Romain Burnand
Co-dirigeant de Moneta Asset Management, Gérant des FCP Moneta Micro Entreprises et Moneta Multi Caps
Depuis le début de l'année, le fonds Moneta Multi Caps, géré par Romain Burnand, a enregistré une collecte de 170 millions d'euros. Une belle réussite qui s'explique par ses bonnes performances (+29% depuis son lancement en 2006 et +4% cette année). Pour continuer de creuser l'écart, le fondateur de la maison de gestion sort des sentiers battus, en investissant notamment sur les valeurs bancaires.
Capital.fr : Entre les craintes sur la croissance et celles sur la dette, le contexte ne paraît pas favorable aux actions...
Romain Burnand : Il faudrait être naïf pour croire que tout est rose. Les marchés font face depuis plusieurs semaines à une conjonction de facteurs défavorables. Les indicateurs avancés de l'économie américaine augurent d'un ralentissement de la croissance. Le problème de la dette souveraine n'est toujours pas résolu. Et la hausse des coûts des matières premières engendre une flambée de l'inflation dans les pays émergents, ce qui pèse sur les marges des entreprises. Enfin, dans la zone euro, la vigueur de la monnaie unique face au dollar pénalise les sociétés exportatrices.
Capital.fr : Le marché devrait donc continuer sa baisse ?
Romain Burnand : C'est tout à fait possible, mais il existe plusieurs amortisseurs. Tout d'abord, les valorisations des actions françaises restent extrêmement attractives, à 11 fois leurs bénéfices attendus en 2011, très en dessous du niveau de ces dernières années. Ensuite la liquidité sur les marchés européens est particulièrement importante, en raison notamment du rapatriement de certains fonds des pays émergents vers la zone euro, des montants élevés de dividendes, du nombre limité d'introductions en Bourse réussies et de la vague d'OPA sur les valeurs moyennes (EDF EN, SeLoger.com, Stallergenes...). Ces flux positifs constituent un facteur de soutien du marché, car les investisseurs doivent un jour ou l'autre placer cet argent dans les actions.
Capital.fr : Dans ce contexte comment êtes vous parvenu à faire progresser le fonds de 4% depuis le début de l'année quand le marché est quasi stable ?
Romain Burnand : Nous ne préoccupons pas outre mesure de l'évolution du marché, car nous sommes avant tout des adeptes du stock picking, c'est-à-dire que nous sélectionnons nos dossiers au cas par cas, en privilégiant les valeurs délaissées par les investisseurs. Depuis le début de l'année, certains placements ont bien fonctionné à l'image d'EDF EN, qui a bénéficié de l'effet Fukushima avant qu'EDF lance son OPA. Wendel ou Eurotunnel ont aussi réalisé de beaux parcours. Bien sûr, nous avons aussi eu notre lot de déceptions, notamment sur Air France et Club Med, qui, malgré leurs bons fondamentaux, ont été pénalisées par la hausse du pétrole et les troubles dans le monde arabe.
Capital.fr : Quels sont vos principaux paris actuellement ?
Romain Burnand : Nous restons très investis sur les holdings (15% du portefeuille) dont la décote commence tout juste à se réduire. Wendel, Altamir Amboise et FFP se paient encore avec des décotes de 27 à 45%. Nous apprécions aussi les valeurs bancaires, notamment BNP Paribas et Société générale. Leurs valorisations sont particulièrement attractives. Elles se paient actuellement contre 7 fois les bénéfices 2011. Du jamais vu depuis la fin des années 80 ! Certes, le secteur est sous pression avec la crise de la dette et le durcissement à venir de la réglementation. Mais l'impact de ces événements est gérable : même si la dette grecque était restructurée et perdait 50% de sa valeur, les pertes engendrées ne représenteraient qu'un trimestre de résultat net. Et ces établissements n'ont pas besoin de lancer d'augmentation de capital pour se mettre en conformité avec Bâle III.
Capital.fr : Cela constitue tout de même une stratégie risquée...
Romain Burnand : Bien entendu, mais le risque est à la hauteur du potentiel de gain. De plus, à côté de ces paris, qui représentent environ un tiers du portefeuille, nous sommes investis dans des valeurs défensives comme Danone, Sanofi ou encore Vivendi et dans des sociétés en retournement (Teleperformance, Michelin, Alstom....).
(Thomas Le Bars - Capital.fr - 15/06/11)