Le Réseau Environnement Santé (RES) publie une information alarmante : les études ayant servi à fixer la DJA (Dose Journalière Admissible) de l'aspartame sont " introuvables " selon l'Agence Européenne de La Sécurité Alimentaire (EFSA) elle-même ! Et si ces études n'étaient pas fiables ?
C'est l'EFSA, avec les agences sanitaires nationales (ANSES en France), qui fixe les doses journalières admissibles de tout produit de synthèse incorporé dans l'alimentation. La dose journalière admissible (DJA) d'aspartame aujourd'hui en vigueur est de 40 mg/kg, ce qui représente 2,8 g pour un adulte de 70 kg. Soit l'équivalent en pouvoir sucrant, de 35 canettes de 33 cl de soda à l'aspartame. Mais certaines études estiment qu'on peut atteindre ce seuil avec moins de canettes, si par exemple on y additionne d'autres produits tels que des tasses de café avec sucrette ou des yaourts allégés.
Quelles sont les sources ?
Comment cette DJA a-t-elle établie ? C'est ce que le Réseau Environnement Santé (RES) a tenté de savoir. Récemment, il a effectué une demande d'obtention de deux études réalisées en 1973 et 1974 qui ont servi à établir la DJA. Stupéfaction, à la lecture de la réponse de Mr Hugues Kenigswald, chef de l'unité responsable du dossier : " l'EFSA ne dispose pas du dossier de demande d'autorisation de l'aspartame en Europe qui devait contenir ces études. [...] les contacts que nous avons eu à ce sujet avec nos collègues de la Commission Européenne semblent indiquer que la Commission européenne ne dispose plus de ce dossier."
Que penser de cette réponse ?
Pour le RSE, cette réponse montre une fois de plus les défaillances du système d'évaluation des risques de notre alimentation. Il demande à l'ANSES et à l'EFSA de " cesser de prendre appui sur des études non publiées, " introuvables " et de qualité douteuse pour fixer la DJA de l'aspartame. "
Voici un rappel de la position du RSE dans son dernier communiqué daté du 26 mai :
" - Les études qui fondent la DJA n'ont jamais été publiées dans une revue scientifique.
- Ces études ont été menées dans des conditions qui devraient conduire à les invalider (Ndlr : le RSE se base sur l'audition sous serment au congrès Américain d'une toxicologue de la FDA Jacqueline Verrett).
- Trois études de cancérogénèse ont été publiées depuis 2006 par l'Institut Ramazzini qui montrent un effet cancérogène chez le rat et la souris, notamment à partir de doses proches de la consommation humaine. Ces études ont été publiées dans les meilleures revues scientifiques. Elles ont été néanmoins écartées par l'AFSSA, puis l'ANSES, et l'EFSA, encore récemment, au motif de faiblesses méthodologiques.
- La consommation de boissons avec édulcorant peut induire un risque d'accouchement prématuré selon une étude prospective portant sur 59 334 femmes danoises enceintes.
En effet, dans un communiqué datant du 24 mai 2011 et cosignés par plusieurs sages femmes, médecins et universitaires, le RES affirme qu'"il existe suffisamment d'éléments en terme de bénéfice /risque pour déconseiller aux femmes enceintes de consommer quotidiennement des édulcorants intenses pendant la grossesse."Le réseau s'appuie notamment sur l'étude danoise publiée en septembre 2010 dans l'American Journal of Clinical Nutrition et menée auprès de 59 334 femmes enceintes. Celle-ci montre qu'à partir de la consommation d'une boisson light gazeuse par jour, le risque d'accouchement prématuré augmente de 27% et qu'au-delà de quatre sodas, ce risque atteint les 78%! " Le risque d'accouchement prématuré existe pour une consommation quotidienne d'au moins une boisson gazeuse light " affirme ainsi le RES dans son communiqué.
Le Dr Laurent Chevallier, médecin nutritionniste et membre du RES, estime pour sa part qu'on pourrait apprendre à se passer de ces produits qui n'ont rien d'indispensable.
" L'usage de tous les édulcorants est un non sens nutritionnel. Des analyses parues fin 2010 à partir de différentes études montrent le contraire de ce qu'ils prônent, puisqu'ils pourraient faire grossir. Si les industriels tirent un clair bénéfice financier de la substitution du sucre par l'aspartame, notre profession raisonne en termes de bénéfices/risques et on ne voit vraiment pas l'intérêt " déclare-t-il.
Les extraits de stévia et d'agave, sont-ils des substitutifs plus fiables que l'aspartame? Pour Le Dr Laurent Chevallier, rien n'est moins sûr : " Ce n'est pas un mode de consommation usuel des sociétés traditionnelles qui en prenaient sous forme de feuilles et pas de poudre ou de sirop. Je conseille davantage les sucres bruts, type cassonade. Il faut apprendre à diminuer le sucre sans passer par les édulcorants. "
En mai, l'EFSA a accepté de mener une réévaluation de l'aspartame, mandat qui stipule la nécessité d'organiser un appel public permettant de recueillir de nouvelles données, ainsi qu'un examen approfondi de la littérature disponible. L'Agence devrait travailler en liaison étroite avec l'Agence française de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) sur l'évaluation nutritionnelle des risques et des bénéfices des édulcorants que cette dernière a réalisée. De plus amples informations sur l'appel public destiné à recueillir de nouvelles données seront publiées sur le site internet de l'EFSA dans les semaines à venir. Le RES prend acte de cette réévaluation, attendue " d'ici l'été 2012 " mais rappelle que le principe de précaution est préférable dans le cas de l'aspartame.
Alicia Muñoz