21,90€
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