Cobra, Albator, Astro le petit robot ou encore Evangelion…. Autant de références du manga ou de l’animation japonaise aujourd’hui cultes en France. Leur point commun ? Toutes ces œuvres sont issues d’un genre majeur de la production japonaise : la science-fiction. Pourtant, on parle rarement de SF japonaise. Le grand public a souvent considéré à tort ces supports comme un style (graphique mais pas seulement) alors qu’ils doivent être appréhendés comme des terrains d’expression. Dans Kami et Mecha, le fanzine Yellow Submarine interroge et réfléchit sur les origines de cet imaginaire japonais entre robots géants et esprits millénaires, mais aussi sur son accueil par le public français.
Riche, singulière et pourtant peu reconnue, la science-fiction japonaise en dit long sur ses auteurs, sur leur rapport au corps, à l’étranger, au progrès. Dans ce nouveau numéro du très pointu fanzine dédié aux littératures de l’imaginaire, une équipe d’auteurs et de critiques, passionnés et spécialistes, s’interrogent sur l’histoire du genre à travers ses différentes sources d’inspirations occidentales évidentes mais aussi de l’influence de la bombe atomique, de la culture pulp américaine, de la fascination qu’ont les japonais pour les sciences… A travers des entretiens avec des écrivains japonais (Arai Motoko, Yamamoto Hiroshi) et français (jérôme Noirez), on découvre des sources d’inspiration classiques de Arthur C. Clarke à Conan Doyle, plus pointues comme C. L. Moore, ou parfois étonnantes, les différents supports de la littérature SF au Japon (les romans, mais aussi les nouvelles, très prisées et les récents light novel), et la place qu’elle occupe face à des genres reconnus comme le polar. Bien entendu, l’héritage laissé par le géant Tezuka est longuement abordé et décortiqué à travers sa fascination pour les robots, tour à tour armes de guerre, force ouvrière ou émissaires de paix, des personnages à part entière dans son oeuvre (Astro Boy, pour ne citer que lui) qui lui permettent de véhiculer ses messages de paix et tolérance. De même sont cités les très nombreux créateurs (mangaka, scénaristes pour le cinéma….) inspirés par son oeuvre qui ont par la suite imaginé des robots géants (une thématique vite devenue prédominante dans l’imaginaire japonais), de Grendizer à Evangelion, mais aussi des space opera, un genre qui doit beaucoup à l’engouement pour Star Wars mais a su se développer au Japon pour acquérir ses codes propres.
// Buster Beam !
L’ouvrage aborde aussi avec autant d’enthousiasme le cas des Sentai, ou escadrons de combats, ces super-héros bariolés à la japonaise et toutes leurs déclinaison, les nombreuses ramifications entre science-fiction et l’horreur, un genre que les japonais adorent et dans lequel ils excellent, mais aussi l’importance de leur héritage folklorique qu’il n’hésitent pas à marier avec les plus récentes technologies. Viennent s’ajouter des fictions, et même un point sur l’accueil de la culture japonaise par les français, avec retour obligé par le Club Dorothée jusqu’au récent succès des films d’animation nippons au box office français. Finalement, Kami et Mecha englobe en peu de textes un très, très vaste domaine. Les néophytes se perdront dans les innombrables énumérations de titres d’oeuvres en japonais, et les spécialistes de domaines précis risqueront de se sentir frustrés par les informations somme toute chronologiques offertes sur chaque thème. Il manque peut-être un angle plus précis, une idée directrice qui ferait s’articuler avec plus d’élégance ces évidentes connaissances. Il n’en demeure pas moins que ce 135ème numéro du Yellow Submarine offre un tour d’horizon agréable et un point de départ solide pour s’interresser à la science-fiction japonaise.
Kami et Mecha, Imaginaire Japonais, Yellow Submarine numéro 135, aux éditions Les Moutons Electriques, 19€.
Et en cadeau-bonus, un petit défi pour les fans de SF japonaise que vous êtes : de quelle oeuvre d’anthologie est issue la citation qui sert d’intertitre ?