Toute mon enfance, j'ai entendu mon père vanter les mérites de la croustade aux pommes de sa grand-mère. Elle était d'une finesse incomparable, d'une saveur inimitable. Le dimanche, son doux parfum embaumait toute le maison d'une touche de fleur d'oranger. Elle étirait si finement la pâte qu'on voyait les dessins de la nappe au travers. Toute une mythologie familiale et culinaire qui a bercé mes premières années. La retraite venant, mon père se piqua de pâtisserie. Et après quelques tâtonnements enthousiasmement salués par nos vivats chaleureux, il décida de se jeter à corps perdu dans la réalisation de cet Everest sucré : la croustade aux pommes. La croustade, pour les néophytes, est une sorte de couronne aux pommes baptisées dans nos contrées "al cabessal" du nom du chiffon roulé que les femmes mettaient sur la tête pour aller chercher les cruches d'eau au puits. Il y passa la matinée et la moitié des contenus du placard. Au final, il arriva rouge et suant au dessert porteur de l'objet de sa quête culinaire. Le fumet en était ma foi assez bon. Mais il fallut se décider à couper. Et là, il nous fut impossible d'en venir à bout. Toutes nos tentatives échouèrent, y compris la scie à métaux. Les maçons égyptiens n'avaient pas fait de mélange plus solide que cet amalgame de farine, d'oeufs et de lait. Elle finit pas se casser en une multitude de bouts dont la dureté aurait permis à un muletier de bombarder un âne avec pour le faire avancer. Et c'est là que je compris qu'une tarte, finalement, peut présenter quelques dangers. Cette découverte me permit d'être en avance sur la cour de cassation qui attendit 2007 pour classer la tarte comme arme de sixième catégorie. Et si on fait des tartelettes, c'est moins grave ?
pour 6 honorables tartelettes aux pommes :
- 125 g de farine T55
- 2 jaunes d'oeufs durs
- 75 g de beurre
- 60 g de sucre en poudre
- sel
- 3 pommes
- 3 c. à soupe de sucre en poudre
- 1/2 c. à café de cannelle