C’est incontestablement l’une des plus belles réussites du secteur aérospatial français : avoir hissé le salon international du Bourget sur la plus haute marche du podium. C’est la plus grande manifestation de sa spécialité au niveau mondial, totalement internationale. Et, cette année, 2.100 exposants vont s’y retrouver et quelque 140 avions et hélicoptčres.
A vrai dire, l’exposition statique et les présentations en vol constituent tout au plus un mal nécessaire en męme temps qu’une belle vitrine pour l’opinion publique. Mais l’essentiel tient des rencontres de tous ordres, y compris celles qui se déroulent dans le secret des châlets. Et, cette année, plus que jamais, les sujets de discussion ne font pas défaut. Il y a męme pléthore.
Côté grandes nouveautés, on retiendra tout d’abord une trčs grande vedette, extraordinaire dans toutes les acceptions du terme, l’avion solaire suisse Solar Impulse. Il a valeur de symbole, illustre la volonté d’audace, d’innovation de l’aéronautique, sans que l’on sache quelle voie il va nous proposer de suivre. Le fręle esquif sera ŕ coup sűr trčs entouré, bénéficiant d’un intéręt pleinement justifié.
A l’opposé, on observera avec un brin de nostalgie le Boeing 747-8, nouveau développement du justement célčbre Jumbo Jet qui s’était posé pour la premičre fois au Bourget en 1969. S’il fallait illustrer la durée de vie des grands programmes aéronautiques, et n’en retenir qu’un seul, ce serait celui-lŕ. Sur le stand de Boeing, on croisera des hommes et des femmes de Seattle qui n’étaient pas nés quand le ŤSeven Four Sevenť a révolutionné le transport aérien.
Côté recherches et développement, fer de lance du secteur, sans doute convient-il d’attribuer une mention spéciale au démonstrateur technologique X3 d’Eurocopter. Un appareil hybride, mi-avion, mi-hélicoptčre, qui préfigure sans doute des développements novateurs.
Mention spéciale pour le transport militaire européen A400M qui, depuis le salon de 2009, a traversé des turbulences budgétaires qui l’ont mis en grand danger. Le voici, techniquement trčs réussi, requinqué, face ŕ des perspectives prometteuses. Airbus Military, du coup, suscite beaucoup de sympathie.
Chaque salon peut traditionnellement compter sur de grands thčmes d’échanges, des annonces, l’une ou l’autre polémique plus ou moins utile. Dans cet esprit, 2011 sera un bon cru. On devine que de nombreuses commandes d’avions commerciaux seront annoncées, ŕ l’image de la reprise devenue réalité. Au-delŕ des deux ténors, d’autres intervenants vont sans doute se manifester, notamment ATR, peut-ętre Sukhoi.
On retrouvera avec émotion un Morane-Saulnier Paris, le premier jet d’affaires au monde, qui permettra de souligner que l’héritier, Daher Socata, fęte les 100 ans de cette belle lignée.
Il y a aussi des interrogations. Ainsi, on se demande si Chinois et Russes parleront en termes concrets des biréacteurs moyen-courriers C919 et MS21 sensés briser le duopole Airbus-Boeing. Jusqu’ŕ présent, ils ne sont pas vraiment sortis d’un étrange mutisme. En parallčle, chacun tentera de se faire une opinion sur les perspectives qui s’ouvrent au C.Series de Bombardier.
Enfin, côté hexagonal, une trčs belle polémique anime les dîners en ville : le groupe Air France-KLM est-il libre d’acheter les avions de son choix ? A premičre vue déplacée, voire franchement idiote, la question a pris un tour insoupçonné et, pour tout dire, franchement désagréable. La démarche démagogique, voire populiste du député UMP Bernard Carayon a enflammé les imaginations.
Il entraîne maintenant ŕ sa suite non moins de 144 collčgues parlementaires qui prônent le nationalisme pur et dur : il faut acheter franco-européen et certainement pas commander davantage d’avions au méchant Boeing. On n’avait jamais entendu cela et, apparemment, ce n’est pas fini : le journal Le Monde, qu’on croyait plus réfléchi, ŕ ouvert ses colonnes ŕ l’économiste Jacques Sapir, lui permettant de suggérer l’hypothčse d’une renationalisation d’Air France.On en reste sans voix. Bon salon !
Pierre Sparaco - AeroMorning