Une autre audience de l'affaire de détournement, tentative de détournement, complicité de détournement et trafic d'influence en coaction, qui oppose l'Etat du Cameroun et le ministère public à Michel Thierry Atangana, Titus Edzoa, Isaac Njiemoun et Dieudonné Mapouna, a lieu ce 15 juin 2011. Comme lors des deux précédentes séances, l'accusé Atangana Abega sera devant la barre. Ses conseils et lui-même espèrent, en tout cas, qu'il pourra enfin exposer ses éléments de défense dans ce procès où les accusés plaident tous non coupables. Lors de cet interrogatoire contradictoire devant le tribunal, l'intéressé entend démontrer l'acharnement judiciaire à quelques mois de la fin de ses 15 ans de prison. L'accusé Edzoa, assisté de ses conseils, Mes Marthe Zintchem et André Léonard Ndém, parlant aussi bien du Comité de pilotage et de suivi des projets de construction des routes Ayos-Bertoua et Yaoundé-Kribi (Copisupr) que des marchés de l'Oua, contradictoirement devant le tribunal, avaient déjà dénoncé le harcèlement judiciaire contre lui. D'autant que les différents témoins n'ont pu prouver les faits allégués par l'accusation.
Le 31 mai dernier, le procès opposant l'Etat du Cameroun et le ministère public à Michel Thierry Atangana, Titus Edzoa, Isaac Njiemoun et Dieudonné Mapouna a connu l'un des épisodes de ses plus spectaculaires. L'accusé Atangana Abega, président du Comité de pilotage et de suivi des projets de construction des routes Ayos-Bertoua et Yaoundé-Kribi (Copisupr) et représentant de la partie française, a évoqué, comme lors de la précédente audience, le 25 mai, des propos du chef de l'Etat Paul Biya relatifs aux activités et études de ce Comité qu'il avait mis sur pied par arrêté en juillet 1994. Si, pour le ministère public et l'accusation, l'intéressé a attribué au président de la République des propos erronés, pour la défense, l'acte et le discours du chef de l'Etat constituent tout le fondement de l'argumentaire du mis en cause.
«Nous nous battrons pour éclairer le tribunal sur les limites des accusations portées contre notre client. Nous tenons dans le dossier des discours du président de la République. Ces pièces gênent, étant donné que l'accusation considère que le Copisupr a été une imposture. Que les actes posés n'étaient pas légaux et, surtout, que le chef de l'Etat n'a jamais mis en place le Copisupr», explique le conseil de Michel Thierry Atangana, Me Jean Djeuko. Cette posture transparaît dans le développement fait le 25 mai dernier par l'accusé Atangana, qui a rappelé le contexte politique ayant présidé à la création du Copisupr et renvoyé au discours de campagne du président Biya, le 10 octobre 1997 à Bertoua.
Le ministère public et ses conseils ont exigé du tribunal de consigner, dans les notes, les «prétentions» de l'accusé.
C'était sans compter avec la défense, qui a produit devant le tribunal les différents discours dans lesquels Paul Biya a promis aux populations concernées «la fin de leur calvaire en matière de déficit des infrastructures routières». Au cours de son discours du 21 février 1997, à l'inauguration de la plate-forme pétrolière d'Ebome, Paul Biya disait : «Je sais, cependant, que l'enclavement demeure l'une des préoccupations majeures des populations de l'Océan, en particulier celles de Mvengue, Lolodolf, Bipindi, Akom II, Niete et Campo. Je puis vous assurer que l'Etat poursuivra l'effort de modernisation du réseau routier dans votre département. A titre d'exemple : la route Eseka-Lolodolf dont le bitumage est en cours ; la route Yaoundé-Kribi dont j'ai demandé l'actualisation des études, la route Ebolowa-Kribi par Akom II en cours d'études.»
Main levée
Et pourtant, l'ordonnance d'octobre 2008 qui prononce la main levée du mandat de dépôt contre Thierry Michel Atangana, non sans renvoyer l'ancien secrétaire général de la présidence de la République, Titus Edzoa, devant le tribunal pour détournement de deniers publics et concussion, se fonde sur les dépositions verbales du député et ancien ministre des Travaux publics, Dieudonné Ambassa Zang. Principal représentant de l'Etat du Cameroun (vice-président) au Copisupr, ce dernier avait soutenu, à l'audition préliminaire, que le Comité était «une structure fictive» créée par les collaborateurs du chef de l'Etat.
Dieudonné Ambassa Zang, comme plus tard Dieudonné Mapouna, avaient à l'époque soutenu que le Copisupr ne pouvait défendre aucun bilan.
A l'instruction, le premier, qui estimait avoir été illégitimement dépossédé du poste de président du Copisupr au profit de Thierry Atangana, était revenu sur sa déposition avant de prendre la fuite pour l'étranger.
Or, le 12 octobre 1997 à Bertoua, achevant sa campagne électorale, le président Paul Biya avait réitéré : «le premier problème de votre province \[l'Est], je le sais, concerne les voies de communication. Beaucoup de villes, beaucoup de vos villages demeurent enclavés et privés de contact avec l'extérieur, avec des conséquences évidentes pour la vie économique de votre région et les conditions d'existence de sa population. (...) Enfin, cette année, nous avons lancé les travaux du bitumage de la route qui reliera Ayos à Bertoua. Bientôt, la capitale de l'Est ne sera plus, par la route, qu'à quelques heures de Yaoundé. Un pas important sera ainsi franchi pour le désenclavement de votre province.»
Remis au goût du jour par l'ordonnance de non lieu partiel et de renvoi devant le tribunal de grande instance du Mfoundi, statuant en matière criminelle, rendue le 23 octobre 2008 et attaquée par une requête d'appel du ministère public le 24 novembre 2008, ce procès, encore appelé la «seconde affaire Edzoa-Thierry Atangana», donne à Isaac Njiemoun et Dieudonné Mapouna de comparaître libres. Ils sont respectivement inculpés de coaction de détournement de deniers publics, de coaction de corruption et de trafic d'influence. Les deux autres, Titus Edzoa et de Thierry Michel Atangana, sont détenus dans les cellules du secrétariat d'Etat à la Défense, suivant mandat de dépôt du 03 juillet 1997. Le premier est médecin chirurgien, ancien ministre de la Santé au moment du déclenchement de l'affaire. Il est inculpé de coaction de détournement de deniers publics, tentative de détournement de deniers publics, coaction de corruption et de trafic d'influence. L'autre est économiste et financier. Disposant de la double nationalité franco-camerounaise, il représentait le consortium des entreprises françaises lors du montage financier du Copisupr. Michel Thierry Atangana est inculpé de coaction de détournement de deniers publics, tentative de détournement de deniers publics, coaction de corruption et de trafic d'influence. Depuis sa dernière comparution devant le tribunal, le 25 mai dernier, il répond du montage financier d'un montant de 56,4 milliards de Fcfa.
Non lieu
Les faits qui leur sont reprochés tirent leur substance dans la gestion de 1994, de 1996 et 1997 du Copisupr, le trafic d'influence prétendument commis lors de la signature du marché d'extension de la Société nationale de raffinage (Sonara), la tentative de détournement dans le cadre du 32è sommet de l'Organisation de l'unité africaine (Oua) et la rétention de véhicules de l'Etat. Non lieu partiel. Dans son ordonnance, le juge Pascal Magnaguemabe conclut un non lieu quant à la poursuite de Titus Edzoa, Michel Thierry Atangana, Isaac Njiemoun et Dieudonné Mapouna pour détournement de deniers publics, sur leur gestion du Comité de pilotage.
Le non lieu est également prononcé pour le chef de coaction de trafic d'influence, de détournement de deniers publics à l'occasion du 32è sommet de l'Oua. Par conséquent, le juge ordonne la main levée du mandat de dépôt décerné contre Thierry Michel Atangana, s'il n'est détenu pour autre cause. La main levée est également prononcée au sujet du blocage, ordonné dans les commissions rogatoires, des comptes bancaires de Michel Thierry Atangana en France, à Monaco, en Grande-Bretagne, au Luxembourg, aux Etats-Unis, au Canada, en Afrique du Sud, en Suisse, en Irlande du nord et dans le Royaume de Belgique.
Tout comme ceux de Isaac Njiemoun et de Dieudonné Mapouna dans ces mêmes pays. A moins que ces comptes soient bloqués pour autre cause. En revanche, le juge dit y avoir lieu à suivre, contre Titus Edzoa, d'avoir commis le crime de détournement de deniers publics et de délit de concussion. Ce qui veut dire que, si le ministère public n'avait donc pas relevé appel, Michel Thierry Atangana serait libre aussitôt sa peine de 15 ans de prison purgée. Cet appel sollicite un réexamen de sa situation, puisque le ministère public insiste sur sa culpabilité en raison, entre autres, des affirmations de M. Mapouna.
C'est à ce niveau que les proches de Michel Thierry Atangana formulent la thèse d'un mensonge d'Etat. «Ils avaient, depuis, menti au président de la République sur le dos de Thierry Michel, et tiennent à ce que ce mensonge d'Etat soit maintenu», soutiennent-ils grosso modo. Or, le témoin de l'accusation, Dieudonné Mapouna, ancien chef de secrétariat particulier de Titus Edzoa (par ailleurs inculpé dans la même procédure), s'est dédit par rapport à ses allégations antérieures et accablantes contre Michel Thierry Atangana et Titus Edzoa, à propos du trafic d'influence.
En effet, face au tribunal le 02 mars 2011, Dieudonné Mapouna, qui avait précédemment affirmé que les mis en cause avaient usé d'abus de pouvoir pour extorquer 400 millions Fcfa à la Sonara, a avoué qu'il avait menti. Une déposition qui a jeté un coup de froid dans la salle, au cours de l'audience qui avait duré à peine une heure au tribunal de grande instance du Mfoundi. A la question de savoir si Dieudonné Mapouna confirmait que, dans le cadre du marché d'extension de la Sonara, l'ancien secrétaire général de la présidence de la République, Titus Edzoa, Michel Thierry Atangana et lui-même avaient empoché 400 millions Fcfa ainsi qu'il l'a déposé, lors de l'enquête préliminaire à la Police judiciaire (Pj), l'accusé répondra par la négative.
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