Pendant la réforme des retraites, Nicolas Sarkozy s'était ainsi étrangement placé en retrait, laissant son fidèle Eric Woerth se carboniser dans les médias. Son ministre du budget dut subir seul les polémiques d'une affaire mêlant conflits d'intérêt et financement politique, injustement réduite à son seul cas alors qu'elle impliquait aussi Nicolas Sarkozy dans nombre de ses aspects; et il affronta également seul le service après vente rapidement inaudible de la réforme. Il fallut attendre le 12 juillet, près de deux mois après l'annonce du plan et 4 mois après le début des premières discussions pour entendre Sarkozy publiquement « s'expliquer » sur le sujet, sur France 2.
Aussitôt la réforme des retraites votée, Sarkozy réactive trois chantiers censés occuper l'attention populaire jusqu'à la campagne présidentielle : une grande réforme de convergence fiscale avec l'Allemagne - en fait, un allègement de l'ISF pour compenser la suppression du bouclier fiscal ; l'introduction de jurés populaires dans les tribunaux juridictionnels (loi examinée depuis avril par le Sénat puis l'Assemblée); et, last but not least, une grande réforme de la prise en charge de la dépendance.
Sur ce dernier sujet, Sarkozy a semble-t-il réalisé que le sujet était excessivement dangereux.
En juin, une jeune députée UMP, Valérie Rosso-Debord, sarkozyste des plus fidèles, prépare le terrain avec un rapport sur l'état alarmant des finances publiques face à une coût de la dépendance qui « explose ». Le 16 novembre, le Monarque posait ses idées : la dépendance peut être « assurable (...) en partie par des produits financiers innovants », et il ne faut pas taxer les successions.
Dans la foulée, le gouvernement lance une concertation, une espèce de mini-Grenelle, avec des rencontres avec partenaires sociaux et partis politiques, et des groupes de travail thématisés qui ont quelques semaines à peine pour livrer les conclusions. En janvier, sa ministre Bachelot n'avait pas caché sa déception devant les premiers résultats, et dénonce la « non-maturation du débat, aussi bien dans l'opinion publique que parmi les leaders. » Et pour cause ! Un quasi-consensus avait émergé pour refuser la privatisation de cette prise en charge. Le Medef, tout de même, proposait une couverture universelle privée obligatoire, complémentaire au « socle public de solidarité à son niveau actuel en le recentrant sur les personnes aux revenus les plus modestes ».
En février dernier, le Monarque n'écarte « d'emblée aucune solution, y compris celle de l'assurance, pour des a priori idéologiques », car « quand nos finances publiques sont dans la situation où elles sont, quand le travail est à ce point taxé, quand 5 millions de Français ont déjà souscrit une assurance dépendance, est-il raisonnable de ne pas s'interroger sur le rôle que peuvent jouer les mutuelles, les compagnies d'assurances et les organismes de prévoyance ? »
Depuis, le gouvernement était resté relativement silencieux. Le 14 juin, François Fillon, en ouvrant le troisième débat interrégional sur la dépendance, est resté très prudent. De ces 20 minutes de discours, on ne put retenir qu'une décision, cachée au milieu de nombreux constats, exemples et évidences : il n'y aura pas de hausse généralisée de la CSG : « Il faut donc exclure toute augmentation générale de la CSG parce que ce serait une solution de facilité dont les conséquences pèseraient lourdement sur l’emploi et sur l’activité.
En revanche, toutes les autres pistes qui ont été évoquées restent sur la table. »
Pour le reste, on attendra juillet. Nicolas Sarkozy aime toujours trancher sur les sujets difficiles... en plein été. Rappelez-vous la réforme des retraites... La chaleur estivale aidant, la démobilisation sociale est à son maximum.
D'ici là, chacun y va de sa recommandation. Le Conseil Economique et Social - cette chambre où Sarkozy s'est réservé une quarantaine de nominations en septembre dernier - peaufine les siennes. On évoque « l'instauration d'une taxe de 1 % sur les mutations à titre gratuit (les donations et successions d'un montant inférieur aux seuils déclenchant actuellement une taxation), » qui « pourrait » rapporter 1,5 milliard par an, et l'alignement du taux de CSG des retraités sur celui des actifs.
Il faudra juste, a prévenu Fillon, dégager des « marges de manoeuvre ».
Et pourquoi donc n'avoir pas affecté la suppression toute récente du bouclier fiscale (effective en 2012) au financement complémentaire de la dépendance ?